«Notre engagement vis-à-vis de la Suisse est très fort»

Nicolette de Joncaire

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La Suisse est au troisième rang des priorités du groupe ODDO BHF, en pleine expansion sur tous ses marchés. Entretien avec Nicolas Chaput, responsable de la gestion d’actifs.

Issu d'une banque familiale française et d'une banque allemande, le groupe ODDO BHF place la Suisse au 3e rang de ses priorités et entend y poursuivre son engagement à long terme tant à Zurich, qu’en Suisse romande – où il a repris la banque Landolt il y a deux ans –, ou au Tessin.  Fort de plus de 140 milliards d’euros d’encours clients, répartis sur trois grands métiers (banque privée, gestion d'actifs et banque de financement et d'investissement), le groupe ODDO BHF fait face, comme tous, à des marchés financiers mouvementés et à une hausse des taux imposée par les banques centrales qui prouve être déstabilisatrice, tout au moins pour le secteur bancaire. Responsable de la gestion d’actifs du groupe qui gère à elle seule plus de 56 milliards d’euros, Nicolas Chaput répond à quelques questions.

Compte tenu de la situation que vous observez, quels sont, à votre sens, les stratégies d’investissement les plus porteuses et pourquoi?

Après 10 ans de taux nuls ou quasi-nuls, le moment me parait opportun de s’exposer à cette hausse des taux décidée par les banques centrales. Je pense en particulier aux fonds monétaires, des produits à la fois liquides et défensifs. Disons qu’avec l’inversion de la courbe des taux, il n’y a pas besoin d’aller loin pour identifier du rendement; vous en trouverez dans les obligations à court terme, qu’elles soient Investment Grade ou High Yield ou dans les fonds datés, comme notre fonds à échéance 2026 par exemple.

Vous intéressez-vous aux obligations liées à l’inflation?

Non, ce sont des instruments compliqués qui doivent réconcilier inflation et mouvements de taux et qui ne donnent pas nécessairement le résultat attendu.

Et en dehors du marché obligataire?

Pour qui est prêt à accepter plus de risque, les actions thématiques offrent d’intéressantes possibilités. Je pense notamment aux investissements orientés autour de l’intelligence artificielle. Je n’entends pas ici à proprement parler d’actions tech mais d’un vaste éventail d’entreprises qui vont utiliser les algorithmes d’intelligence artificielle pour améliorer leur efficience. Au-delà des actifs liquides, l’exposition au private equity me semble à tenter, plutôt sur des portefeuilles secondaires de titres globaux qui ont déjà quelques années d’existence et qui offrent plus de transparence. Une sélection rigoureuse des investissements en venture capital, tant sur les marchés primaires que secondaires ou en co-investissement peut également offrir les meilleures opportunités… comme souvent dans les années chahutées. Restent à citer la gestion diversifiée et le retour en grâce de la gestion de conviction sur les midcaps européennes de croissance qui retrouvent des couleurs.

 Il y a un an, les fonds ouverts sous articles 8 ou 9 représentaient 66% du total des encours de nos fonds. Aujourd’hui ils en représentent 75%.
Avec quelques ombres au tableau?

Il y a une différentiation importante de secteur à secteur. Les marchés actions sont assez hauts et on voit pointer quelques nuages concernant une décélération de l’économie. L’augmentation des taux et la raréfaction du crédit met la pression sur l’immobilier. Il convient d’être prudent mais il y aura d’autres fenêtres d’entrée sur les marchés dans l’année.

Le venture capital n’est-il pas secoué par la faillite de la Silicon Valley Bank?

Il ne faut pas confondre les banques qui n’ont pas su couvrir leur risque de taux et les sociétés de VC. Nous faisons face à une révolution technologique de première grandeur et les opportunités ne manquent pas avec des valorisations plus intéressantes qu’il y a quelques mois.

Vous avez évoqué les investissements thématiques. Quid de la transition énergétique?

Les besoins en investissement sont colossaux, estimés à 5'000 milliards de dollars annuellement, soutenus par les Etats-Unis, l’Union européenne et même la Chine. Ce thème peut être abordé par les actifs liquides comme par les actifs illiquides avec des fonds de private equity sur la transition écologique globale.

Où en est votre stratégie ESG?

En progression constante. Il y a un an, les fonds ouverts sous articles 8 ou 9 représentaient 66% du total des encours de nos fonds. Aujourd’hui ils en représentent 75%. A ce titre, un certain nombre de nos fonds ont obtenu des labels (belge, français ou allemand). Nous menons une intégration continue de l’analyse extra-financière dans nos processus d’investissement. Cette démarche répond à la demande des clients, d’abord institutionnels et de plus en plus privés. Outre la nécessité de s’adapter à la réglementation, ce mouvement correspond aussi à une réduction du risque.

En janvier, vous avez fusionné les structures ODDO BHF Asset Management et ODDO BHF Private Equity. Pour quelle raison?

L’activité de private equity venait d’une acquisition faite en 2018 et la séparation des structures n’avait plus lieu d’être. Il était plus efficient de fusionner les deux pôles ce qui évite d’avoir plusieurs boards et de diminuer les complexités administratives.

Quelle est la genèse de la présence du groupe ODDO BHF en Suisse?

Avec l’acquisition de BHF en 2016, le groupe ODDO s’est retrouvé avec un établissement à Zurich. Puis, il y a deux ans, ODDO BHF a repris la banque Landolt à Genève, établissant ainsi une forte présence en Suisse romande. Aujourd’hui, les trois principaux marchés du groupe sont la France, l’Allemagne puis la Suisse qui dispose d’un dispositif de ventes à Genève et à Zurich mais également de ressources dédiées à la gestion de fonds dont, en particulier, une thématique sur la transition de la chaine alimentaire globale.  Notre engagement vis-à-vis de la Suisse est très fort, sur le long terme et sur toutes ses régions géographiques et linguistiques. Nous entendons continuer à y développer une offre destinée aux tiers gérants ainsi que des partenariats visant à démocratiser la distribution des produits de private equity en apportant des solutions adaptées aux besoins de la clientèle locale.

Quel bilan pour 2023?

La collecte est positive depuis le début de l’année, notamment sur l’obligataire et sur le Private Equity.

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