Wirecard: procès d’une fraude financière sans précédent en Allemagne

AWP

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Cerveau présumé de cette affaire, l’ancien PDG autrichien Markus Braun, 53 ans, actuellement détenu, sera le principal accusé dans ce procès se tenant à Munich.

Deux ans et demi après la faillite retentissante du prestataire de paiements Wirecard, qui a ébranlé le monde financier allemand, le procès de l’ancien PDG de la société et de deux autres responsables s’ouvre jeudi.

Ils sont soupçonnés de fraudes multiples.

Cerveau présumé de cette affaire, l’ancien PDG autrichien Markus Braun, 53 ans, actuellement détenu, sera le principal accusé dans ce procès se tenant à Munich.

L’acte d’accusation de 90 pages sera lu lors de la première audience sur une centaine de prévues jusqu’en 2024 pour ce procès-fleuve.

Deux anciens cadres de la «fintech» déchue comparaissent également: Stephan von Erffa, ancien chef comptable, et Oliver Bellenhaus, ancien directeur d’une filiale basée à Dubaï. Ce dernier a admis devant les enquêteurs avoir commis des malversations et va servir de «témoin clé» pour l’accusation.

Le trio est jugé pour les délits de fraude comptable, de manipulation de marché, d’abus de confiance particulièrement graves et d’escroquerie en bande organisée, selon l’acte d’accusation.

Fondée en 1999, Wirecard a servi à ses débuts d’intermédiaire de paiement, notamment pour des sites pornos ou de jeux en ligne, avant de grandir jusqu’à connaître la consécration en se hissant dans l’indice Dax, l’élite boursière allemande.

Wirecard a coulé en Bourse en juin 2020, après que ses dirigeants ont avoué que 1,9 milliard d’euros d’actifs, soit un quart de la taille du bilan, n’existaient pas en réalité.

Scandale «sans précédent»

Le ministre des Finances de l’époque Olaf Scholz, entretemps devenu chancelier, y a vu un scandale «sans précédent» dans l’Allemagne d’après-guerre.

M. Braun clame son innocence et dénonce une énorme tromperie dont l’entreprise et lui-même seraient victimes.

Le coupable désigné ? L’ancien bras droit de M. Braun, l’Autrichien Jan Marsalek, 42 ans, en fuite depuis juin 2020.

L’affaire verse avec lui dans le roman d’espionnage car M. Marsalek est soupçonné d’avoir bénéficié de complicités au sein de certains services secrets et d’être lié à des intérêts russes ou libyens.

Un ancien cadre de Wirecard, Rainer Wexeler, a cependant déclaré devant une commission d’enquête parlementaire à Berlin que M. Braun a «tout décidé, tout dicté» dans l’entreprise.

«La question primordiale sera de savoir si M. Braun sera accusé d’escroquerie en bande organisée, s’il est prouvé qu’il était de mèche avec un groupe autour de M. Marsalek», explique Fabio de Masi, ancien député et au coeur de ladite commission d’enquête sur Wirecard.

M. Braun risquerait alors jusqu’à 10 ans de prison.

Si le tribunal ne retient que le délit de fraude de bilan, l’ex-PDG pourrait retrouver plus vite sa liberté.

Entreprise «modèle»

L’enquête a révélé que les bilans de Wirecard pour les années 2015 à 2018 avaient enjolivé la situation, pour rendre l’entreprise attractive pour les investisseurs.

Une partie des commissions de paiements ne provenaient pas de Wirecard mais de prétendus tiers en Asie et dans la région du Golfe. Or, tout cela est soupçonné aujourd’hui avoir été fictif car «il n’y avait en réalité aucun revendeur mis en relation par ces partenaires», selon l’acte d’accusation.

La faillite de Wirecard a fait perdre à ses actionnaires quelques 20 milliards d’euros de capitalisation boursière et aux banques créancières environ 2 milliards d’euros.

Avant cela, le groupe est parvenu à croître malgré des accusations de fraudes en séries, publiées surtout par le quotidien Financial Times, dont le journaliste d’investigation Dan McCrum sera invité comme témoin lors du procès.

«Les gens ont longtemps cru que Wirecard pourrait devenir une entreprise modèle allemande dans le secteur de la technologie», explique Volker Brühl, professeur au Center for Financial Studies à Francfort.

Aussi, «beaucoup ne pensaient pas qu’une fraude à une telle échelle soit possible», ajoute-t-il.

L’affaire a mis en lumière les lacunes de l’autorité de surveillance financière Bafin et du cabinet d’audit comptable EY qui a certifié pendant plus d’une décennie les comptes de Wirecard.

Le monde politique jusqu’à l’ancienne chancelière Angela Merkel, qui s’était rendue en Chine accompagnée de l’ex-PDG de Wirecard, a aussi été étrillé au long de la commission d’enquête parlementaire qui n’a pas réussi toutefois à pointer la responsabilité des gouvernants.

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