Une micro-bulle de l’intelligence artificielle

Levi-Sergio Mutemba

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Le buzz médiatique rend le secteur de moins en moins abordable en termes de valorisations.

©Keystone

Le secteur technologique n’a pas attendu que l’inflation recule pour enregistrer un gain de près de 30% depuis le début de l’année. C’est presque autant que la perte (-33%) subie par le secteur sur l’ensemble de l’année dernière. Et nous n’en sommes qu’au milieu de l’année. L’inflation, qui avait torpillé tout ce qui portait le label «valeur de croissance», n’exerce plus aucune pression. Et ce, grâce à l’intelligence artificielle. Le leader mondial des puces graphiques Nvidia est le principal bénéficiaire de cette nouvelle tendance. Mais, avec un ratio cours/ventes de plus de 200 fois, le titre est tout sauf bon marché. Son buzz médiatique ferait oublier qu’il existe d’autres entités de qualité, non moins exposées à l’intelligence artificielle.

Certes, sur le plan fondamental, Nvidia a tout pour plaire. Par exemple, afin d’entraîner les machines, gourmandes en données, l’intelligence artificielle a besoin des supercalculateurs exaflopiques de Nvidia (capables d’effectuer un milliard de milliards d’opérations par seconde). La demande pour de la puissance de calcul semble en effet très inélastique. Le titre Nvidia prend donc 175% cette année jusqu’ici et a été multiplié par cinq au cours des cinq dernières années (à fin mai 2023).

«L’intelligence artificielle générative est sur le point d’accomplir en un an ce que l’internet a pris sept ans à accomplir.»

Un tel engouement, en une période pourtant marquée par l’incertitude, reflète nécessairement des anticipations de croissance très élevées des revenus et des marges. Et plus particulièrement les revenus et les marges de l’intelligence artificielle dite générative («Generative AI»). Créneau dans lequel prospèrent notamment ChatGPT, Midjourney ou GitHub Copilot.

«Depuis le moment iPhone, l’intelligence artificielle générative est sur le point d’accomplir en un an ce que l’internet a pris sept ans à accomplir et l’électricité plus de vingt ans», suspectent les analystes de Morgan Stanley, dans une note récente consacrée à la thématique de la diffusion et de l’application de l’intelligence artificielle. Il n’est donc pas surprenant d’observer des revalorisations de plus de 100% sur des titres perçus comme étant les gagnants de la thématique en question.

En revanche, et c’est un point essentiel que soulèvent les experts de Morgan Stanley, ces mêmes titres sont tenus de répondre aux révisions haussières des estimations de ventes et de profit formées par le consensus. Et ce dans un délai de six mois environ (à partir des révisions). Seul moyen de justifier l’expansion des multiples de valorisation dont ces titres ont fait l’objet durant la phase en cours de médiatisation de l’intelligence artificielle.

«Si vous voulez gagner de l’argent grâce à l’intelligence artificielle, vous devez non seulement choisir la bonne entreprise mais également payer un prix élevé», prévient Simon Edelsten, gérant chez Artemis Investment Management (Artemis). Le manager attire l’attention sur le fait que Nvidia est valorisé à mille milliards de dollars et que sa direction table sur des ventes de près 40 milliards cette année.

«Les ventes de Nvidia doivent continuer à croître très fortement, jusqu’à huit fois leur niveau actuel, selon mes calculs.»

«Ceci signifie que l’entreprise s’échange à un multiple prix/ventes de 25 fois», évalue Simon Edelsten. «Pour justifier ce niveau de multiple, les ventes doivent continuer à croître très fortement, jusqu’à huit fois leur niveau actuel, selon mes calculs», évalue le gérant d’Artemis. Qui remarque, par ailleurs, que Nvidia conçoit mais ne fabrique pas ses puces. La fabrication est en effet confiée à Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC), qui se traite à un multiple plus terre à terre de six fois les ventes.

Enfin, rechercher de la puissance de calcul n’est pas le seul moyen d’accéder à la thématique de l’intelligence artificielle. L’investisseur peut s’y exposer en enrichissant le portefeuille avec des entreprises spécialisées dans les infrastructures cloud. C’est-à-dire ces gigantesques «hyperscalers», dont les capacités de stockage sont cruciales pour le bon fonctionnement de l’intelligence artificielle. Là, nous retrouvons de vieux noms familiers du grand public, avec des valorisations plus abordables: la plateforme AWS d’Amazon, le Google Cloud d’Alphabet, l’Azur de Microsoft ou encore le cloud privé de Meta.

«Ensemble, ces services représentent environ 78% de toute la capacité cloud globale», souligne Anjali Bastianpillai, Senior Product Specialist chez Pictet Asset Management. «Les revenus des infrastructures cloud ont atteint 63,7 milliards de dollars durant les trois premiers mois de l’année 2023, soit une augmentation de 10 milliards de dollars par rapport à la même période l’an dernier et nous pensons que cette forte croissance se poursuivra», anticipe Anjali Bastianpillai, dans la dernière note de recherche Pictet AM Smarts.

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