Et si les fonds spéculatifs s’assuraient?

Salima Barragan

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Selon Henry Carrat de Willis Towers Watson, les hedge funds sont exposés à davantage de pertes.

Melvin Capital, Archegos : après quelques débâcles retentissantes, les fonds spéculatifs sont dans le viseur du régulateur américain. Selon Henry Carrat, Account Director chez Willis Towers Watson, une société de conseils spécialisée dans les risques corporatifs, les stratégies risquées prises en dehors du cadre de leur mandat d’investissement ouvrent une brèche dans leur devoir de diligence et les prêtent à des poursuites judiciaires de la part de leurs clients pour gestion fautive. En revanche, certains scénarios, comme une erreur de trading, peuvent être couverts par une police d’assurance. Entretien.

L’augmentation du volume des transactions et de la volatilité, particulièrement en début de l’année, pourrait-elle accroitre les risques financiers?

Nous avons atteint des niveaux jamais vus depuis 2008. L'augmentation de l'activité des investisseurs privés sur les plateformes de courtage électronique contribue certainement à ces chiffres. Mais nous constatons également une forte hausse du volume des investisseurs institutionnels, comme en témoignent les importants revenus de courtage des institutions bancaires mondiales. L'augmentation des transactions signifie un risque accru d'erreurs de trading, donc une source de responsabilité de plus en plus fréquente pour les sociétés d'investissement.

«Nous attendons aussi une régulation qui répondra aux récentes turbulences
causées par les mouvements de masse des investisseurs privés.»
Suite aux récentes affaires impliquant des hedge funds, l’administration Biden et la SEC vont-t-elles prendre des mesures réglementaires plus strictes à leur égard?

L'administration Biden adoptera certainement une approche plus agressive en la matière. Nous attendons aussi une régulation qui répondra aux récentes turbulences causées par les mouvements de masse des investisseurs privés. Mais ces événements retentissants surviennent à un moment difficile pour la Securities and Exchange Commission (SEC) qui est en pleine transition. La manipulation de marché, les restrictions des transactions des investisseurs privés, l’obligation de divulgation des hedge funds ne sont que quelques-uns des sujets qui retiennent de plus en plus l'attention des autorités de régulation américaines.

Les fonds spéculatifs peuvent-ils s’assurer contre des dommages économiques purs?

Les assurances de responsabilité civile des dirigeants (directors & officers) et de responsabilités civiles professionnelles (errors & omissions) des fonds spéculatifs sont facilement disponibles sur les marchés d’assurance, notamment en Suisse. Une multitude de scénarios de sinistres envisagés peuvent être couverts par une police bien conçue. Certaines inclusions de couverture, telles que les coûts des corrections liées aux erreurs de trading et la prise en charge des frais liés aux enquêtes officielles, revêtiront de plus en plus d’importance pour les assurés.

La stratégie dite du «perfect storm» pourrait entraîner
une crise de liquidités poussant les fonds spéculatifs à la faillite.
Le recours aux positions courtes et effets de leviers ont-ils des impacts dans l’appétit du risque des compagnies d’assurances?

L'ampleur de la perte résultant de positions courtes non performantes peut être substantielle, notamment si ces dernières ne sont pas liquidées dans un délai raisonnable. Mais elle peut aussi devenir exponentielle lorsque des effets de leviers sont utilisés. Si leur recours est couramment autorisé par la plupart des mandats d‘investissement des hedge funds, ceci peut être une arme à double tranchant. La stratégie dite du «perfect storm», qui allie des prises de position sur un marché irrégulier combinées à une surexposition à des positions courtes à effet de levier, pourrait entraîner une crise de liquidités poussant les fonds spéculatifs à la faillite. Les compagnies d’assurance qui évaluent l’assurabilité de leurs clients potentiels se concentreront de plus en plus sur les positions courtes, à la fois en termes de taille et de pourcentage qu'elles représentent dans l'ensemble du portefeuille d’investissement. L’utilisation de l'effet de levier sera également examinée de près dans le cadre de leur analyse de couverture, mais il est essentiel que les candidats soient précis et exhaustifs au sujet de leurs expositions, car les déclarations inexactes débouchent sur une déchéance de garantie. 

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