Trop de Capex chez Meta, pas assez dans le métal

Thomas Planell, DNCA Invest

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Même dans l'hypercroissance de l'IA, il faut offrir quelque chose de concret aux marchés lorsqu'on fait appel à eux.

La métaphysique s'occupe de la recherche des causes premières, des causes qui se situent au-delà du domaine étudié, c'est-à-dire au-delà de l'homme: c'est une quête de la sagesse transcendantale, qui est à la philosophie ce que le piano est à la musique: elle incarne la véritable essence de sa discipline.

N'est-ce pas la transcendance que Musk, Altman et Zuckerberg nous vendent: la connexion de l'esprit avec la machine (Neurolink), une machine dotée de neurones et de capacités d'apprentissage (OpenAI), l'extension numérique de notre univers d'interaction (Metaverse, réalité virtuelle)? Ces «ponts vers le surhumain» (ou plutôt vers le non-humain) que l'élite de la Silicon Valley nous tend par-dessus l'abîme sont séduisants pour le marché. Ils sont synonymes d'actifs intangibles, hyperscalables, et donc de la promesse d'un retour incommensurable sur le capital (théoriquement léger) employé.

Mark Zuckerberg est en train d'apprendre à ses dépens que l'aversion des marchés pour les investissements massifs des entreprises ne se limite pas à l'abîme minier.

Au diable les monstres d'acier de l'industrie abyssale. «Humains, trop humains»! Et parmi eux, les compagnies pétrolières et minières dont le coût exorbitant du capital (sous la pression de la phobie financière et de l'activisme ESG) les contraint, tel Prométhée, à laisser l'aigle du Caucase dévorer le foie meurtri de leur capital, à coups de dividendes massifs et de rachats d'actions incessants, en prévision du lancement de nouveaux projets d'extraction de cuivre dont le monde a un besoin plus urgent qu'on ne veut bien le croire.

Les mines ne sont pas tout. Mais sans les mines, rien n'est possible

Mark Cutifani, patron d'Anglo American, a déploré la stratégie dominante dans un discours prononcé lors du Congrès minier de Montréal en 2013. On vide les mines rentables sans investir dans les suivantes. Les Capex de Greenfield (dépenses d’investissement dans de nouveaux chantiers) disparaissent dans cette industrie importante. Finalement, tout ce qu'elle produit concerne plus ou moins tout ce que nous touchons, tout ce qui peut produire et faire circuler de l'électricité et donc de l'information. «Les mines ne sont pas tout. Mais sans les mines, rien n'est possible», a-t-il déclaré. Pour créer de la valeur (et donc augmenter la rémunération des dirigeants), il ne s'agit plus d'investir des milliards dans des actifs dont le seuil de rentabilité est atteint après d'innombrables années. Il est beaucoup plus simple et surtout moins risqué d'acheter des actifs existants, par le biais de fusions et d'acquisitions opportunistes.

Le prix du cuivre grimpe à plus de 10’000 dollars la tonne

Peut-être voyait-il déjà dans l'argile de ses mines la possibilité d'un rapprochement entre les deux titans des matières premières que sont BHP et Anglo American. L'offre de BHP pour Anglo a certes été rejetée car pas assez généreuse, mais la perspective d'un conglomérat qui détiendrait 10% du cuivre mondial met le secteur en ébullition, tout comme les politiciens sud-africains ou la Chine, premier consommateur de métaux, qui ne devrait pas voir d'un bon œil l'émergence d'un acteur aussi important agissant hors de son contrôle. Entre-temps, le prix du cuivre grimpe à plus de 10’000 dollars la tonne.

Mais l'aversion des marchés pour les investissements massifs des entreprises ne se limite pas à l'abîme minier. Mark Zuckerberg, qui entend lui aussi construire son pont vers le surhumain, est en train de l'apprendre à ses dépens. Oui, même dans l'hypercroissance de l'IA, il faut donner du concret aux marchés quand on fait appel à eux.

Surtout quand près d'un quart du chiffre d'affaires est investi (40 milliards cette année, 28 milliards en 2023). Et encore plus l'année prochaine. En deux ans, cela représente plus de huit fois le montant investi dans la mine de cuivre (fermée par le gouvernement) de Cobre Panama (l'une des plus grandes du monde).

Meta ne vend pas de designs de puces haute performance

Le problème est que Meta ne vend pas de conceptions de puces à haute performance, que Microsoft et autres s'arrachent déjà. Quant à son modèle d'IA propriétaire, il est encore trop tôt pour dire si «Zuck» a l'ambition non seulement de l'intégrer dans des services existants, mais aussi de le commercialiser. La visibilité n'est pas plus grande que le prix d'achèvement d'une mine de cuivre. D'autant que le groupe ne vit actuellement guère que de ses recettes publicitaires. En cas de manque de lisibilité, le marché sanctionne (-12% sur l'action après les résultats).  

Il existe de nombreuses possibilités de créer un modèle commercial rentable dans l'IA générale et dans les grands modèles linguistiques, affirme le milliardaire. En cela, il a probablement raison. Mais il est encore plus clairvoyant lorsqu'il prévient qu'il faudra du temps et surtout beaucoup d'argent avant d'en arriver là. Le danger pour les investisseurs est que ces demi-dieux de la transcendance soient évalués comme si le pont avait déjà été construit!

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