Accélérer la courbe d’adoption des aliments à base végétale

Yves Hulmann

3 minutes de lecture

Pour Björn Witte de Blue Horizon, les multinationales trouvent aussi de l'intérêt dans les produits proposés par les nouveaux acteurs de la «food tech».

Blue Horizon est un investisseur d’impact qui compte parmi les acteurs leaders dans le domaine de la «food tech». Fondée en 2015, la société basée à Zurich et Los Angeles a investi, entre autres, dans Beyond Meat, un producteur de substituts de viande à base de plantes qui est cotée à la Bourse de New York. En octobre, Blue Horizon a publié avec le cabinet de conseil PwC une étude consacrée à l’impact global de la production de viande ainsi qu’aux alternatives à base de plantes. Quelles sont les perspectives pour ce secteur? Entretien avec Björn Witte, directeur de Blue Horizon.

Dans l’étude consacrée aux effets sur l’environnement des produits alimentaires d’origine animale et végétale publiée en octobre par Blue Horizon, on trouve une multitude de données qui comparent l’empreinte environnementale de la nourriture à base de plantes par rapport à celle issue de protéines animales. Que faudrait-il selon vous pour que les consommateurs choisissent de se nourrir davantage avec des aliments d’origine végétale plutôt qu’animale?

De manière générale, l’important est de continuer à améliorer et à diversifier l’offre de denrées alimentaires à base végétale. Je citerais quatre aspects en particulier. Premièrement, il faut que des aliments végétaux soient disponibles. Par exemple, dans un supermarché, le consommateur ne doit pas avoir besoin d’aller exprès au «coin végétarien» pour trouver ce type de produits. Deuxièmement, le prix doit être attrayant - ce qui doit être possible puisque, comme le montre l’étude, les coûts de production des alternatives à base de plante sont très inférieurs à ceux nécessaires pour produire des protéines d’origine animale. Troisièmement, les clients doivent avoir confiance dans les produits. Et, quatrièmement, il faut que les produits à base de plante aient du goût! C’est du reste l’un des principaux objectifs des différentes initiatives lancées dans le cadre de ce que l’on appelle la «food 4.0».

Il est aujourd’hui essentiel de prendre en considération l’impact environnemental
d’ensemble engendré par les aliments d’origine animale.
L’objectif de la «food 4.0» est-il de faire chacun un végétarien ou simplement d’offrir davantage d’alternatives de nourriture à base de plantes dans l’alimentation quotidienne?

C’est un aspect important. Blue Horizon n’a pas pour objectif d’interdire à qui que ce soit de consommer de la viande. Nous encourageons plutôt les gens à devenir des «flexitariens» comme on l’appelle parfois, à savoir d’alterner davantage entre denrées alimentaires d’origine animale et végétale. Nous ne sommes pas un club vegan, ni une association de végétariens.

L’approche «food 4.0» n’a-t-elle pas néanmoins pour but d’apporter une forme de disruption dans les habitudes alimentaires?

Non, je parlerais plutôt d’une transition. Je pense simplement qu’il est aujourd’hui essentiel de prendre en considération l’impact environnemental d’ensemble engendré par les aliments d’origine animale. Quand on parle d’environnement, beaucoup de gens pensent d’abord aux domaines de des énergies fossiles, de l’efficacité énergétique des bâtiments, etc. – mais moins souvent à l’impact d’ensemble de la production de viande. Notre objectif est d’offrir davantage d’alternatives de nourriture à base de plante dans l’alimentation quotidienne.

Parmi les enseignements de l’étude publiée en octobre, on observe que plus de 50% de la production végétale dans le monde est finalement utilisée aussi pour l’alimentation animale. Si on peut diminuer cette part, ce sera aussi bénéfice de tous. Cela contribuera à réduire la déforestation dans certaines régions du monde, notamment.

Sur votre site figurent toutes sortes de marques start-up qui proposent tour à tour des plats précuisinés végétariens, du lait d’origine végétale ou des sociétés qui fabriquent des hamburgers végétaux, à l’exemple de Beyond Meat. Ces marques peuvent-elles se développer à large échelle de manière autonome ou auront-elles besoin de coopérer davantage avec de grands acteurs de l’industrie alimentaire à l’exemple Nestlé?

Je ne pense pas qu’il faille forcément opposer start-up et grands groupes. Les multinationales comme Nestlé trouvent aussi un intérêt aux produits proposés par les «challenger brands», soit les nouvelles marques qui innovent avec de tels produits. Maintenant, parmi les multiples start-up actives dans le domaine de la «food tech», il y aura une consolidation.

Il est également intéressant de voir que les fournisseurs traditionnels
s’intéressent aussi des produits à base végétale.
En tant qu’investisseur d’impact, Blue Horizon contribue-t-il aussi à cette consolidation?

Nous sommes actifs à la fois dans le capital d’amorçage («seed capital»), le capital-risque («venture capital») et nous mettons aussi à disposition des fonds pour accompagner les entreprises dans leur croissance («growth fund»). C’est plutôt à ce niveau-là que nous pouvons participer au processus de consolidation. Par exemple, la société The Livekindly Collective, qui a été créé par Blue Horizon en 2019, est une plateforme collective constituée de trois start-up qui existaient déjà précédemment. Les fondateurs de ces trois start-up continuent de faire partie de la plateforme   

La société Beyond Meat a largement contribué à faire connaître l’essor de la «food tech» auprès des investisseurs. Est-ce important d’avoir une société connue leader dans ce domaine plutôt qu’une multitude de petits acteurs?

Beyond Meat est une opportunité énorme pour mieux faire connaître les développements en cours dans ce secteur, à la fois pour les investisseurs et les consommateurs. Il est aussi intéressant d’observer que plus de 85% du chiffre d’affaires de Beyond Meat est réalisé auprès de clients qui mangent aussi de la viande. Cette société a permis d’accélérer la courbe d’adoption des produits alimentaires à base végétale au-delà du public qui s’y intéresse initialement.

Collaborez-vous aussi avec des sociétés qui, à la base, sont spécialisés dans la production de viande ou la commercialisation de produits carnés?

Nous parlons avec tout le monde! Il est également intéressant de voir que les fournisseurs traditionnels s’intéressent aussi des produits à base végétale. Par exemple, une société comme Hilcona, qui appartient à Bell, propose désormais aussi des burgers végétariens depuis 2019.