Marchés APAC et tensions sur la Corée du Nord

Salima Barragan

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«Le risque nord-coréen n’a jamais entravé la bonne marche des affaires en Asie», estime Sean Taylor de DWS.

Les indices boursiers asiatiques ont été quelques peu chahutés suite aux rumeurs puis à l’annulation jeudi passé, par Donald Trump, de la réunion au sommet avec Kim Jong-un prévue ce 12 juin à Singapour. Les récents propos de John Bolton, conseiller à la sécurité nationale américaine, comparant le «modèle Libyen» avec la Corée du Nord, avaient jeté de l’huile sur le feu. Des propos que la maison blanche s’était empressée de réfuter. Pour Sean Taylor, CIO de l’Asie-Pacifique (APAC) chez DWS, les marchés ont sur-réagit à ces événements et la volatilité est davantage liée aux techniques de négociation.

Diminution de la perception du risque du conflit nord-coréen

«Les tensions actuelles sont moins préoccupantes pour les marchés asiatiques qu’il y a quelques années, où nous n’aurions pas imaginé des négociations historiques entre les présidents Moon et Jong-un. Je ne crois pas que ce sont les tensions entre Donald Trump et la Corée du Nord qui sont la cause de la baisse récente des marchés. Si les investisseurs avaient réellement une perception élevée du risque nord-coréen, nous aurions observé une correction significative», estime le fund manager expatrié à Hong Kong. 

Va t’on aboutir à des négociations afin d’éliminer totalement ces risques géopolitiques? Le président Moon redouble d’efforts diplomatiques pour renouer des liens avec son ancien ennemi. Un dialogue portant sur la réunification des deux Corées, pouvant être comparé à l’ostpolitik allemand, est en cours. Mais le projet «du rayon de soleil» sud-coréen s’annonce ardu car les situations macroéconomiques des deux états sont dissemblables. «Une réunification sur le long terme serait difficile car le PIB par habitants est 30 fois moins élevé en Coré de Nord», explique Sean Taylor. Des intérêts géoéconomiques sont en jeu. «Dès le moment où les frontières seront ouvertes, toute la région Asie-Pacifique en profitera. La Corée du Sud ne sera plus une île isolée du continent et la construction de pipeline chinois pourra voir le jour.» 

Les actions sud-coréennes se traitent actuellement avec une décote mais non liée au risque politique. «Ces valorisations sont basses premièrement à cause des gouvernances d’entreprises insuffisantes, puis des politiques économiques, notamment les nouvelles mesures fiscales inefficaces instaurées par Moon, et enfin de la nature cyclique des grosses capitalisations dont les revenus sont irréguliers. De plus, le ratio de paiement des dividendes est très bas. Pour ces raisons, nous sous-pondérons ce marché», explique le gérant.

«Une guerre commerciale ferait souffrir
certains secteurs d’activité.»

En revanche, une guerre commerciale ferait souffrir certains secteurs d’activité. Le profil de rendement du marché asiatique, actuellement de l’ordre de 2,9% (rendement des dividendes) et 20% (rendement total) serait altéré. «Nous devons être plus sélectifs dans les secteurs où nous investissons et nous ajustons les ratings de P/E à cause de ce facteur. Les revenus resterons bons, de l’ordre de 10%, mais pas aussi bons qu’ils auraient pu potentiellement être», regrette Sean Taylor.  

Les flux sur les fonds en actions des pays émergents se montent à 50 milliards depuis le début de l’année. Sean Taylor a noté que «L’Asie achète l’Asie». Le «southband connect», c’est-à-dire la connexion de la Bourse de Hong Kong à celles continentales, va attirer des flux supplémentaires grâce à l’accession des actions A cotées sur la place de Shanghai. La Chine, que le gérant surpondère, sélectionne les investissements qui visent à l’amélioration de la qualité de vie du consommateur domestique. Généralement, l’«asian branding» se traite avec une décote à cause de gouvernances d’entreprises jugées insuffisantes. Mais l’activisme des fonds d’investissement et l’influence de premier ministre japonais Abe vont contribuer à relever les standards des gouvernances d’entreprises asiatiques.