L'âge d'or de l'argent

Imaru Casanova, VanEck

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L’incertitude de la Fed maintient l’or dans la fourchette en janvier; les utilisations industrielles de l’argent pourraient redorer les perspectives du métal.

L’or marque une pause face aux perspectives de taux

L’or a évolué dans une fourchette étroite au cours du premier mois de 2024, atteignant un plancher de 2 006 dollars l’once le 17 janvier, le marché ayant réévalué les chances d’une réduction de la Réserve fédérale américaine (Fed) en mars. La probabilité implicite d’une baisse des taux en mars est passée de 81,5% au début de l’année à 35% à la fin du mois de janvier. L’or s’est maintenu au-dessus de 2 000 $ l’once même si le dollar américain s’est renforcé (l’indice DXY1 était en hausse de 1,92%) et que les rendements ont augmenté, repartant à la hausse depuis son niveau le plus bas pour clôturer à 2 039,52 $ l’once le 31 janvier, en baisse de 23,36 $ ou 1,14% pour le mois.

Les sociétés aurifières s'attendent à d'autres boulversements

Les actions aurifères ont connu un début d’année difficile, avec une nouvelle fois des performances nettement inférieures à celles du métal. L’indice NYSE Arca Gold Miners (GDMNTR) et l’indice MVIS Global Juniors Gold Miners (MVGDXJTR) ont commencé l’année en territoire négatif. Les pertes accrues des actions aurifères par rapport aux lingots d’or s’expliquent, selon nous, par des résultats opérationnels préliminaires décevants fin 2023 et de mauvaises prévisions pour 2024 dans un secteur déjà mal-aimé. Cette piètre opinion à l’égard des actions aurifères s’est traduite par ce que nous considérons généralement comme une survente des actions d’entreprises suite à l’annonce de résultats médiocres, voire légèrement inattendus.

Barrick Gold (5,77% des actifs nets de la stratégie) en est un parfait exemple. La société a annoncé des résultats de production pour le quatrième trimestre et l’ensemble de l’année 2023 inférieurs au consensus du marché et aux prévisions de la société. L’entreprise a également indiqué que les coûts de maintien en activité pour 2023, bien qu’ils n’aient pas été communiqués, seraient également plus élevés que prévu. L’impact direct de ces résultats sur la valorisation de l’entreprise est minime, mais les marchés, à juste titre, ont semblé réviser leurs prévisions pour refléter des perspectives d’exploitation plus négatives. Nous pensons que cela est raisonnable, car il est clair que les résultats négatifs de 2023 pourraient indiquer une faiblesse en 2024. Toutefois, la baisse de 9% du cours de l’action Barrick nous semble exagérée selon nos estimations. En outre, la plupart des analystes (Barrick bénéficie d’une bonne couverture) ont décidé de maintenir inchangés leurs objectifs pour les actions de la société après cette annonce.

Pour être clair, nous ne cherchons pas à trouver des excuses aux entreprises. En dépit des difficultés qu’elles rencontrent, les entreprises doivent s’efforcer d’informer les marchés sur les prévisions opérationnelles et financières annuelles, les attentes et les objectifs qu’elles sont en mesure d’atteindre ou de dépasser. Les échecs sont sévèrement pénalisés. Il nous semble toutefois que le sentiment négatif à l’égard du secteur aurifère dans son ensemble pourrait s’intensifier ces derniers temps.     

La demande physique brille de mille feux

Le Conseil mondial de l’or a fait état d’une demande d’or totale de 4 899 tonnes en 2023, la plus importante jamais enregistrée et dépassant de 3% la demande de 2022. Si l’on exclut les transactions de gré à gré ou les transactions hors marché (une estimation qui tient compte de la différence entre l’offre et la demande d’or), la demande de 2023 était légèrement inférieure (-5%) à celle de 2022, même si elle restait très forte. L’évolution de la dynamique de la demande d’or que nous avons soulignée reste d’actualité: les achats massifs des banques centrales ont été le principal moteur des prix de l’or en 2023, la demande du secteur officiel représentant plus de 20% de la demande d’or totale pour l’année. Les achats nets de 1 037 tonnes en 2023 sont tout juste inférieurs au record de 1 082 tonnes acheté par les banques centrales en 2022, et ils représentent plus du double de la moyenne annuelle des achats nets d’avant 2022, qui était d’environ 500 tonnes d’or par an. Il s’agit d’une tendance impressionnante qui devrait se poursuivre à long terme. En revanche, les avoirs des ETFs mondiaux en lingots d’or ont continué à diminuer en 2023, avec une chute de 244 tonnes, ce qui a conduit la demande totale d’investissement à son plus bas niveau depuis 10 ans, reflétant une fois de plus le désintérêt des investisseurs pour l’or en tant que catégorie d’actifs.


Source: Conseil mondial de l’or. Données en date de décembre 2023.

Lueur d’espoir pour l’argent dans le secteur de l’énergie solaire:?

Le désintérêt des investisseurs ne s’est pas limité à l’or. L’argent, considéré comme le cousin moins coûteux de l'or, a été encore plus durement touché, avec des performances inférieures à celles de l’or au cours des dernières années. Le ratio or-argent (le nombre d’onces d’argent nécessaires pour acheter une once d’or), qui est actuellement d’environ 90, est bien supérieur à la moyenne sur 20 ans, qui est d’environ 68. L’argent, comme l’or, est un métal précieux et, historiquement, un actif refuge, qui repose sur les mêmes fondamentaux que l’or. Cependant, l’argent est également un métal industriel utilisé dans un large éventail d’applications dans l’électronique, la médecine, l’automobile, les appareils électroménagers, les catalyseurs chimiques et, surtout, l’argent joue un rôle essentiel dans la production de cellules solaires.

Le Silver Institute estime que la demande d’argent utilisée dans le photovoltaïque (PV) en 2023 est d’environ 161 millions d’onces, contre 140 millions d’onces en 2022, et représente environ 13% de la demande mondiale totale d’argent.† Cette demande devrait bien sûr continuer à augmenter pour refléter la croissance des installations solaires comme l’une des principales sources d’énergie renouvelable à l’échelle mondiale. D’ici 2028, l’Agence internationale de l’énergie estime que l’énergie solaire photovoltaïque (PV) représentera environ 13% de la capacité totale d’électricité mondiale, contre environ 5% aujourd’hui. Les implications pour l’argent sont évidentes, l’augmentation de la demande d’énergie solaire photovoltaïque au cours des cinq prochaines années et au-delà n’étant probablement pas compensée par une augmentation de l’offre.

Voici quelques chiffres approximatifs pour replacer la situation dans son contexte. En doublant la capacité photovoltaïque d’ici 2028, la demande d’argent pour l’énergie photovoltaïque devrait être plus de deux fois supérieure à celle de 2023, soit plus de 300 millions d’onces d’argent. L’offre mondiale annuelle d’argent n’a guère fluctué au cours des dix dernières années, se maintenant à environ 1 milliard d’onces. Ainsi, la demande croissante des applications solaires est considérable pour une industrie si peu flexible du côté de l’offre.Les gisements d’argent primaire sont non seulement difficiles à trouver, mais également peu exploités. Même lorsqu’une décision d’exploitation est prise, les études techniques, économiques, environnementales et sociales, les autorisations et les exigences réglementaires gouvernementales peuvent prendre jusqu’à dix ans, voire plus, pour être finalisées. L’argent, déjà sous-évalué par rapport à l’or, pourrait bénéficier non seulement d’un rebond pour refléter des multiples plus conformes à la moyenne historique, mais aussi de l’impulsion supplémentaire et croissante de l’énergie solaire.

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