L'investissement durable est-il un processus ou une chose?

Rachel Whittaker, Robeco

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Les investisseurs peinent à définir l'investissement durable, malgré les efforts des régulateurs pour trouver des solutions.

Par rapport à d'autres domaines de la finance (en particulier la comptabilité en partie double), l'investissement durable est relativement nouveau. Par conséquent, il est facile de se perdre dans les définitions et les attentes, en particulier lorsque nous sommes dans une phase où les régulateurs imposent des échéances pour trouver des solutions.

Plusieurs catégories d’approches qualifiaient l’investissement durable comme un «processus» il y a dix ans. Cependant, les investisseurs se concentrons sur les caractéristiques des entreprises aujourd’hui, ce qui signifie que l'investissement durable relève plus d'une «chose».

En effet, toute nouveauté apparaît souvent avec un manque de terminologie et de définitions communément acceptées, si bien que le débat relatif à la définition l'investissement durable est assez normal. Il convient de noter qu'il aura fallu 400 ans pour que la «simple» comptabilité financière en partie double, conceptualisée pour la première fois au XVe siècle par le mathématicien Luca Bartolomeo de Pacioli, évolue vers les normes IFRS (International Financial Reporting Standards) ou GAAP (Generally Accepted Accounting Principles) d'aujourd'hui. Et pourtant, il existe toujours des entreprises qui truquent les comptes et qui trompent les vérificateurs, ce qui montre que les procédures de comptabilité et d'audit, censées être très standardisées, ne règlent pas tous les problèmes.

Dans les premières années de l'investissement durable et responsable, les diverses associations professionnelles et forums de l'investissement social (FIS) pouvaient aider les investisseurs à définir ce qu'est l'investissement durable. À partir des années 1980, avec la création du Forum pour l'investissement durable et responsable aux États-Unis (US SIF) puis d'autres organismes professionnels régionaux, ces associations ont collectivement essayé de rassembler les idées des leaders d'opinion dans le domaine de l'investissement durable, même lorsque celui-ci s'est rapidement développé au début des années 2000.

Après quelques années, certains SIF régionaux ont cessé de considérer comme durables les fonds affichant juste quelques exclusions basiques.
Catégoriser l'investissement durable

Créée en 2012, la Global Sustainable Investment Alliance (GSIA) a publié en 2014 un premier rapport qui a permis de clarifier le paysage mondial de l'investissement durable en classant toutes les approches d'investissement durable en sept catégories : le filtrage négatif, le filtrage basé sur les normes, l'intégration ESG, l'investissement thématique, l'investissement communautaire, l'actionnariat actif et l'approche best-in-class/filtrage positif. Cette étude marquante a donc proposé un cadre compréhensible au marché des fonds d'investissement qui enregistrait une croissance rapide.

Il était évident que différentes approches se caractérisaient par des valeurs et des attentes de rendements différentes, et que diverses approches pouvaient être combinées pour s'adapter à des investisseurs différents. Dans ce contexte, l'investissement était sans nul doute un processus.

Toutes les approches sont-elles égales?

Cependant, définir ces différentes approches avait l'inconvénient de donner de la légitimité aux stratégies d'investissement qui se concentraient davantage sur leur potentiel de performance que sur leurs caractéristiques de durabilité. Ces approches variées méritaient-elles toutes le qualificatif «durable»?

Après quelques années, certains SIF régionaux ont cessé de considérer comme durables les fonds affichant juste quelques exclusions basiques. Ils n'ont cependant pas imposé de normes plus élevées et ont laissé les investisseurs prendre leurs propres décisions, tandis que l'on appelait de plus en plus à mieux identifier les incidences sur le monde réel.

C'est dans ce contexte que sont intervenus les régulateurs européens, sous la surveillance étroite d'autres régions. Les associations professionnelles ont perdu de leur autorité, mais pas forcément leur influence. Car si les régulateurs ont de bonnes intentions, l'élaboration des lois a souvent un train de retard sur l'innovation des industries, tandis que l'adoption trop hâtive de règles peut avoir des complications imprévues et laisser les précurseurs et les prescripteurs se débattre avec les exigences tout en répondant aux besoins de leurs clients.

Partager les bonnes pratiques

Les associations professionnelles ont un rôle à jouer pour aider leurs membres à régler ces problèmes, en favorisant le partage de bonnes pratiques et en transmettant aux régulateurs leurs points de vue sur l'efficacité des réglementations proposées, compte tenu de leur longue expérience de travail avec les investisseurs et les gérants d'actifs. Elles continuent également d'actualiser leurs propres cadres de travail pour évaluer les actifs durables et refléter leurs dernières réflexions.

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