Procès UBS: les avocats demandent une relaxe générale, verdict en février

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Le premier des coupables désignés «c’est la Suisse». Et faute de pouvoir «faire la guerre à la Suisse, UBS est le coupable idéal», a déclaré l’avocat François Esclatine.

© Keystone

Les avocats d’UBS ont demandé jeudi la relaxe de la banque, menacée d’une sanction financière qui pourrait atteindre un montant total sans précédent en France de 5,3 milliards d’euros (plus de 6 milliards de francs), si elle est condamnée pour démarchage illicite et blanchiment aggravé de fraude fiscale.

Le numéro un bancaire helvétique est accusée d’avoir démarché illégalement en France des résidents fiscaux français, notamment lors d’événements mondains, et aidé des milliers de contribuables français à échapper au fisc entre 2004 et 2012. Le groupe sera fixé sur son sort le 20 février 2019.

Le parquet national financier (PNF) a requis le 8 novembre une amende de 3,7 milliards contre UBS AG, à quoi s’ajoute un montant d’1,6 milliard d’euros de dommages et intérêts réclamés par l’Etat français, seule partie civile.

Les procureurs du PNF ont justifié ces montants par le «caractère systématique», selon eux, de faits s’inscrivant «dans une politique générale mise en oeuvre par UBS et ses dirigeants» et par l’ampleur «exceptionnelle» d’un blanchiment de fraude fiscale «aux méthodes industrielles».

Des accusations rejetées en bloc par les avocats d’UBS, de sa filiale française et de six anciens dirigeants et cadres, qui se sont efforcés depuis lundi de démolir l’accusation à tour de rôle avant de demander la relaxe de leurs clients. Quitte à donner parfois un tour politique à leurs plaidoiries.

«Il est difficile aujourd’hui de défendre UBS. Les Français détestent les banques», a ainsi déclaré jeudi Me Jean Veil, l’un des principaux avocats de la banque.

Il n’a pas hésité à qualifier l’avocat de l’Etat français, seule partie civile, de «xénophobe qui s’acharne sur les Suisses seulement parce qu’ils sont suisses» et de «démagogue».

 «Ici, on n’a rien du tout»

Le premier des coupables désignés «c’est la Suisse», a renchéri son confrère François Esclatine. Et faute de pouvoir «faire la guerre à la Suisse (...) UBS est le coupable idéal».

Durant leurs plaidoiries comme pendant les cinq semaines d’audience, ils ont martelé qu’il n’y avait à leurs yeux dans ce dossier «aucune preuve, ni des démarchages, ni du blanchiment».

Dans une banque internationale, un «système» comme celui que dénonce l’accusation devrait laisser «des traces, des notes, des mémos, des rapports, des centaines de milliers de mails», a renchéri son confrère Denis Chemla. «Ici, on n’a rien du tout.»

Les avocats d’UBS ont reproché à l’accusation de s’appuyer, à défaut d’éléments matériels, sur une poignée de témoignages qu’ils se sont attachés à décrédibiliser.

Ils ont ainsi rappelé que deux de ces témoins, anciens salariés d’UBS, avaient été poursuivis par la justice suisse pour utilisation frauduleuse de carte bancaire professionnelle ou détournement au préjudice de clients de la banque.

«Ce ne sont pas des lanceurs d’alerte, ce sont des repris de justice recyclés», a ironisé Me Chemla.

L’accusation, ont-ils fait valoir, n’a en revanche pas été en mesure de produire un témoin admettant avoir été démarché. Et c’est faute de preuve du démarchage illicite, ont-ils soutenu, que les juges d’instruction se sont efforcés de «globaliser» le dossier en l’étendant au blanchiment de fraude fiscale.

Un quatrième avocat d’UBS, Hippolyte Marquetty, a plaidé l’incompétence du tribunal pour juger de faits de blanchiment commis hors de France, et la prescription totale ou partielle des infractions reprochées à la banque.

Les avocats d’UBS ont enfin contesté le montant selon eux «irrationnel» et «extravagant» des pénalités demandées à la banque suisse et destiné, selon Me Veil, «à faire impression» sur la presse et le tribunal.

A titre de comparaison, UBS a payé 780 millions de dollars aux Etats-Unis en 2009 et 300 millions d’euros en Allemagne en 2014, à chaque fois pour éviter un procès. Un tel arrangement n’a pas été possible en France.

L’ex-directrice marketing d’UBS France reconnue comme «collaborateur» de la justice
Stéphanie Gibaud, qui se revendique comme lanceuse d’alerte dans l’affaire de fraude fiscale visant le géant bancaire suisse UBS, a obtenu jeudi la reconnaissance du statut de «collaborateur occasionnel du service public».
Le tribunal administratif de Paris condamne l’État à verser à Stéphanie Gibaud 3’000 euros «en réparation du préjudice moral qu’elle a subi à raison de sa collaboration occasionnelle au service public entre les mois de juin 2011 et juin 2012», dans une décision consultée par l’AFP.
«C’est une décision qui va permettre aux lanceurs d’alerte d’avoir la protection de l’État, qui doit protéger ses collaborateurs quand ils sont poursuivis ou menacés», a réagi auprès de l’AFP Me Antoine Reillac, l’avocat de Stéphanie Gibaud.
L’ancienne directrice marketing d’UBS France demande depuis des années à voir reconnu le préjudice subi du fait d’une collaboration qui a bouleversé sa vie. «Si j’avais choisi de détruire des documents de la banque comme on me l’a ordonné en 2008, je n’aurais jamais collaboré avec la justice et j’aurais poursuivi ma carrière», avait-elle expliqué à la presse.
Devant le tribunal administratif, l’ancienne cadre contestait le refus de la Direction des Douanes et droits indirects de l’indemniser de sa collaboration avec le Service national des douanes judiciaires (SNDJ) en 2011 et 2012.
Elle demandait 3,5 millions d’euros de réparation, un chiffre sans commune mesure avec le montant obtenu, notamment du fait de «l’absence de justificatifs» et du fait que le tribunal a retenu cette collaboration sur une période d’une année, correspondant au début de l’enquête.
À l’audience, son avocat avait appelé le tribunal à élargir cette période de collaboration en la faisant démarrer en 2008, estimant qu’elle avait «servi l’intérêt général, dès le moment où elle avait décidé de ne pas détruire ces documents».
Licenciée en 2012, Stéphanie Gibaud avait porté plainte dès 2009 pour harcèlement moral et obtenu 30.000 euros d’UBS aux prud’hommes, été relaxée en 2010 pour diffamation non publique envers la banque, puis à nouveau poursuivie pour diffamation après la publication de son livre «La femme qui en savait vraiment trop».

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