Durabilité: le point de vue nordique

Salima Barragan

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Joakim Ahlberg de Nordea AM s’expose aux secteurs pétrolier et minier avec esprit.

Ce n’est pas étonnant si les pays Nordiques sont à l’avant-garde de la finance ESG. C’est l’aboutissement d’une tradition égalitaire et écologique bien ancrée dans leurs sociétés. A l’occasion du GSFI, Joakim Ahlberg, lead portfolio Manager chez Nordea Asset Management, a fait le déplacement de Copenhague afin d’exprimer son avis sur les enjeux de la gestion durable. En marge de la conférence, cet ancien responsable du secteur minier et pétrolier explique à Allnews comme il s’expose à ces thématiques dans une perspective ESG. Entretien.

Comment l’ESG est-il appréhendé dans les pays Nordiques?

Rappelons que nos contrées se nourrissent des traditions d’égalité des droits pour tous et du recyclage. La philosophie de la durabilité est ainsi ancrée dans notre ADN depuis quelques décennies. Ce qui explique pourquoi aujourd’hui nos fleurons industriels atteignent de très bons scores ESG. Dans la pratique, les sociétés cotées fournissent depuis longtemps des reportings extra-financiers exhaustifs en comparaison de leurs pairs américains, qui se concentrent davantage sur les exigences de la SEC.

Nous consultons systématiquement en amont nos équipes dédiées ESG qui s’occupent de la recherche fondamentale américaine et globale.
Comment intégrez-vous la gestion durable dans vos portefeuilles?

Nous l’incluons depuis le commencement du processus, c’est-à-dire avant même de réaliser nos investissements. Nous consultons systématiquement en amont nos équipes dédiées à l'ESG qui s’occupent de la recherche fondamentale américaine et globale. Cette intégration en amont signifie que nous sommes confortables avec les sociétés dans lesquelles nous avons investi. Ces équipes génèrent également des idées d’investissement thématiques comme l’électrification et les véhicules électriques. Enfin, nous nous concentrons aussi dans l’engagement avec les fournisseurs d’énergie afin qu’ils remplacent leurs infrastructures polluantes, car la meilleure manière d’avancer est de s’engager avec les sociétés.

Selon vous, quels sont les enjeux de la gestion durable qui s’est intensifiée ces dernières années?

L’industrie tente de définir un moule unique afin d’appliquer des scores de manière uniforme. Mais l’ESG est bien plus complexe et dans le futur, l’on verra davantage de personnalisation de scores individuels à l’attention des investisseurs en fonctions des angles qu’ils observent (le social, la gouvernance ou l’environnement). C’est un défi colossal. Mais soulignons aussi que les définition ESG de base font défaut. Certains gestionnaires appliquent des raccourcis dans leur screening des sociétés, dans les exclusions ou encore dans les filtres de leurs portefeuilles. Mais ça ne suffit pas pour être véritablement qualifié de «vert».

En tant qu’ancien responsable de la recherche sur l’univers minier et pétrolier, quelle est votre approche sur ces enfants terribles de l’ESG?

A côté des grands groupes globaux qui opèrent dans des régions réputées difficiles comme l’Afrique, vous trouvez également au sein de cet univers très vaste de nouveaux entrants ainsi que des sociétés nordiques dont les activités se bornent aux terres boréales. D’un point de vue strictement ESG, certaines sociétés sont conformes. Mais de l’autre côté de l’équation, il y a aussi des sociétés pétrolières polluantes qui investissent massivement dans les énergies renouvelables. Nous avons donc un secteur à haute intensité capitalistique dont la rentabilité est problématique. D’ailleurs, nous n’avons aucun investissement dans le pétrole mais approchons la thématique à travers la société industrielle anglaise Rotork, qui fournit les sociétés pétrolières avec ses solutions pour la gestion des liquides. De même, nous ne sommes investis dans aucune mine. Mais sachant que le cuivre est une opportunité d’investissement pour la décennie à venir, portée par le marché des véhicules électriques, nous avons décidé d’acquérir des titres d’Epiroc, un fournisseur suédois de foreuses pour des mines de cuivre, qui profitera indirectement de la hausse de la demande de cuivre.