Atlantic Derivatives, fondé en 2017, change de nom. La société devient Altitude Investment Solutions et adapte sa stratégie. La société créée par Julien Duniague vise à servir, accompagner et conserver les acteurs professionnels et institutionnels du monde financier dans l’élaboration de leurs produits structurés. Avec des bureaux à Genève et Zurich, elle dispose d’une équipe de 14 personnes spécialisées dans le design et la création de structurés au service d’une clientèle de tiers gérants, de family offices et de banques ainsi que dans la recherche économique et financière. Elle fait dorénavant partie de l’Association Suisse des Produits Structurés.
A qui appartient le capital d’Alantic Derivatives?
Je détiens 100% du capital même si nous n’excluons pas l’arrivée de potentiellement quatre nouveaux actionnaires à court terme qui devraient nous amener de la valeur ajoutée et un savoir-faire sur d’autres marchés à partir de la Suisse. Si le processus aboutit, je resterai très majoritaire, avec 65% si le tour aboutit, les autres actionnaires ayant 10, 10, 10 et 5%.
«Notre ADN est fortement lié à la banque privée alors que celui de nos concurrents est souvent plus proche de la banque d’investissement».
A terme, nous voulons rester indépendants et pensons qu’il s’agit d’un atout majeur. Sur le marché des structurés, nous avons récemment assisté, en Europe plutôt qu’en Suisse, à des rachats de sociétés spécialisées en produits structurés par de grandes institutions et regroupements de tiers gérants. Leur indépendance en a logiquement souffert.
Même si nous pouvons accueillir de nouveaux associés pour nous permettre de croître dans certaines zones géographiques, nous resterons indépendants.
Comment vous différenciez-vous de vos concurrents en structurés?
Notre ADN est fortement lié à la banque privée alors que celui de nos concurrents est souvent plus proche de la banque d’investissement. Nous avons une expérience dans la gestion de fortune.
Notre approche est axée sur la transparence, l’éducation sur les produits et sur la création de valeur à long terme. Nous ne maximisons pas la vente de produits, mais cherchons, structurons et conseillons des produits qui ont pour vocation d’entrer dans le portefeuille d’un client privé et qui répondent de toutes parts à un besoin.
Un produit structuré comprend une fiche technique (Terms Sheet) et une formule mathématique qui permettent de rapidement comprendre ce que reçoit l’investisseur en fonction du cours du sous-jacent à l’échéance. Le besoin d’accompagnement réside plutôt dans la manière dont évolue le produit sur le marché secondaire. Il est crucial mais parfois compliqué d’expliquer ses mouvements de prix durant sa vie.
Un exemple?
Si vous aviez détenez un produit à capital garanti d’une durée de cinq ans, le prix, certes garanti à 100% à l’échéance par l’émetteur, peut fluctuer fortement entre-temps. Nous avons déjà eu des exemples où un tel produit peut valoir 60% ou moins au marché secondaire. Il faut savoir anticiper cette expérience avec le client.
Etes-vous lié à quelques émetteurs importants ou à tous les acteurs?
Nous avons 27 partenaires émetteurs, ceux qui nous paraissent les plus solides et les plus engagés sur le marché des produits structurés, des leaders suisses aux sociétés américaines, françaises, anglaises, espagnoles ou encore canadiennes ou asiatiques. Nous ne nous limitons pas au rating de l’émetteur mais analysons l’engagement de ces différentes entités dans l’industrie. Nous avons déjà vu plusieurs banques entrer sur le marché puis disparaître du marché quelques années plus tard.
«Nous émettons 2,3 milliards de francs de notionnel en 2024, contre 1,9 milliard en 2023 et 1,5 milliard l’année précédente».
Nous en avons 27 parce que nos clients ont besoin de diversifier leurs risques et parce que chacun ne fait pas tous les types de produits. Lors d’un appel d’offre, les prix sont parfois très éloignés les uns des autres pour le même produit, parfois de 30 à 40%. Notre métier consiste à choisir la meilleure contre-partie parmi les émetteurs sélectionnés pour le produit donné et pour le client donné. Si un acteur n’a pas au moins 15 partenaires, il peut être sûr qu’il n’aura pas le meilleur prix du marché pour chacun de ses produits.
Comment a évolué votre entreprise depuis sa création en 2017?
La croissance a été au rendez-vous selon tous les critères d’évaluation, du nombre de partenaires émetteurs à celui des clients, en passant par le nombre de produits émis. Nous émettons 2,3 milliards de francs de notionnel en 2024, contre 1,9 milliard en 2023 et 1,5 milliard l’année précédente.
La croissance est aussi liée à notre développement et à l’évolution des volumes sur le marché des structurés.
Quel virage stratégique effectuez-vous aujourd’hui?
L’actionnariat a été modifié en 2023. Nous appartenions au groupe Atlantic, lequel était spécialisé dans plusieurs métiers, comme l’immobilier, le private equity, le wealth management à Monaco. J’ai racheté à ce groupe l’entité spécialisée dans les structurés. Cela s’est traduit par une réorganisation et un changement de nom.
Nous prenons le nom d’Altitude pour marquer l’entrée de la société dans une nouvelle ère entièrement consacrée aux produits structurés. Nous n’avons donc plus de lien avec le groupe Atlantic.
Est-ce que vous observez des changements clés sur le marché des structurés?
Je suis convaincu depuis des années par le développement des structurés et par l’utilité de ces outils dans le cadre d’une gestion de portefeuille, discrétionnaire ou conseiller. J’ai commencé mon parcours à la Société Générale Banque privée, au Luxembourg, puis en Suisse où j’étais responsable de cette activité. Les produits structurés apportent de la diversification et de la valeur à condition de disposer d’une bonne organisation.
Est-ce que le structuré est une classe d’actifs?
C’est un produit tout-terrain, mais ce n’est pas une classe d’actifs. Trop d’acteurs considèrent les structurés comme une classe d’actifs à part entière. La première chose à faire lorsque l’on conseille un produit structuré est d’en déterminer le risque et la classe d’actif à laquelle il sera intégré : action, obligations, matières premières…Le structuré peut trouver sa place quelles que soient les conditions de marché et le biais du portefeuille.
Un besoin de formation demeure. Il arrive encore qu’un reverse convertible soit présentée comme une alternative au cash alors qu’il s’agit d’actions, même si la protection peut parfois paraitre très forte.
Les raisons qui peuvent pousser à l’achat d’un reverse convertible sont multiples:parce que les taux sont négatifs, parce que les marchés sont élevés, parce que je souhaite avoir une exposition non linéaire au sous-jacent sélectionné; mais cela n’en fera pas jamais une alternative au cash. Il faut comprendre ce que recherche l’investisseur pour lui présenter le bon produit et les risques qu’il supporte.
Est-ce que la répartition de vos activités correspond à celle du chiffre d’affaires mensuels publiés par l’Association Suisse de Produits Structurés?
Nous nous distinguons légèrement de cette répartition. Nous nous concentrons beaucoup sur le conseil et apportons dans les discussion avec nos clients beaucoup d’autres alternatives, ce qui nous permet d’avoir un biais moins fort sur les reverse convertibles que la moyenne du marché. Nous avons par exemple beaucoup conseillé des produits sur le crédit (CLN), sur des produits de participation indiciels, sur des matières premières, ou sur l’or. Et nous faisons aussi des produits dits de «transfert de risques», souvent utilisés par les hedge funds, à des fins de diversification. Enfin, nous avons élaboré de nombreuses stratégies quantitatives ces derniers temps, par exemple des stratégies de pentification sur la courbe des taux. Nous essayons d’apporter d’autres outils que le reverse convertible, par ailleurs un très bon instrument, afin d’élargir le champs des solutions d’investissement possibles.
Comment utilisez-vous les structurés sur l’or?
Sur l’or, nous nous concentrons beaucoup sur des certificats à capital garanti à 18 ou 24 mois qui visent à accorder une participation jusqu’à un niveau plafond. Si ce dernier est franchi, l’investisseur ne participe plus à la hausse mais il reçoit une compensation («rebate»).
Comment nourrissez-vous votre expansion auprès des gérants de fortune?
Quand je suis arrivé en Suisse en 2010, à la Société Générale Private Banking, je me suis aperçu qu’un très petit nombre de gérants traitaient beaucoup de structurés, une poignée en faisaient de temps en temps et le reste aucun. Cela pouvait être expliqué par plusieurs raisons : une méconnaissance des structurés, une aversion liée à une mauvaise expérience ou encore la simple volonté de ne pas avoir de dérivés dans le portefeuille souvent à cause du côté asymétrique.
Nous devons rencontrer les gérants, banquiers, comprendre leurs besoins et trouver des solutions en présentant clairement les avantages et inconvénients en cherchant à les rendre à l’aise avec le fonctionnement du produit. Quand je suis parti de cet établissement en 2017, avant de fonder Atlantic Derivatives, la très grande majorité ders banquiers traitaient des structurés. Un travail d’éducation et d’accompagnement doit être fourni dans la durée. Pour investir dans un produit, il faut le comprendre!
Quelles sont vos principales catégories de clients?
Nous nous concentrons sur les tiers gérants ainsi que les banques qui ne disposent pas d’une équipe dédiée sur les produits et se réjouissent de travailler avec nous et de nous déléguer une partie de l’ingénierie des produits.
Quel est votre apport dans la numérisation des structurés?
Nous avons imaginé et développé un outil digital du nom de Platon qui offre un soutien direct à tous nos partenaires. Nous nous sommes mis à la place du gérant pour comprendre ses besoins en structurés.
Quand un client appelle le gérant pour faire le point sur son portefeuille, lequel comprend parfois une multitude de positions, il y perd vite son latin. Notre outil permet de se connecter, d’aller sur le compte du client, d’observer aisément les caractéristiques principales (prix, coupons, barrières), de générer des rapports de risque et de rendement.
L’effort technologique est colossal de la part de l’industrie des structurés. Lorsque j’ai monté Atlantic Derivatives en 2017, ma première idée était de partir avec de la recherche, des experts capables d’accompagner un banquier et un outil digital efficace pour faciliter les tâches chronophages mais très importantes.
Combien de produits émettez-vous?
Nous faisons presque 3000 produits cette année. Nous en avons plus de 4000 «en vie» au total. Sans outil digital, la promesse d’accompagnement du client dans la durée ne pourrait pas être satisfaite.
C’est cette quantité de produits qui rend l’outil Platon indispensable: tous les produits de tous nos clients sont sur la plateforme, avec des alertes qui nous permettent d’agir très rapidement en cas de besoin, et même souvent d’anticiper ces mêmes besoins.
Platon fait partie de notre stratégie d’acquisition de clients, la promesse que nous faisons à nos clients, celle de les accompagner depuis l’ingénierie jusqu’à la fin de vie du produit, en passant par l’exécution ne pourrait être délivrée sans Platon. Nous avons une équipe de développeurs, en interne, qui fait progresser cet outil au quotidien, en fonction des besoins exprimés par nos clients. A cet égard, nous avons par exemple lancé notre appli l’an dernier, ou encore développé les «pricers» il y a 3 ans.
Est-ce que vous êtes neutres sur les marchés ou êtes-vous davantage connu pour vos convictions sur les marchés?
Tous les deux. Nos clients disposent de leur propre comité d’investissement et leurs vues. Mon métier initial n’est pas d’avoir une vue mais d’avoir un produit qui réponde à la vue de marché de mon client.
Mais, nous avons aussi décidé d’investir dans une équipe de Recherche afin d’être en mesure de communiquer sur notre vue marché et d’y adosser nos propres idées.
Enfin, dans la pratique, c’est surtout une discussion qui s’installe entre nos clients et nous, qui nous permet de confronter nos anticipations.
Vous avez aussi un bureau à Zurich. En prévoyez-vous d’autres?
Nous avons trois personnes à Zurich, peut-être bientôt 4, pour un total de 14 en Suisse. Nous avons eu la chance d’avoir des experts qui avaient envie de rejoindre notre aventure. Nous continuerons de grandir au gré de la croissance de nos activités.
Quels sont vos projets pour 2025?
Nous voulons consolider Platon, ajouter de nouvelles fonctionnalités et faire grandir notre équipe avec deux experts supplémentaires.
Notre croissance sera nourrie par notre proximité avec nos clients, notre apport de nouvelles idées, notre efficacité à répondre à leurs besoins.
Le fait d’être membre de l’Association Suisse des Produits Structurés nous permet d’ailleurs, outre la visibilité, de participer à des événements et des forums de discussion sur l’avenir de notre industrie.
Nous travaillons aussi à un projet à impact avec une fondation de Monaco. Il porte sur la création d’un indice dont les actions visent à protéger les océans. Nous essaieront de les aider à lever des actifs sur cet indice pour financer ses activités.
Au premier trimestre, nous organiserons aussi une conférence sur la fiscalité des produits structurés pour les résidents suisses.
Quel est votre objectif à long terme?
Nous voulons être un acteur de référence sur le marché suisse. Nous ne nous posons pas encore la question du développement géographique, même si notre cousin germain est en France et s’appellera aussi Altitude, sans lien capitalistique avec nous, même si les synergies sont réelles.
Notre ambition consiste surtout à asseoir notre organisation suisse avec Platon et notre expertise. Ensuite, nous saisirons les opportunités. Mais nous sommes contents de l’écosystème offert par la Suisse, le berceau des structurés.