Une fuite vers le private equity

Yves Hulmann

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Steffen Pauls, fondateur de Moonfare, observe une hausse sans précédent des actifs sous gestion qui affluent vers les marchés privés.

Au cours des douze derniers mois achevés à fin septembre 2022, la plateforme numérique leader dans le capital-investissement Moonfare a augmenté ses actifs sous gestion de 87%, lesquels ont atteint 2,18 milliards d'euros, a-t-elle indiqué dans un communiqué. Comment expliquer cette progression? Steffen Pauls, fondateur et directeur (CEO) de Moonfare, qui s’exprimait en marge de l’ouverture d’un bureau de la société à Zurich la semaine dernière, commente les résultats de la société et les tendances dans la branche. «Nous observons une fuite des actions vers les placements dans le capital-investissement», estime-t-il. Moonfare a bénéficié d’un afflux sans précédent de nouveaux investisseurs et investissements vers son offre de marchés privés au cours des douze derniers mois. Dans le détail, le nombre d'investisseurs de Moonfare a augmenté de 63% pour s’établir à 3272, tandis que le nombre d’utilisateurs enregistrés a plus que doublé (141%) pour dépasser les 46'000. Le nombre d'investissements individuels a même augmenté de 70% pour s’établir à 8462. Pour répondre à cette croissance exceptionnelle de la demande, Moonfare a renforcé le nombre de fonds proposés sur sa plateforme, qui sont ainsi passés de 40 à 69, soit une hausse de 73%.

Des niveaux d’évaluation redevenus attrayants

«J’observe que beaucoup de gens en ont assez de la volatilité sur les marchés d’actions. Les investisseurs veulent être confrontés à moins de volatilité et avoir davantage de protection contre l’inflation. A cela s’ajoutent des niveaux d’évaluation attrayants actuellement. Mon impression est que le private equity a touché son plancher, alors que je n’en suis pas du tout certain concernant les marchés des actions», met-il en perspective. Par ailleurs, ce sont souvent les années qui ont suivi une forte correction boursière qui se sont avérées être les périodes les plus intéressantes pour les placements dans les marchés privés. «Des études ont prouvé que les années qui ont suivi les dernières récessions, à l’exemple de la crise financière globale en 2008 et 2009 ou comme en 2001, ont été les plus performantes dans ce secteur au cours des 20 dernières années», ajoute-t-il.

La Suisse est le marché européen le plus sophistiqué en Europe pour le private equity. Cela tient à la présence des grandes banques ainsi que des nombreux établissements spécialisés dans la gestion institutionnelle.
Au-devant d’une sévère récession

Du côté des entreprises, de nombreuses sociétés, parfois cotées en bourse de longue date, ont décidé de se retirer de la bourse ces dernières années. Un phénomène que Steffen Pauls analyse de la façon suivante: «Le fait qu’il soit nécessaire de publier tous les trois mois des résultats trimestriels et de les justifier auprès des investisseurs empêche de pouvoir prendre des décisions orientées à long terme. Nous nous trouvons maintenant au-devant d’une sévère récession. Les entreprises vont devoir réduire leurs coûts, participer à des processus de consolidations, etc. Vous pouvez prendre de meilleures décisions dans un tel contexte lorsque vous êtes une société détenue en mains privées», est-il convaincu.

Le fait qu’il n’y ait pratiquement plus d’IPO actuellement ne va-t-il pas finir par poser problème au secteur du capital-investissement lorsqu’il faudra réaliser des «exits»? Steffen Pauls relativise cette difficulté: «Il existe différents canaux qui permettent d’effectuer un «exit». Il y a tout d’abord les grandes entreprises qui sont actuellement assises sur d’importantes piles de cash, lesquelles atteignent même des niveaux sans précédent actuellement. Ensuite, les acteurs du private equity disposent toujours d’énormément de «dry powder» à investir, soit environ 1300 milliards de dollars à travers le monde», observe-t-il.

Montant minimal: un peu plus de 30'000 francs par an

Un des objectifs affiché par Moonfare est de faciliter l’accès au capital-investissement. Quel est toutefois le «ticket» d’entrée minimal pour un client basé en Suisse? «Le montant minimal est 125'000 francs – répartis sur quatre années», précise le directeur. Cela correspond à un peu plus de 30'000 francs par an. Ce montant résulte d’exigences définies par la Finma. Au Royaume-Uni, le seuil d’entrée est même plus bas.

La Suisse, troisième marché en Europe pour Moonfare

Aux yeux de Steffen Pauls, la Suisse est le marché européen le plus sophistiqué en Europe pour le private equity. Cela tient à la présence des grandes banques ainsi que des nombreux établissements spécialisés dans la gestion institutionnelle, estime le fondateur de Moonfare, pour qui la Suisse constitue le troisième marché en Europe. L’offre de Moonfare ne s’adresse toutefois pas aux grandes banques et aux principaux acteurs de la gestion institutionnelle – ces établissements disposent déjà des ressources nécessaires – mais plutôt à des petites banques privées, des family offices ou à des personnes fortunées qui s’intéressent à cette classe d’actifs.

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