Déficitaire, Credit Suisse tourne la page d’une année calamiteuse

AWP

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La perte annuelle a atteint 1,57 milliard de francs, à comparer au bénéfice de 2,7 milliards de 2020. L’assemblée générale du 29 avril devra se prononcer sur un dividende inchangé de 0,10 franc par action.

L’exercice 2021 de Credit Suisse s’est terminé comme il a commencé, défavorablement. Le numéro un bancaire helvétique a bouclé l’exercice sur des chiffres rouges, dans le sillage du scandale Archegos mais également de correctifs de valeur d’une acquisition remontant à 2000. Les affaires du passé vont encore peser sur l’exercice en cours.

La perte annuelle a atteint 1,57 milliard de francs, à comparer au bénéfice de 2,7 milliards de 2020, selon les indications fournies jeudi par le géant bancaire zurichois. L’assemblée générale du 29 avril devra se prononcer sur un dividende inchangé de 0,10 franc par action.

L’établissement a généré des recettes à hauteur de 22,70 milliards de francs (+1%), tandis que les charges ont pris 7% à 19,01 milliards, selon le communiqué.

Credit Suisse se trouve dans l’oeil du cyclone depuis l’éclatement coup sur coup de deux affaires au printemps, Archegos et Greensill. La première est liée à la débâcle d’un fond spéculatif américain et a coûté plus de 5 milliards de francs à la grande banque.

Celle-ci est également empêtrée dans la liquidation des fonds Greensill, du nom de la société britannique d’affacturage en faillite. Dans son communiqué, le groupe annonce qu’il ne publiera pas les conclusions de l’enquête interne diligentée par le conseil d’administration, «en raison du processus de recouvrement en cours». Des mesures ont été prises à l’encontre de «plusieurs personnes» dans cette affaire, assure l’établissement.

«2021 a été une année particulièrement difficile pour Credit Suisse», concède le directeur général Thomas Gottstein, cité dans le communiqué. «Durant les trois derniers trimestres de l’année, nous avons géré la banque avec un appétit du risque réduit dans toutes les divisions tandis que nous prenions des mesures décisives pour renforcer nos fondements en termes de gestion des risques et de contrôles.»

Aux scandales susmentionnés est venu s’ajouter en ce début d’année le départ du controversé président António Horta-Osório, qui a démissionné après avoir enfreint les règles de quarantaine. Le Portugais a été remplacé par Axel Lehmann.

Collecte d’argent en chute libre

Le quatrième trimestre 2021 a bouclé dans le rouge, à hauteur de 2,01 milliard de francs, contre -353 millions il y a un an. Cette contreperformance était attendue, le géant bancaire zurichois avait lancé en janvier un avertissement sur résultats, constituant de nouvelles provisions pour litiges «majeurs» de 436 millions de francs, compensées partiellement par un produit de 225 millions découlant de cessions immobilières.

Le débours est principalement imputable à un correctif de valeur sur l’écart d’acquisition («goodwill») de 1,6 milliard de dollars (1,48 milliard de francs), annoncé en novembre et lié à la reprise dans les années 2000 de la banque d’investissement Donaldson, Lufkin & Jenrette.

Le résultat avant impôts s’est enfoncé en territoire négatif, à hauteur de 1,59 milliard de francs (-88 millions au 4e trimestre 2020). Les recettes ont reculé de 12% à 4,58 milliards de francs, tandis que les charges ont bondi d’un cinquième à 6,19 milliards.

Les afflux nets d’argent frais ont atteint 1,6 milliard de francs, contre 8,4 milliards au 4e trimestre 2020.

Les chiffres publiés par Credit Suisse sont plutôt inférieurs au consensus AWP.

Credit Suisse prévoit déjà plusieurs facteurs qui viendront peser sur la performance en 2022. Les résultats seront affectés par des charges de restructuration et des frais liés à la rémunération, en progression en comparaison annuelle. La participation de 8,6% dans Allfunds Group, dont la valeur a reculé de 204 millions de francs depuis le début de l’année, aura également un impact négatif.

Côté opérationnel, l’activité clientèle a ralenti en ce début d’année «après les niveaux exceptionnels» du 1er trimestre 2021. La cession de l’unité Prime Services, à l’origine de l’affaire Archegos, provoquera une baisse des recettes, selon Credit Suisse, qui perçoit cependant des «signes encourageants» dans la dynamique de ses affaires.

 

Credit Suisse refuse de publier le rapport sur l’affaire Greensill

Empêtré dans les affaires à répétition, Credit Suisse a pris une décision qui pourrait bien lui valoir de nombreuses critiques. Le numéro deux bancaire helvétique a annoncé jeudi, en marge de la publication des chiffres annuels, qu’il ne publiera pas le rapport sur l’affaire Greensill.

Dans son communiqué, le géant zurichois justifie cette décision par le «processus de recouvrement en cours» et «la complexité juridique de cette affaire». Interpellé par la fondation Ethos lors de la dernière assemblée générale en avril 2021, Credit Suisse s’était pourtant engagé à publier «les conclusions» de l’enquête diligentée par le conseil d’administration, comme en témoigne le procès-verbal de l’événement.

Le conseil d’administration avait confié au bureau d’avocats Walder Wyss le mandat de réaliser une enquête interne sur les fonds Supply Chain Finance (SCFF), liés à la société d’affacturage britannique Greensill, désormais en faillite. Ces produits financiers étaient constituées de créances – ou supposées comme telles – titrisées de différentes sociétés industrielles.

Le printemps dernier, Credit Suisse annonçait la liquidation des fonds incriminés et le remboursement des 10 milliards de dollars investis à ce moment. Jusqu’ici, les deux tiers de la somme ont été retournés aux clients.

Entretemps, l’enquête interne a été bouclée et le «rapport Greensill» remis au conseil d’administration ainsi qu’au régulateur financier Finma. Un document que le grand public ne pourra pas éplucher, contrairement à celui réalisé dans le sillage d’un autre scandale ayant affecté Credit Suisse, la faillite du fonds spéculatif américain Archegos.

Promesses non tenues, selon Ethos

Contacté par AWP, le directeur d’Ethos Vincent Kaufmann se dit «sceptique» vis-à-vis des raisons invoquées par la grande banque. «La Fondation Ethos est déçue de cette décision qui va l’encontre des promesses faites lors de la dernière assemblée générale», regrette-t-il.

«Ethos regarde actuellement les options légales données aux actionnaires pour connaître les principales conclusions de ce rapport comme par exemple la demande d’information ou la tenue d’un contrôle spéciale», poursuit M. Kaufmann qui veut faire toute la lumière sur cette affaire d’ici l’assemblée générale du 29 avril.

La société de conseil aux actionnaires peut se prévaloir d’une participation de 3 à 5% dans Credit Suisse, en comptant les délégations de ses clients.

En juillet dernier, la grande banque publiait le rapport sur l’affaire Archegos, qui a coûté plus de 5 milliards de francs à Credit Suisse. L’enquête fouillée avait permis de prendre conscience des errements du géant bancaire zurichois, de l’incurie dans la gestion du risque et de l’«appât du gain» de certains responsables.

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