Démocratiser l’accès aux placements alternatifs

Yves Hulmann

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Jürg Rimle, responsable pour la Suisse chez Fidelity, et Frederik Meheus, directeur de Moonfare, veulent abaisser le «ticket d’entrée» pour ces investissements.

Fidelity International (FIL) a conclu au printemps 2021 un accord de collaboration avec la «fintech» allemande Moonfare qui a développé une plateforme destinée à faciliter le négoce de différentes catégories de placements alternatifs. Jusqu’à quel point est-il possible de rendre ces placements accessibles à tous – et est-ce souhaitable. Le point avec Frederik Meheus (F.M.), directeur de Moonfare, et Jürg Rimle (J.R.), directeur pour la Suisse chez Fidelity International (FIL).

Moonfare vise à démocratiser l’accès aux placements alternatifs en le rendant accessible à un plus grand nombre d’investisseurs. De quelle manière?

Frederik Meheus (F.M.): Depuis quelques années, il existe une tendance à faciliter l’accès à un nombre croissant de classes d’actifs dans toutes sortes de domaines. Comparativement, les placements alternatifs restent encore réservés aujourd’hui à un nombre plus restreint d’investisseurs. Notre objectif est de permettre un plus grand nombre d’investisseurs d’avoir accès aux meilleures solutions dans ce domaine. L’accord que nous avons conclu ce printemps avec Fidelity International (FIL) portant sur un partenariat de distribution exclusif destiné à la clientèle européenne s’inscrit dans cette perspective.

Dans ce domaine, quelles classes d’actifs sont à votre avis encore sous représentées dans les portefeuilles?

F.M.: Notre approche «cross asset» vise à offrir un accès facilité dans différentes classes d’actifs. Cela concerne aussi bien les placements dans les infrastructures, dans les actifs dits «distressed», la dette privée ainsi que le capital-investissement (private equity) ou le capital-risque, notamment en lien avec des secteurs tels que la technologie ou la santé. Il s’agit d’une extension non-stop des possibilités de placement dans divers domaines. Nous ne déterminons pas d’avance une classe d’actifs ou une autre – le développement de l’offre évolue en fonction de la demande.

On peut constater que les grands investisseurs institutionnels sont déjà largement investis dans les placements alternatifs.
Quand vous parlez de démocratiser l’accès aux placements alternatifs, cela inclut-il aussi la clientèle de détail?

F.M.: Nous nous concentrons d’abord sur la clientèle professionnelle dans une première phase. Dans une phase ultérieure, nous envisageons aussi d’étendre ces possibilités d’investissement à la clientèle de détail qui dispose déjà d’une certaine fortune, le segment appelé «mass affluent». En matière de prévoyance, je pense qu’il y a aussi un alignement de l’horizon d’investissement de certaines de ces classes d’actifs, comme le private equity, et celui d’une partie de la clientèle. Si je suis un professionnel qui a encore 25 ou 30 ans à travailler devant moi, pourquoi n’aurais-je pas la possibilité d’investir une partie de mon épargne dans le private equity plutôt que dans des actions? Beaucoup de gens souhaiteraient aujourd’hui avoir la possibilité de choisir leurs investissements dans divers domaines plutôt que de se limiter à des portefeuilles constitués uniquement d’actions et d’obligations. Je pense que l’on va aller, de manière générale, vers un élargissement de la palette de produits accessibles à un plus grand nombre. Notre principe est de rendre accessible le plus de produits au plus grand nombre de gens – aussi loin que les autorités de régulation le permettent. Nous allons bien sûr toujours respecter les limitations fixées par les instances de régulation.

Jürg Rimle (J.R.): Actuellement, on peut constater que les grands investisseurs institutionnels sont déjà largement investis dans les placements alternatifs. Nous ne ciblons ainsi pas les clients les plus sophistiqués mais plutôt la clientèle institutionnelle de second rang, ou «second tier» comme on la définit parfois. Il peut s’agir par exemple de clients ultra-riches («HNWI»), de family offices ou de différents investisseurs qualifiés. Ce sont des clients qui savent de quoi il s’agit mais qui n’investiront dans ces différentes classes d’actifs que si c’est possible de le faire de manière simplifiée. Si l’on prend l’exemple du private equity, Moonfare permet d’investir de l’argent dans le capital-investissement sans avoir à remplir une montagne de documents de papier. La start-up a largement simplifié le processus d’investissement qui peut s’effectuer de manière entièrement numérique.

La Suisse, compte tenu de sa position dans le domaine de la gestion de fortune, est un très bon endroit pour offrir des solutions à ce type de clientèle
Les placements dans les infrastructures sont un thème très présent actuellement. Quelle offre votre plateforme proposera-t-elle dans ce domaine?

F.M.: Ici aussi, notre offre ne cible pas en premier lieu les toutes grandes caisses de pension qui disposent déjà des ressources nécessaires pour y avoir accès. Nous allons toutefois permettre d’abaisser le «ticket d’entrée» à de nombreux aux autres investisseurs. Il ne sera plus nécessaire d’avoir 10, 15 ou 20 millions à placer pour commencer à investir dans certains placements alternatifs – nous allons abaisser ce seuil beaucoup plus bas, à partir de tranches de l’ordre de 100'000 francs par exemple.

Hormis les clients institutionnels déjà évoqué, visez-vous aussi la clientèle de gestion de fortune à terme?

J.R.: La Suisse, compte tenu de sa position dans le domaine de la gestion de fortune, est un très bon endroit pour offrir des solutions à ce type de clientèle. Nous avons beaucoup de family offices qui se sont inscrits sur notre plateforme. Typiquement, il peut s’agit de family offices qui gèrent des actifs dans une fourchette comprise entre 500 millions et 2 milliards de francs. Il y a aussi beaucoup de gérants de fortune indépendant (IFA) qui sont susceptibles de s’intéresser aux placements alternatifs mais qui n’y avaient pas accès jusqu’ici.

Que représente le marché suisse pour Moonfare actuellement?

F.M.: Notre premier marché est logiquement l’Allemagne, puisque nous y sommes basés et que c’est là que nous avons débuté. La Suisse, après le Royaume-Uni, représente notre second marché. Ce sont les deux pays où nous enregistrons la plus forte croissance. Le marché suisse est porté en particulier par la demande issue de la gestion de fortune.

Qui travaille essentiellement chez Moonfare?

F.M.: Notre équipe est constituée grosso modo pour moitié de spécialistes issues de la IT et pour l’autre moitié de professionnels de l’investissement, complétés par des spécialistes du droit, du marketing, etc. Désormais, nous comptons une équipe d’une quarantaine de personnes.

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