L’intelligence artificielle au service de la gestion d’actifs

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

«Le défi que nous proposons de relever consiste à poser les bonnes questions en nous assurant de la fiabilité des informations recensées» explique Andreas Söderholm d’Eric Sturdza Investments.

Le marché suisse des fonds a atteint un volume record au premier trimestre. Le secteur, en plein essor, doit assurer son avenir et l’innovation en est l’une des clefs. Il est beaucoup (et partout) question d’intelligence artificielle et de son usage dans l’asset management et la manière dont l'IA y est déployée met en lumière de nombreux aspects tant en matière de relations avec les clients que de questions organisationnelles et réglementaires. Mais qu’en est-il vraiment et comment l’utiliser efficacement dans la gestion d’actifs? Arrivé depuis un peu moins de deux ans en qualité de responsable de l’asset management, Andreas Söderholm a rajeuni le modèle d’affaires et l’exécution de l’activité. Il a aussi une idée claire de l’usage de l’intelligence artificielle pour en améliorer l’efficacité opérationnelle.

Vous êtes arrivé il y a moins de deux ans. Avec quelle mission?

Mes objectifs étaient multiples. En premier lieu, construire et exécuter un business plan pour réorganiser l’activité de fonds d’Eric Sturdza. En quelques mots, il s’agissait d’entreprendre une rénovation de la plateforme UCITS et d’optimiser les processus. Puis, rajeunir le modèle d’affaires en réévaluant l’offre de fonds externes et en initiant une offre interne, avec le recrutement des talents correspondants. Nous proposons aujourd’hui deux fonds avec des gérants externes et cinq fonds avec des gérants internes et conseillers, auxquels s’ajoutera un sixième fonds prochainement.

Pouvez-vous nous donner quelques exemples de votre offre interne?

Ludovic Labal nous a rejoints pour couvrir les actions européennes et Shasha Li Mafli pour gérer deux fonds sur l’Asie. Le premier, Strategic Rising Asia, se distingue par un angle macro dépendant du niveau de développement de chaque pays. Le second, Strategic Vietnam Prosperity, lancé en 2023 à la demande de clients, surperforme déjà l’indice et ses pairs. Nous sommes restés fidèles aux conseils de Uda San sur le Japon à travers le Nippon Growth Fund car sa vision du futur reste hors pair et nous permet de délivrer l’une des meilleures performances du marché. Bien sûr, nous proposons toujours notre flagship, le Sturdza Family Fund, aujourd’hui mené par une équipe incluant notamment Alexandre Déruaz, qui nous a rejoints en début d’année en provenance d’Unigestion, ainsi que, côté obligations, Eric Vanraes qui gère également plusieurs mandats clients.

«Le grand gagnant de l’intelligence artificielle sera celui qui lit tout, voit tout, écoute tout et vous le livrera dans le format compréhensible que vous souhaitez.»

Qu’en est-il des fonds de gérants externes?

Sur les small et mid caps américaines, nous proposons le fonds UCITS Strategic Long Short géré par Chris Crawford avec lequel nous avons passé un accord fin 2022. Sur les small mid caps européennes, le fonds Strategic European Silver Stars est géré par Bertrand Faure; ce fonds s’est vu décerner le Lipper Award 2024.

Comment innover dans l’industrie de l’asset management?

Nos clients nous font part de plus en plus fréquemment des risques encourus par la gestion passive. Prenons un exemple: le S&P500 est mené par six entreprises hautement concentrées dans la tech. Investir dans l’indice signifie une absence complète de diversification et donc une allocation défavorable en termes de prise de risque. Nos stratégies sont en opposition avec ce type de gestion. Nous élaborons une approche sur mesure, unique à chaque cas en analysant les besoins des clients et en construisant une solution propre à y répondre.

De quelle manière?

Soit par l’intermédiaire d’un mandat de gestion sur mesure, soit par celui d’un certificat géré activement (AMC). Pour notre part, nous possédons des années expériences dans la mise en place de ces solutions.

Quels avantages présentent ces AMC par rapport à un véhicule de type UCITS?

Le format UCITS offre une bonne protection aux clients de type retail mais les AMC permettent de construire rapidement et efficacement des portefeuilles multi-asset en y introduisant des actions, des obligations ou des dérivés, selon l’objectif défini par le client. Dotés d’un code ISIN, ils sont simples à transférer. Alors que les fonds UCITS sont soumis à de multiples contraintes (une position ne peut représenter plus de 10% du fonds par exemple), l’AMC offre une flexibilité très supérieure. Il est aussi plus rapide à créer et à coter sur une bourse. Bien évidemment, il est réservé à une clientèle professionnelle telle que les gérants indépendants, les family offices et investisseurs institutionnels. Ce qui correspond à notre clientèle.

Innovation encore: comment utiliser l’intelligence artificielle en finance et plus particulièrement dans la gestion d’actifs?

Nous sommes encore aux premiers jours des potentiels qu’offre l’intelligence artificielle mais j’aime faire une analogie avec les débuts du web. Qui a été le grand gagnant de cette formidable «bibliothèque» d’informations qu’est l’internet? Les fournisseurs de contenu? Ceux qui en assurent l’infrastructure? Non, le grand gagnant a été le «bibliothécaire», c’est-à-dire Google. De manière similaire, le grand gagnant de l’intelligence artificielle sera celui qui lit tout, voit tout, écoute tout et vous le livrera dans le format compréhensible que vous souhaitez. Le défi que nous proposons de relever consiste à poser les bonnes questions en nous assurant de la fiabilité des informations recensées.

Comment appliquez-vous ces principes à votre propre cas?

En tant qu’asset manager, nous avons besoin d’un instrument basé sur des données dont la source est de toute première qualité. Nous adaptons des outils pour exploiter notre propre recherche, celle de nos courtiers et les transcriptions des meetings trimestriels des entreprises couvertes. A la main, nous ne pourrions profiter au mieux que de 2% de ce vivier d’informations. Grâce à l’intelligence artificielle nous tirons parti de 100% de ces données y compris celles qui ne sont pas structurées et qui auraient été impossible à utiliser il y a encore peu. Ces outils nous permettrons de suivre un nombre plus important d’entreprises, d’augmenter la valeur ajoutée des analystes et de consacrer davantage de temps avec nos clients. C’est une opportunité unique.

L’asset management suisse est-il bien positionné pour tirer parti de l’innovation?

Clairement, oui. La Suisse est extrêmement bien placée pour attirer les talents. Quel que soit le secteur, elle est hautement compétitive. D’ailleurs, il suffit de regarder les chiffres publiés par l’AMAS pour s’en persuader. Les Suisses savent poser les bonnes questions. 

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