Multi-Asset Solutions de J.P. Morgan Asset Management

Michael Hood, J.P. Morgan Asset Management

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Toutes les facettes de l’économie mondiale ne sont pas en train de se renforcer. L’épidémie du coronavirus en Chine complique la situation à court terme.

SYNTHÈSE
  • Dans nos prévisions économiques mondiales, le quatrième trimestre de 2019 représente le trimestre le plus faible du mini-ralentissement qui a commencé au début de l’an dernier, avec une accélération graduelle en cours sur la première moitié de 2020.
  • Les chiffres les plus récents apparaissent conformes à cette perspective, avec une amélioration notable des indicateurs de confiance du secteur privé et des signes de redressement du cycle des technologies.
  • Toutes les facettes de l’économie mondiale ne sont pas en train de se renforcer; l’investissement des entreprises, en particulier, semble toujours atone, bien qu’il se soit stabilisé.
  • L’épidémie du coronavirus en Chine complique la situation à court terme; pour le moment, nous pensons que son impact sur la croissance sera réel mais transitoire, avec une baisse d’activité au premier trimestre suivie d’un rattrapage si l’épidémie est contenue dans les deux prochains mois.
  • Notre scénario économique de base, qui prévoit une réaccélération modeste de la croissance mondiale et un risque contenu de récession pour 2020, est toujours en place. Nous maintenons notre préférence pour les actifs risqués, en sachant que le flou des données risque de limiter le potentiel de hausse à très court terme.
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Selon nos prévisions économiques mondiales, le mini-ralentissement qui a marqué la plus grande partie de 2019 a probablement atteint son point le plus bas au quatrième trimestre de l’an dernier, et une amélioration graduelle devrait se manifester pendant le premier semestre de 2020. Les chiffres récents nous apparaissent conformes à cette trajectoire et nous continuons de prévoir un retour à des taux d’expansion proches de la tendance d’ci le milieu de l’année. Un nouveau risque a commencé à se manifester ce mois-ci avec l’apparition d’une épidémie de coronavirus en Chine. Les perturbations du commerce, des voyages et d’autres activité qui en résultent se traduiront probablement par un affaiblissement temporaire, mais significatif, du PIB des pays touchés par l’épidémie. En faisant l’hypothèse que l’épidémie sera maîtrisée dans les tout prochains mois, ce passage à vide devrait s’avérer transitoire, et en dehors d’un lourd bilan humain, nous pensons qu’il ne devrait pas avoir d’impact économique durable à l’échelon mondial.

Avant l’apparition du virus, le redressement des chiffres économiques était le plus manifeste dans les indicateurs de confiance du secteur privé. Nos mesures synthétiques de la confiance pour les principales économies des marchés développés étaient toutes orientées à la hausse en début d’année, bien que dans la plupart des cas les niveaux restaient relativement bas (graphique 1).

Le plus spectaculaire a été la forte hausse des indices composites des directeurs achats (PMI) pour le Japon et le Royaume-Uni en janvier, ce qui laisse à penser que les préoccupations propres à chacun de ces pays (impact de la hausse de la TVA au Japon et incertitude liée au Brexit et aux élections générales au Royaume-Uni) sont en train de se dissiper. La confiance du secteur industriel en Allemagne, qui s’était affaiblie à un point surprenant l’an dernier, s’est également légèrement redressée. Aux États-Unis enfin, le PMI des services, qui s’était détérioré de façon inquiétante au cours du second semestre de 2019, a augmenté, ce qui veut dire qu’il y a moins de risques que le marasme industriel se propage de façon persistante vers d’autres secteurs de l’économie.

Un ensemble plus large de données en provenance d’Asie émergente s’est également amélioré ces derniers temps. Les PMI manufacturiers de la région ont nettement augmenté en décembre, intensifiant la tendance apparue au cours des quelques mois précédents. Bien que plus irréguliers, les chiffres d’exportation et de production industrielle se sont aussi révélés plus solides au quatrième trimestre qu’il ne l’avaient été précédemment. De plus, la croissance du PIB du 4e trimestre a fortement surpris à la hausse en Corée et à Taiwan, bien que ce soit en partie pour des raisons qui s’avèreront probablement temporaires ou idiosyncrasiques. De façon encourageante, le cycle des technologies affiche des signes de redressement après une longue période de faiblesse. Les prix des DRAM, qui étaient en baisse depuis début 2018, ont par exemple commencé à augmenter en décembre.

Enfin, les dépenses de consommation des États-Unis, qui sont l’un des principaux moteurs de croissance de l’économie mondiale, semblent s’être stabilisées vers la fin du quatrième trimestre, après s’être ralenties pendant les mois d’avant.

La consommation réelle a connu un boom au 2e et 3e trimestre de 2019, bondissant en moyenne de 3,9 % d’un trimestre à l’autre (taux de croissance estimé corrigé des variations saisonnières) et semble s’être calmée en dessous de 2 % de croissance au 4e trimestre, en raison principalement d’une baisse des achats de biens de consommation. Les ventes au détail enregistrent néanmoins une solide croissance de 0,5 % d’un mois sur l’autre pour décembre et les indicateurs de confiance des consommateurs affichent une vigueur impressionnante au début de 2020. Les ménages américains devraient en outre bénéficier d’un petit coup de pouce dans les prochaines semaines à mesure que la récente faiblesse du marché du pétrole se répercute sur les prix de l’essence. Début janvier, les événements géopolitiques menaçaient de pousser les cours du pétrole à la hausse, mais ce risque s’est dissipé et se transforme aujourd’hui en coussin pour les consommateurs.

Comme c’est souvent le cas autour des points d’inflexion du cycle mondial, tous les indicateurs ne vont pas dans le même sens. En particulier, les indicateurs de dépenses d’investissement des entreprises restent atones. Les commandes et les expéditions de biens d’équipement sont stables aux États-Unis et les indicateurs correspondants au niveau mondial se comportent de la même manière.

Certes, les enquêtes sur les intentions d’investissement des entreprises américaine se sont améliorées, mais nous pensons qu’à court terme, le ralentissement des dépenses de consommation, le souci de la baisse des marges, et peut-être aussi la persistance d’une incertitude liée aux accords commerciaux internationaux pèseront sur la vigueur d’une éventuelle reprise. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles nous nous attendons à ce que le redémarrage de l’économie ne soit pas aussi impressionnant que celui de 2017 après le précédent ralentissement de milieu de cycle. Une source plus particulière d’inquiétude a trait à l’arrêt de la production du 737 MAX de Boeing, qui pèsera sur la croissance du PIB américain au premier trimestre et pourrait affecter plusieurs indicateurs manufacturiers.

En plein milieu de cette reprise mondiale naissante et encore timide survient l’infection virale chinoise, avec les quarantaines et les fermetures d’usine qu’elle provoque. Les acteurs du marché font le parallèle avec l’épidémie du SARS en 2003 : la croissance du PIB réel chinois s’était réduite à tout juste 3,4 % d’un trimestre sur l’autre (taux corrigé des variations saisonnières) au second trimestre de cette année, contre un taux moyen de 10,4 % sur les quatre trimestres précédents, pour rebondir ensuite à 15,7 % au 3e trimestre de 2003. Le PIB s’était contracté en Corée et à Taiwan au second trimestre 2003, pour là aussi rebondir sur la période suivante. En termes directionnels, nous pensons que ce phénomène (passage à vide temporaire suivi d’un rattrapage de la croissance) se reproduira probablement, les pires effets se concentrant de nouveau sur la Chine et les pays voisins. L’ampleur et la portée des perturbations pourraient toutefois s’avérer plus importantes cette fois-ci, car la propagation des nouveaux cas semble plus rapide. De plus, il n’y avait quasiment pas eu de fermetures d’usines en 2003, ce qui avait limité les effets surtout aux dépenses de consommation, et l’intégration de la Chine à l’économie mondiale s’est considérablement renforcée depuis lors. D’un autre côté, le poids plus important des ventes au détail effectuées en ligne, par rapport à celles effectuées en magasin, pourrait se traduire par un ralentissement moins marqué des dépenses de consommation par rapport à 2003.

Nous faisons toutefois une différence entre cette épidémie et le conflit commercial de 2019, qui a entraîné des changements durables de comportement au sein du secteur privé, avec notamment un repli prolongé des dépenses d’investissement.

Nous surveillerons les problèmes de solvabilité qui pourraient affecter le système bancaire chinois et mondial, et guetterons les signes de conséquences comportementales persistantes (comme par exemple l’évitement des espaces publics aux États-Unis ou ailleurs), qui pourraient montrer que la baisse d’activité attendue est en train de se transformer en marasme plus durable susceptible de faire dérailler la reprise attendue de la croissance mondiale.

IMPLICATIONS POUR LES CLASSES D’ACTIFS

Sachant que nos prévisions de base pour l’économie mondiale sont confortées par les chiffres récents, et non modifiées pour le moment par le coronavirus, nous conservons notre biais « pro-risque ». Nous maintenons également notre préférence pour les actions américaines et émergentes, ces dernières en tant qu’expression directe de la reprise cyclique mondiale. Nous ne serions cependant pas surpris de voir les actifs risqués stagner à court terme, pour deux raisons. Premièrement, l’incertitude quant à la nature et à l’ampleur des conséquences de l’épidémie virale sur l’activité économique risque de prévaloir à court-terme. Deuxièmement, les marchés ont déjà affiché des gains importants ces derniers mois en réponse à l’amélioration des perspectives de croissance et ils auront probablement besoin d’une confirmation supplémentaire de ce regain de vigueur pour poursuivre leur hausse. Les conséquences du virus risquent de brouiller les statistiques économiques du premier trimestre de 2020 et de retarder cette amélioration. Dans ces circonstances, les enquêtes de confiance seront peut-être un indicateur plus fiable que les chiffres économiques effectifs (ventes au détail ou production industrielle par exemple) pour évaluer les conditions sous-jacentes, mais ils peuvent eux aussi être vulnérables face aux chocs de confiance et pourraient émettre des signaux contradictoires dans les prochains mois. Dans le même temps, le souci des perturbations liées au virus devrait dissuader toute mesure restrictive de la part des banques centrales des marchés développés. Nous pensons même que de nouvelles baisses de taux sont possibles dans deux ou trois cas. Avec des intérêts à court terme désormais bien ancrés et une inflation qui n’affiche aucun signe de forte reprise, nous pensons que le potentiel de hausse des rendements obligataires souverains est limité. La stabilité des taux d’actualisation devrait apporter un soutien durable aux actions une fois que l’incertitude liée au virus se sera dissipée, en supposant qu’il n’y aura pas de conséquences graves sur les prévisions de bénéfices à moyen terme.

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