Désenchantement de la biotech malgré le COVID

Salima Barragan

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L’impact de la réforme américaine sur la rentabilité sera limité, estime Andy Acker de Janus Henderson.

Sur fond de pandémie, la biotech a déçu. Depuis son sommet au début du mois de février 2021, l’indice SPDR S&P Biotech, ou XBI, qui est un fonds négocié en bourse utilisé pour suivre la performance de la biotechnologie, a chuté de 48 % versus le S&P 500 en hausse de 13 % (données à fin février 2022). Andy Acker, gestionnaire de portefeuille chez Janus Henderson Investors, explique pourquoi il a sous-performé et quels sont les catalyseurs à venir pour la reprise. Entretien.

Pourquoi les valeurs biotechnologiques ont-elles enregistré en 2021 une baisse historique malgré des indices globaux à la hausse?

C’est une combinaison de défis qui a pesé sur la biotechnologie, dont la réforme de la tarification des médicaments après l'élection américaine de 2020, des surprises réglementaires, des retards dus au COVID-19 et un marché des offres publiques initiales (IPO) en ébullition. Plus récemment, la perspective d'une hausse des taux d'intérêt a également pesé sur les valorisations des actifs de duration longue, tandis que les investisseurs se sont inquiétés d'un ralentissement potentiel des levées de capitaux dans le secteur.

Quelles sont les entreprises les plus impactées?

Le repli a touché le plus durement les sociétés de biotechnologie de petite et moyenne capitalisation. Cet écart de performance relative entre le S&P 500 et le XBI est le plus important depuis le lancement de ce dernier en 2006. La baisse a été particulièrement importante pour les entreprises en phase de démarrage, c'est-à-dire les sociétés dont le portefeuille de produits est mince ou qui n'ont pas encore fourni de données cliniques. Les entreprises dont la trésorerie est faible ont également été vulnérables, d'autant plus que nombre d'entre elles avaient des valorisations élevées au moment du repli.

L'industrie est plus résiliente lorsque les augmentations sont mesurées et bien communiquées.
Revenons sur les surprises réglementaires…

En raison des élections américaines de mi-mandat en novembre, nous pensons que la réforme de la tarification des médicaments – si elle se produit – devrait avoir lieu cette année. Sans quoi, les démocrates pourraient ne plus avoir leur majorité au Congrès, ce qui rendrait l'adoption d'une loi beaucoup plus difficile, voire impossible. En outre, les groupes pharmaceutiques exercent une pression contre cette loi. Selon les propositions actuelles, les négociations sur le prix seraient restreintes à un petit sous-ensemble de médicaments. D'autres traitements pourraient être ajoutés au fil du temps, mais les pourparlers ne commenceraient pas avant neuf à douze ans après le lancement d'une thérapie, lorsque les protections par brevet expirent et que la concurrence des génériques et des biosimilaires débute. La réforme devrait donc avoir un impact limité sur la rentabilité de l'industrie et l'adoption d'une législation pourrait même s’avérer positive dans la mesure où elle éliminerait les incertitudes.

Avez-vous constaté un ralentissement des autorisations de la part de la FDA?

Durant l’année passée, la Food and Drug Administration a maintenu un rythme rapide avec l‘approbation de 50 nouvelles thérapies, une hausse d'environ 100% par rapport à il y a dix ans, dont une moitié de traitements «first-in-class», c’est-à-dire des molécules qui utilisent un mécanisme d'action unique, contre 40% en 2020 et 32% en 2018.

Que penser des valorisations actuelles de la biotechnologie dans les marchés privés et publics?

De manière générale, elles se sont contractées, mais nous observons des variations au sein de l’industrie. De nombreuses entreprises privées, qui ont pu lever des niveaux records de capitaux en 2020 et 2021, fonctionnent comme si le repli était inexistant et se traitent à des valorisations irréalistes. Sur les marchés publics, les cours des actions de certaines sociétés de haute qualité ne reflètent pas leurs fondamentaux solides, tels que de longues liquidités, des revenus de produits robustes et des pipelines prometteurs. Plus d’une centaine de biotechs se négocient en dessous de la valeur de la trésorerie de leurs bilans. Les investisseurs semblent accorder peu de crédit au potentiel des lancements de médicaments à court terme et de l'innovation de nombreuses sociétés.

Comment le secteur va-t-il réagir à la hausse des taux d'intérêt américains?

La perspective d'un resserrement monétaire a conduit les investisseurs à se détourner des actifs de longue durée ou des sociétés qui ne sont pas encore rentables, ce qui inclut de nombreuses valeurs biotechnologiques. Si on ne peut prédire avec certitude comment le secteur réagira à l'élévation des taux compte tenu de l'environnement actuel, on sait que par le passé,  les périodes de hausse ont mitigé les performances. L'industrie est plus résiliente lorsque les augmentations sont mesurées et bien communiquées.

Quel type de sociétés favorisez-vous?

Dans l'environnement actuel, nous préférons les petites et moyennes capitalisations dont les revenus et les bénéfices sont significatifs, dont les multiples sont bas et qui ont des catalyseurs à court terme dans leur pipeline, car elles seront mieux positionnées que les biotechs peu liquides et à un stade de développement précoce. Les entreprises qui affichent des bilans solides pourraient également offrir un soutien à la valorisation.

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