Private Equity: un parallèle avec le secteur bancaire

Jean-Christophe Rochat, Banque Heritage

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La consolidation devrait s’accentuer, à l’instar de ce que les banques ont vécu durant la dernière décennie.

Le marché du Private Equity continue de panser ses plaies en cette fin d’année 2023, malmené depuis 2022 et le changement des politiques monétaires des banques centrales. Aux Etats-Unis, l’activité de capital-risque a vu la valorisation des transactions de sorties («exit») s’effondrer au troisième trimestre 2023, chutant de 40% par rapport au deuxième trimestre. Les valorisations sont même en baisse de presque 90% par rapport au pic atteint au deuxième trimestre 2021. A première vue, la situation pourrait sembler différente en Europe. La valeur des sorties de capital-investissement est en effet en hausse de 18% par rapport au trimestre précédent. Mais la particularité du troisième trimestre a été l'introduction en bourse d'Arm, qui a représenté la plus grande sortie en dix ans. Une transaction dans une période risquée à près de 50 milliards d’euros! Et qui permet de justifier à elle seule le bond enregistré au troisième trimestre.

Du côté de la collecte, les chiffres affichés par les fonds de capital-investissement aux Etats-Unis au troisième trimestre 2023 montre également la pression que subit la classe d’actifs, les capitaux levés ayant diminué de 12% par rapport au trimestre précédent. Ce sont les fonds focalisés sur les entreprises de moyennes capitalisations qui tirent leur épingle du jeu, avec une collecte à la fin du deuxième trimestre en hausse de 25% par rapport à 2022. La réduction de l'accès à l'endettement pour les grandes opérations de rachat d'entreprises par effet de levier (LBO) encouragent les sociétés de capital-investissement à se tourner vers le bas du marché pour trouver des opérations plus faciles à financer.

Les banques voient leurs résultats opérationnels s’envoler grâce à leurs marges d’intérêts et on assiste également à la résurrection d’une classe d’actifs longtemps oubliée…. Les obligations!

Outre les fonds du marché intermédiaire, les fonds secondaires ont été populaires auprès des LPs, comme le montre l'accueil réservé au fonds Strategic Partnership de Blackstone (22,2 milliards de dollars) et au fonds de Goldman (14,2 milliards de dollars). Enfin, et sans surprise, les «continuation funds» gagnent également du terrain dans cet environnement ou les sponsors ne veulent pas céder leurs actifs aux valorisations actuelles.

Difficile de dire si le marché du Private Equity a atteint son «plus bas». Même si la fin des hausses de taux semble être plus ou moins actées, des taux longs sur une longue période pourrait continuer de peser à la fois sur les valorisations des actifs et sur l’accès au financement. Ce qui pourrait pousser l’industrie du Private Equity a de profonds ajustements. Il y a plus de dix ans, le secteur bancaire entrait dans une nouvelle ère, celle des taux d’intérêt proche de zéro. S’en est suivie une longue période d’ajustement des modèles d’affaires, où la pression sur les marges engendra un mouvement important de consolidation, afin que les économies d’échelle puissent compenser la baisse de rentabilité des capitaux propres. Paradoxalement, cette sombre période pour le secteur bancaire permit l’avènement du Private Equity, la recherche de rendements poussant année après année de nouveaux investisseurs à s’intéresser à cette classe d’actifs, longtemps réservée aux institutionnels sophistiqués.

Dix ans après, le tableau est bien différent. Les taux directeurs des banques centrales sont à des niveaux radicalement opposés, rendant l’accès au financement plus difficiles pour les acteurs économiques. Les banques voient leurs résultats opérationnels s’envoler grâce à leurs marges d’intérêts et on assiste également à la résurrection d’une classe d’actifs longtemps oubliée…. Les obligations!

Accès au financement plus compliqué et plus cher, fin de cycle économique ou recherche de produits alliant rendement et liquidités, autant de nouveaux facteurs qui devraient continuer à maintenir l’industrie du Private Equity sous pression au cours des prochains trimestres. Poussé par la digitalisation ou la «retailisation» (ouverture aux particuliers), le secteur devrait certes continuer de croître, mais il est fort à parier que le mouvement de consolidation va s’accentuer, à l’instar de ce qu’ont connu les banques dans la dernière décennie!

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