Genève, centre d’excellence de la recherche en finance

Anne Barrat

3 minutes de lecture

Pour Tony Berrada, l’approche interdisciplinaire du GFRI a des applications prometteuses pour la place financière genevoise.

Fondé en 2009 à l’initiative de l’Unige, le Geneva Finance Research Institute (GFRI) répond à la stratégie interdisciplinaire de l’Université de Genève (Unige). Objectif de cette stratégie: ancrer la recherche en finance dans des sujets concrets de société, la mettre notamment au service de la création de structures de marché plus efficientes et moins risquées. Explications avec Tony Berrada, Managing Director du GFRI, Professeur de Finance

Quel est l’objet du GFRI? En quoi le GFRI se différencie-t-il de l’Unige?

Le GFRI fait partie intégrante de l’Unige, nous travaillons avec les facultés d’économie et management (GSEM), de droit et de psychologie. L’originalité du GFRI réside dans son approche pluridisciplinaire de la finance, qui combine finance d’entreprise (corporate finance), finance des marchés, micro-finance, neuro-finance, et l’étude des comportements dans la philanthropie. Notre raison d’être provient de la conviction que les enjeux dans le domaine de la finance ne se résument pas à des problèmes économiques, environnementaux ou psychologiques, mais à une combinaison de l’ensemble. Il nous paraît plus pertinent et plus efficient de réfléchir de manière transversale plutôt qu’en silos. Clé de voûte du GFRI, l’interdisciplinarité se reflète dans la composition de l’équipe académique – aujourd’hui onze professeurs à plein temps –, qui comprend des experts en finance, en économétrie et statistiques, en économie, mais aussi en neurosciences. Cette équipe, internationale et diverse dans son contenu académique, positionne le GFRI comme un centre de recherche et d’éducation sans équivalent en Suisse et en Europe.

Nos travaux peuvent trouver de nombreuses
applications concrètes dans la finance.
Quels sont les objectifs de cette approche innovante?

Il s’agit de comprendre comment les agents économiques prennent des décisions en situations incertaines et de modéliser ces réactions et leur impact sur les mécanismes de prix. Notre recherche expérimentale s’appuie sur les neurosciences pour étudier le comportement des gens face à des chocs économiques, face à telle situation de marché ou tel mouvement des marchés. Par exemple, quelle décision de trading prennent-ils en cas de brusque retournement de prix ou d’illiquidité d’un actif? Comment réagit un investisseur en situation de panique? Qu’est-ce qui motive leur décision d’un point de vue neurologique? Comment tenir compte des écarts de réaction dans la modélisation des comportements? Dans quelle mesure est-il possible d’en tirer des conclusions et des outils d’aide à la décision?  Autant de questions qui sont au cœur de notre démarche.

Quelles applications concrètes dans la finance?

Forts de cette approche interdisciplinaire qui nous permet de modéliser comment les réactions des agents influencent les tendances des marchés qui elles-mêmes influent sur les prix, nos travaux peuvent trouver de nombreuses applications concrètes dans la finance. A commencer par celle des marchés: nos travaux nous permettent de comprendre les mouvements de prix, d’expliquer les excès de volatilité ou des corrections de prix trop importantes, de réfléchir à des places de marchés qui tiennent compte des anticipations et réactions apparemment irrationnelles des agents économiques. La finance durable est un autre terrain d’application, et non des moindres. L’analyse des décisions des investisseurs institutionnels permet en effet d’identifier leur motivation dans le choix de telle obligation verte plutôt qu’une autre, de calibrer les besoins de vérification et d’audit extra-financier, d’orienter la notation pour qu’elle réponde réellement et sincèrement à des exigences de qualité en matière d’investissements durables. Donc, de donner à la finance durable un ancrage précis. Le GFRI abrite ainsi la 1re chaire de Suisse en finance durable depuis 2014 et coorganise, depuis cette même date, le Sustainable Summit en partenariat avec Sustainable Finance Geneva et le Swiss Finance Institute.

L’expansion de notre offre pédagogique nous a permis d’attirer
toujours davantage d’étudiants du monde entier.
Ce positionnement original vous amène-t-il des partenaires, notamment dans le secteur bancaire?

Nous avons en effet pu compter sur un soutien en croissance constante du secteur financier au sens large depuis notre création en 2009. Genève Place Financière et le Swiss Finance Institute en premier lieu, mais aussi Edmond de Rothschild pour la recherche en Philanthropie, ou encore le CAIA et le Swiss Sustainable Finance. Ce soutien traduit l’intérêt de la communauté financière pour nos travaux et notre positionnement unique, qui nous a permis de gagner en indépendance. Aujourd’hui, nous ne sommes plus financés que par le DIP et les frais de scolarité des étudiants pour les programmes de formation «executive».

Cela étant dit, nous sommes toujours à la recherche de partenaires. Tant il est vrai que cette recherche ne s’arrête jamais, qui conditionne le développement de notre offre académique. La participation d’UBS à l’un de nos programmes est un début, dont nous espérons qu’il sera suivi d’autres collaborations.

Rencontrez-vous le même succès chez les étudiants?

Absolument, l’expansion de notre offre pédagogique nous a permis d’attirer toujours davantage d’étudiants du monde entier. Nous proposons aujourd’hui trois principaux programmes, tous disponibles en ligne. Le plus populaire, avec près d’un million de visiteurs, est le MOOC dédié à la problématique de l’investissement réalisé avec UBS et disponible sur la plateforme COURSERA. Une autre formation, en partenariat avec la FER, vise à offrir aux membres des conseils de caisses de pension des bases pour étayer leurs décisions d’investissements. La 3e formation, un projet pilote développé avec la Chine et lancé en 2016, permet à des cohortes d’étudiants, 300 répartis sur 4 cohortes à ce jour, d’acquérir de solides connaissances en wealth management et de les mettre en pratique à travers des travaux de recherche appliquée.