Croissance par mues successives

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

Investissement direct, IPO, augmentation de capital: les choix audacieux de Thibault Bürki pour Haute Capital Partners.

Peu de sociétés financières suisses de taille moyenne osent la cotation en bourse. C’est pourtant la voie qu’a choisie Haute Capital Partners lors de son IPO sur le BX Swiss le 23 mai dernier. Fondée en 2017, la toute jeune société d’investissement biennoise a ainsi décidé d’accélérer son développement en s’ouvrant à de nouveaux investisseurs. Puis, d’octobre à décembre, Haute Capital Partners a confirmé ses ambitions en lançant une augmentation de son capital. Les évènements de cette dernière année ne sont pas une première mue. En 2019, Haute Capital Partners avait déjà opéré une transformation majeure en passant de courtier en private equity à société d’investissement direct. Entretien avec son fondateur Thibault Bürki.

Peu de sociétés financières suisses osent faire le choix de la cotation. Pour quelles raisons vous êtes-vous engagé dans ce processus?

En tant que société d’investissement, nous étions tenus de traiter exclusivement avec des investisseurs qualifiés. Parce qu’aujourd’hui notre portefeuille est indissociable de notre entité juridique, la cotation donne un accès plus large à notre stratégie d’investissement qui, du coup, est disponible à des investisseurs de tous types. Nous aurions pu demander une licence de gestionnaire de fortune mais avons préféré une approche d’investissement direct qui nous permet d’avancer de pair avec nos investisseurs. Dans la configuration que nous avons choisie, l’actionnaire s’identifie à la société et donc à son portefeuille dans une relation de confiance réciproque.

La performance de votre action depuis la mise sur le marché est excellente surtout au regard d’une année difficile pour les asset managers. Comment l’expliquez-vous?

Restons modeste: le BX Swiss est une bourse moins intense que la bourse zurichoise et s’y distinguer est plus aisé. Ceci dit, comme notre action réagit de concert avec la demande de notre produit, la performance démontre que ce produit plait. Nous venons d’ailleurs de boucler avec succès une augmentation de capital qui confirme qu’au cours d’une année difficile, les investisseurs approuvent notre stratégie. Par ailleurs, n’étant pas corrélés avec les marchés internationaux, nous n’avons pas souffert d’une conjoncture négative.  

Notre portefeuille comporte 25% d’immobilier sur deux projets de construction en cours et nous en anticipons deux autres cette année.
En 2019, vous aviez privilégié l’investissement direct qui vous avait semblé préférable au private equity classique. Pourquoi?

Jusqu’ à 2019, nous étions effectivement une société de courtage. Ce rôle d’intermédiaire entre les exigences de rendement des investisseurs et les besoins des startups était complexe et peu efficace. Mieux valait, à nos yeux, investir directement avec le soutien de nos actionnaires fidèles. C’est ce qui nous a menés à une première, puis une deuxième et enfin une troisième levée de fonds, suivies d’une IPO.  

Quel est le profil type d’un investisseur de Haute Capital Partners?

Tous sont des investisseurs privés – nous n’avons pas de clientèle institutionnelle – mais ce sont aussi des investisseurs qualifiés, souvent des entrepreneurs, avec un parcours établi, et quelques plus jeunes qui gagnent bien leur vie mais n’ont pas le temps de se constituer un portefeuille. Nous sommes très proches de nos actionnaires. Avec certains, le contact est quasi-quotidien et ils nous envoient parfois des suggestions. Mais les décisions stratégiques restent chez nous.

Comment se compose actuellement votre portefeuille et comment va-t-il évoluer?

Notre portefeuille comporte 25% d’immobilier sur deux projets de construction en cours et nous en anticipons deux autres cette année. Environ 15% est investi en private equity, notamment sur des projets d’intelligence artificielle et de blockchain, une proportion que nous avons réduite et continuerons de réduire pour des raisons de liquidité. Plus ou moins 50% du portefeuille est dédié aux instruments cotés en bourse et le solde au cash.  

Vous êtes très engagé dans des projets immobiliers de la région de Macolin et de Bellmund. Quelles en sont les raisons?

Macolin est surtout célèbre pour abriter la Haute école fédérale de sport, un lieu de formation connu dans le monde entier. Mais c’est aussi un peu le Cologny de la région biennoise, une zone résidentielle très prisée qui se caractérise par une population au revenu élevé. Nous avons acheté deux parcelles pour y construire des appartements locatifs et les revendre. A Macolin, nous démarrons la construction et le projet de Bellmund a reçu autorisation de détruire la construction existante.

Subissez-vous l’impact négatif de la hausse des taux?

Non, nous avons emprunté à un taux fixe bas et les investisseurs potentiels appartiennent à une classe qui n’a pas besoin d’emprunt pour acheter.

Nous avons développé des outils de robotisation des arbitrages en interne et pourrions consacrer davantage au développement de l’IA.
Comment envisagez-vous l’évolution des marchés sur lesquels vous êtes positionnés?

Les marchés boursiers et la crypto se sont montrés très difficiles en 2022 et risquent de rester tout aussi compliqués, voire pires, en 2023. Mais nous considérons cette conjoncture comme une opportunité sur laquelle nous pouvons nous positionner favorablement car, grâce aux fonds levés, nous saurons tirer parti des baisses de valorisation sur les marchés. En ce qui concerne l’immobilier, une baisse de valorisation n’impacterait pas le succès des projets. Quant au private equity, comme je l’évoquais plus tôt, nous entendons en réduire la part.

Avez-vous en tête d’autres types d’investissement auxquels vous entendez-vous intéresser?

Nous avons développé des outils de robotisation des arbitrages en interne et pourrions consacrer davantage au développement de l’IA.

Après Zurich, envisagez-vous d’ouvrir d’autres antennes?

Dans l’immédiat, nous ne sommes pas pressés mais avons en tête l’ouverture éventuelle d’une antenne en Romandie car nombre de nos actionnaires y résident.

Votre croissance sera-t-elle organique ou pensez-vous à des acquisitions?

Nous ne sommes pas orientés vers l’acquisition et préférons faire les choses nous-mêmes avec notre équipe qui compte aujourd’hui dix personnes. Pour assurer notre croissance, nous songeons plutôt à recruter ou à confier des mandats de collaboration externes.

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