Flux et tendances dans l’industrie

Nicolette de Joncaire

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Les ventes de fonds et d’ETF continuent de progresser. Bilan avec François Pirrello de J.P. Morgan Asset Management.

De janvier à mai, les flux d’investissement ont été positifs sur les marchés européens, se montant de 384 milliards de dollars sur cinq mois (en excluant les fonds de money market et les fonds de fonds). Un joli bilan un après l’une des pires crises économiques et boursières jamais vue, hors temps de guerre. Retour sur les douze derniers mois avec François Pirrello, managing director de J.P. Morgan Asset Management à Genève.

Comment se sont comportés les investisseurs au lendemain de la chute boursière de mars/avril 2020?

La confiance est revenue assez rapidement. Timidement d’abord, puis à un rythme qui s’est accéléré avec le temps. Novembre et décembre ont été les mois les plus forts de l'année 2020 en termes d'entrées nettes, les actions et les obligations étant les principaux moteurs de cette reprise. Seuls les fonds alternatifs et les matières premières ont affiché des sorties nettes sur ces derniers mois de l’année. Cette remontée reflétait l'optimisme des investisseurs à l'annonce du lancement imminent des campagnes de vaccination. Les mois de janvier et février ont continué sur la lancée, avec de fortes entrées nettes (environ 110 milliards de dollars par mois puis, les flux ont ensuite commencé à ralentir en mars/avril (aux alentours de 85 milliards de dollars mensuels), pour se stabiliser autour de 80 milliards au mois de mai. Source: Morningstar

«Les fonds durables ont subi de plein fouet le choc de mars 2020
mais se sont repris plus rapidement que les autres.»
Comment se sont orientés ces flux?

Sur la période novembre 2020 à avril 2021, les actions étaient les grandes gagnantes du rallye. Depuis avril, les produits de taux reprennent du poil de la bête. Les 80 milliards de dollars d'entrées nettes du mois de mai ont été plus équitablement répartis entre les différentes catégories d'actifs, actions et titres à revenu fixe avec des entrées nettes de 28 milliards de dollars et les solutions multi-actifs de 23 milliards. Mai était donc le premier mois depuis octobre où les marchés obligataires enregistraient des entrées de fonds plus importantes que celles des actions.

Quelles tendances avez-vous observées?

L'année 2021 a débuté avec quelques tendances notables sur fonds de rebond économique: un intérêt pour les actions mondiales (y compris cycliques/value et matières premières), l'orientation ESG, les actions thématiques, la Chine et les marchés privés. 

Parlez-nous un peu de la gestion durable dont l’essor parait assez remarquable.

Effectivement, les fonds durables ont subi de plein fouet le choc de mars 2020 mais se sont repris plus rapidement que les autres avec une collecte nette positive dès le mois d’avril 2020. Ils représentent aujourd’hui près de la moitié des flux de l’industrie avec des entrées très soutenues de novembre à mars qui se sont modérées depuis avril. Les actions globales ont largement emporté l’adhésion des investisseurs (suivies par les fonds actions orientés vers l’écologie) mais, de même que pour les autres produits, les fonds obligataires regagnent du terrain. Pour ce qui est du type de gestion, les fonds gérés activement attirent la majorité des flux, avec en tête les actions du secteur écologique. Les large caps mondiales sont désormais en tête des catégories passives durables. Avec la dislocation du marché en 2020, la gestion active a bien tiré son épingle du jeu confirmant ainsi son rôle dans les portefeuilles des investisseurs. 

«La transition énergétique est en tête des préférences,
suivie par les thèmes à spectre large et par les health techs.»
Et les fonds thématiques?

On observe un mouvement similaire sur les fonds thématiques sur lesquelles la gestion active l’emporte plus que largement. La transition énergétique est en tête des préférences, suivie par les thèmes à spectre large et par les health techs. Timidement, on voit se profiler les fonds d’impact. 

L’alternatif parait enfin se reprendre. Quelles sont vos observations?

Oui, la confiance revient mais les gérants alternatifs d’aujourd’hui sont très différents de ceux d’avant 2008. Bien plus transparents.

Et chez J.P.Morgan AM, comment vous positionnez-vous?

Avec près de 18 milliards d’entrées nettes en Europe sur la période, nous sommes en quatrième position toutes gestions confondues et en seconde position sur la gestion active. Entre janvier et février, nous avons collecté pas loin de 10 milliards d’encours supplémentaires. Nous offrons aujourd’hui 600 stratégies dont 165 fonds domicilié en Europe. Du cash au private equity, toutes les briques nécessaires à la construction d’un portefeuille sont à disposition des investisseurs aussi nous essayons de nous positionner davantage en conseiller, afin de trouver des solutions aux problèmes liés à leur construction de portefeuille, des grilles stratégiques ou tactiques.

Quels sont les fonds les plus recherchés de votre gamme?

Sans aucune doute les actions émergentes, notamment les actions Chinoises A mais la gestion obligataire flexible (total return ou revenu) a bien navigué et les matières premières et les solutions orientées secteurs cyclique et «value» pour jouer la reflation. 

«Nous estimons que peser sur la gouvernance des entreprises
est fondamental et qu’il est Important de capturer l’évolution des sociétés.»

La gestion alternative liquide a été plébiscitée. Avec des solutions novatrices dont une plateforme de managers repackagée en UCIT qui amène de la décorrélation. Les stratégies macro ont aussi bien marché dans la période difficile. En outre, nous présentons aussi des solutions alternatives durables liquides (en format UCITS) ce qui est très rare.

L’ESG est-il complètement intégré?

Nous avons 2’400 milliards de dollars sous gestion dont 97% intègrent les critères ESG de manière systématique. Bien que prudent dans notre approche, 43% de notre offre de fonds est classée article 8 du SFDR et nous en planifions davantage pour la fin de l’année respectivement des fonds article 9. Nous estimons que peser sur la gouvernance des entreprises est fondamental et qu’il est Important de capturer l’évolution des sociétés et pas seulement leur statut historique ou à un instant T comme le font certains fournisseurs. Nous avons à cet effet développé notre propre modèle de scoring ESG.

Que cherchent les investisseurs?

Pour pallier au faible rendement obligataire, ils sont définitivement prêts à transiger sur une partie de la liquidité de leurs actifs au profit du rendement et le trouvent grâce à des placements sur les marchés privés et sur l’infrastructure en direct (un secteur source de diversification de portefeuille et qui protège de l’inflation). Ces investissements, traditionnellement réservés aux grands institutionnels, se sont démocratisés. Pour la clientèle privée, des structures open-ended, sans bloquer les capitaux sur le long terme sont souvent les plus appropriées car elles permettent d’effectuer des entrés régulières et de bénéficier de fenêtres de sortie annuelles