abrdn croit dans les outsiders de la finance durable

Anne Barrat

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Marchés émergents et marchés privés offrent des opportunités d’investissement durables incontournables explique Karsten-Dirk Steffens d’abrdn.

«The price of greatness is responsibility»: ces mots de Winston Churchill pourraient avoir inspiré Aberdeen, l’un des plus gros gérants d’actifs britanniques avec 572,4 milliards de francs d’encours au 31 décembre 2021. Et ce parce que cette société écossaise d’origine n’a pas sacrifié les expertises qui ont contribué à sa réputation, les marchés émergents et le private equity notamment, sur l’autel des règlementations de la finance durable. Elle s’est au contraire renforcée sur ces segments avec l’objectif de financer leur transition vers des solutions durables. Sans sacrifier les objectifs de rentabilité explique Karsten-Dirk Steffens, responsable de la Suisse au sein du groupe abrdn.

Comment conciliez-vous votre engagement dans la finance durable et vos stratégies d’investissement dans les marchés émergents?

Lancer des fonds en actions ou en dettes de sociétés des économies émergentes est le plus sûr moyen d’aider ces dernières à collecter les ressources nécessaires pour financer les 2’500 milliards de dollars annuels d’investissements dont elles ont besoin pour atteindre les objectifs de développement durables (ODD) d’ici 2030. En particulier dans les domaines de l’intégration financière, de la sécurité alimentaire, de l’accès aux soins, des infrastructures et la transition énergétique. C’est pourquoi nous venons de lancer un fonds obligataire (Emerging Markets Sustainable Development Corporate Bond Fund), qui complète les deux fonds d’actions émergentes liées au développement durable (Emerging Markets Sustainable Development Equity Fund et Asian Sustainable Development Equity Fund) pour offrir aux investisseurs une diversification de sources de rendements et de solutions.

«Les défis sont moins de notre côté d’investisseur que de celui de nos cibles, qui manquent de moyens pour être à la hauteur des standards des ODD.»

Il n’y a aucune contradiction, bien au contraire, à ce que nous renforcions notre engagement vis-à-vis sur les marchés émergents et notre recherche d’investissements durables. Que ce ne soit pas facile est loin de nous décourager: nos équipes, mobilisées dans les travaux d’adaptation que nous avons démarrés en 2017 pour passer d’un univers de fonds répondant aux exigences de l’article 6 de la directive SFDR à une offre conforme aux articles 8 et 9, sont aguerries à l’exercice; l’appliquer aux pays émergents ne leur pose pas de problème insurmontable.

Pas insurmontables: quels sont les défis rencontrés et comment les relevez-vous concrètement?

Les défis sont moins de notre côté d’investisseur que de celui de nos cibles, qui manquent de moyens pour être à la hauteur des standards des ODD. Pour aider ces sociétés que nos analystes ont identifiées comme de bonnes élèves, ils les retiennent même si elles ne répondent pas à 100% des critères. Autrement dit, la sélection se fait sur le potentiel d’alignement de telle ou telle entreprise sur les critères de durabilité, par exemple de réduction des émissions de CO2. Notre philosophie consiste à encourager les entreprises sur la bonne voie, plutôt que de les sanctionner pour les conditions qu’elles ne remplissent pas encore. L’objectif est de créer de la valeur et du rendement tout en donnant du sens à l’investissement, c’est-à-dire en investissant dans des entreprises qui apportent des solutions aux grandes problématiques auxquelles le monde est confronté aujourd’hui, du changement climatique aux inégalités sociales croissantes en passant par la production et la consommation non durables. Force est de constater que cette approche a été couronnée de succès à en juger par la performance du fonds actions (11,9% en 2021 contre 5,2% pour l’indice de référence, le MSCI Emerging Markets), dont univers (entre 30 et 60 lignes) a servi de base au récent fonds obligataire.

«Il est essentiel d’encourager les échanges entre investisseurs et l’ensemble des acteurs économiques pour donner toute sa chance à la finance durable.»
Pensez-vous que cette approche soit suffisante pour inciter les entreprises des marchés émergents à modifier leurs opérations et à satisfaire aux exigences de durabilité?

Elle est une condition sine qua non de la solution. Une autre piste que nous explorons passe par l’éducation, le partage de connaissances, la mise en place de bonnes pratiques. C’est dans cet esprit qu’abrdn a rejoint la communauté de plus de 3’000 membres de l’Emerging Markets Investors Alliance (EMIA), qui réunit des experts des stratégies ESG, des investisseurs, des émetteurs publics et privés de dette émergentes, et des entreprises cotées des pays émergents. Nous souhaitons contribuer activement à promouvoir les valeurs qui guident nos décisions d’investissement. C’est également pour cela que nous sommes membres du Swiss Sustainable Finance. Il est essentiel d’encourager les échanges entre investisseurs et l’ensemble des acteurs économiques pour donner toute sa chance à la finance durable.

Vos développements dans les marchés privés participent-ils de la même ambition?

Apporter des outils de diversification à des investisseurs de long terme, institutionnels, tout en finançant des infrastructures répondant aux exigences d’efficience énergétique, est un autre axe de la stratégie du Groupe en forte croissance. Les investissements dans les marchés privés sont concentrés en Europe, du Nord notamment, et concernent aussi ben des fermes éoliennes que de l’immobilier commercial et résidentiel. L’environnement inflationniste actuel est propice à la montée en puissance de ces solutions qui impliquent de la patience (10 à 15 ans) et un investissement plus important (5 millions d’euros minimum).

Marchés émergents, marchés privés, ce positionnement vous apporte-t-il un avantage compétitif en Suisse?

La Suisse attire toujours plus de gros gestionnaires qui sacrifient les marges pour gagner des parts de marché. La qualité des produits ainsi qu’une équipe expérimentée et éprouvée sont essentielles dans ce contexte. Cela dit, ces stratégies, marchés émergents et privés, sont globales et toutes conçues pour donner à chacun sa chance de contribuer à un monde durable.

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