Miser sur la «vieille tech démodée»

Yves Hulmann

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Nick Clay, gérant chez Newton IM, privilégie les sociétés qui versent des dividendes réguliers. Les anciens groupes valent mieux que les FAANG.

Nick Clay, gérant de portefeuille d’un fonds en actions globales chez Newton Investment Management (BNY Mellon IM), ne se dit pas surpris par le rebond des marchés observé depuis janvier. Pour autant, souligne-t-il d’emblée, pas question d’abandonner la prudence qui caractérise l’approche du gérant de fonds. Celle-ci tient compte en particulier de la régularité de versement des dividendes des sociétés dans son processus de sélection. «Tout au long de 2017 et jusqu’en janvier 2018, nous avons misé sur des actions ayant des caractéristiques défensives», met-il en perspective. 

Les banques centrales restent «accros» aux liquidités.

Maintenant que la Réserve fédérale américaine a écarté le scénario d’une hausse des taux au moins jusqu’à la fin de 2019, les investisseurs n’ont-ils pas de bonnes raisons de continuer à parier sur une poursuite de la hausse des marchés? Pour l’expert, cela montre que les banques centrales sont, elles aussi, devenues accros aux liquidités. «Ce n’est pas seulement le patient, soit les marchés, qui est accro aux liquidités mais aussi le médecin, à savoir les banques centrales», estime-t-il. «Au niveau mondial, les banques centrales ont recommencé à imprimer de l’argent. La taille du bilan des banques centrales est à nouveau en expansion», analyse-t-il.

Les taux bas induisent une allocation erronée du capital.

Avec l’arrêt – ou du moins la pause - du processus de resserrement de la politique monétaire des banques centrales, revient-on au scénario «Boucle d’or» («Goldilock») qui a prévalu durant une large partie de la décennie en cours? A court terme, certains peuvent être tentés de s’en réjouir, admet Nick Clays. A plus long terme, il ne faut toutefois pas oublier quelles sont les conséquences négatives d’une très longue période de taux bas, met-il en garde. Premièrement, les taux bas contribuent à accentuer les valorisations des marchés des actions, en particulier dans les secteurs les plus en vogues. Aux Etats-Unis, cela s’est traduit par une hausse spectaculaire des actions regroupées sous l’acronyme de FAANG (Facebook, Apple, Amazon, Netflix, Google) entre fin 2016 et la mi-2018. Le titre de Netflix a ainsi été multiplié par trois durant cette période, tandis que celui de Facebook a pratiquement doublé.

Deuxième conséquence, la très faible volatilité prévalant jusqu’à début 2018, qui a été suivie par une forte augmentation en février de l’an dernier, a fait exploser au passage les fonds qui misaient sur une volatilité toujours orientée à la baisse. Troisième conséquence, encore plus fondamentale, des taux très faibles entraînent une allocation erronée du capital dans des projets qui n’ont pas de justification – et de citer l’exemple en Chine des «cimetières» de vélos de location désormais la plupart abandonnés. Enfin, l’augmentation de la dette des entreprises peut se révéler comme un boomerang sur le long terme pour celles-ci.

Plus de gens meurent au cours de la descente que durant l’ascension.

Plus généralement, Nick Clay estime que beaucoup d’investisseurs font l’erreur d’accorder trop d’importance à la crainte de manquer certaines phases de hausse plutôt que d’éviter avant tout les pires phases de baisse. Un investisseur, qui aurait évité les dix plus mauvais jours en bourse du S&P 500 au cours des 40 dernières années, aurait réalisé une performance supérieure de 160% à l’indice. En manquant les dix meilleurs jours, sa performance aurait été inférieure de 52% à l’indice. «Il faut tenir compte de cette asymétrie. Les valeurs négatives ont un plus grand impact que les valeurs positives. C’est comme en alpinisme, il y a plus de gens qui meurent en redescendant la montagne que durant l’ascension», illustre-t-il.

La régularité des dividendes, facteur clé de performance.

Pour éviter de tels biais, Newton IM mise sur une approche «disciplinée et répétable». Parmi les critères retenus sur le plan fondamental, toutes les actions sélectionnées doivent verser un revenu. Le versement d’un dividende stable sur la durée – pas seulement la croissance des dividendes - est un critère clé pour l’allocation du capital. Au cours des quarante dernières années, les dividendes ont été historiquement le principal contributeur des rendements des actions à la fois aux Etats-Unis et dans des pays comme le Royaume-Uni, la France ou l’Allemagne, cela bien avant l’expansion des multiples. «Une telle approche apporte une discipline dans le choix de vos investissements. Par exemple, à la question de savoir s’il fallait acheter Netflix, nous avons dit non, car la société ne verse pas de dividendes. Et cela quelles que soient les perspectives de croissance de la société», cite-t-il à titre d’exemple. «Notre principe est d’acheter des sociétés de qualité mais à un prix raisonnable», poursuit-il.

Pour autant, Newton IM ne se limite pas à acheter des valeurs défensives peu exposées aux cycles conjoncturels, à l’exemple de la consommation discrétionnaire ou des exploitants d’infrastructures. Parmi ses thèmes favoris actuellement, il y aussi ce que Newton décrit comme les «valeurs technologiques démodées ennuyeuses qui génèrent du cash régulier». «Alors que beaucoup d’investisseurs étaient obsédés par les FAANG ces dernières années, nous avons préféré investir dans des sociétés comme Microsoft – revendue en 2018 – ou Cisco Systems, une société qui génère un free cash flow de l’ordre de 9%», illustre-t-il. Et de citer aussi des sociétés comme Qualcomm, spécialiste des solutions de télécommunications, qui est à même de profiter de l’essor de la 5G. Ou encore Maxim, une société spécialisée dans les semi-conducteurs analogues. Cette société met à disposition des semi-conducteurs qui permettent de convertir des informations, telles que les mesures de température, sous forme de langage informatique. «Dans ces domaines, il est difficile de partir de zéro, cela limite aussi la concurrence potentielle de nouveaux entrants», ajoute-t-il.

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