L’Eurostoxx 50 tourne la page du bien aimé Draghi

Thomas Planell, DNCA Invest

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Et si les marchés européens s'étaient comportés de façon plus rationnelle que d’habitude?

© Keystone

 

«Ecouter la radio, boire du gin, danser sur du jazz… retourner aux bonnes vieilles théories de l'économie et de la prospérité basées sur l'épargne et le travail»… «et détourner les yeux des prix des actifs financiers quand il le faut»… tel était le conseil de l'un des plus célèbres membres de JPMorgan, Russel Leffingwell, donné au Président américain au lendemain de la crise de 1929. Dans les krachs boursiers comme dans les phases d'euphorie, savoir porter le regard au-delà du ticker défilant en se concentrant sur un travail rationnel de valorisation peut être salvateur pour l'investisseur qui manquerait de paniquer à la baisse… ou à la hausse…

De lointains souvenirs

Pour une fois, la performance de l'eurostoxx50 devance de quelques pas celle du S&P500. Raisonnable, à 14 fois les résultats des 12 prochains mois, la valorisation en ligne avec sa moyenne 10 ans rassure par rapport à celle du S&P500 (22 fois les BPA). Le rendement du dividende deux fois supérieur (3,2%) et les programmes de rachats d'actions compensent une croissance moins séduisante des bénéfices. 24 ans après la bulle Interne, l'Eurostoxx franchit à nouveau les 5000 points. Le plafond de verre et puit gravitationnel des 3000 points du célèbre «Whatever it takes» de Mario Draghi est désormais un très lointain souvenir.

Mais les mêmes vicissitudes observées outre Atlantique ne nous épargnent pas. Trois secteurs accaparent le podium des performances: technologie, électrification, luxe. 5 valeurs du top 50 s'arrogent à elles seules la moitié de la performance de l'indice: ASML, SAP, LVMH, SCHNEIDER, HERMES. Attention cette concentration de marché exubérante est vulnérable au retour de la volatilité, pour l’instant spectrale… 50% sous ses niveaux d'octobre, «le big short» de fin 2023 reste sonné par le gong de l'appétit insatiable des marchés pour le risque. Le défibrillateur des chiffres d'inflation un peu moins bons qu'espéré n'est d'aucun secours aux acheteurs de volatilité et de couverture: les futures Vstoxx (indice de volatilité implicite de l'Eurostoxx 50) traitent 10 points en dessous de la moyenne historique! Une telle absence de crainte et de protection dans le marché peut le fragiliser en cas de mauvaise surprise.

D'autant que pour les observateurs des matières premières, l'actualité est intéressante et ne milite plus autant en faveur de la «Grande désinflation» des derniers trimestres. Dopé par une forte baisse des stocks dans l'OCDE, une prolongation des restrictions de l'OPEP, et des frappes ukrainiennes sur des raffineries russes, le pétrole repart à l'assaut de 80 dollars. L'Agence Internationale de l'Energie vient de réviser ses attentes et table sur un déficit en 2024.

Les métaux, bondissent depuis les points bas de début février (+10% pour le Goldman Sachs Metal Index). Ceux sensibles au cycle économique, comme le cuivre, voient les investisseurs se repositionner, dans le prolongement du rebond de l'indice PMI manufacturier global et en amont du redémarrage de ce que certains d'entre eux considèrent comme un «supercycle des métaux». Pierre angulaire d'une économie dopée aux semi-conducteurs, à l'IA et aux énergies propres, le cuivre renoue avec les 9000 dollars, un plus haut à un an, sur fond de risque d'asphyxie des raffineurs chinois qui manquent cruellement de concentrés chilien, la matière première des précieuses cathodes… Tandis que la banque de Monsieur Leffingwell revoit sa cible de fin d'année sur l'or, à 2500 dollars l'once.

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