Des averses en avril – 10 graphiques à retenir

Charles-Henry Monchau, Banque Syz

4 minutes de lecture

Revue des marchés et des événements macros du mois écoulé. Entre statistiques contrastées et fin de la tendance haussière du bitcoin, en passant par des complications pour les actions et la chute du yen.

 

Graphique #1: Des chiffres macroéconomiques contrastés

L'indice de surprise économiques américaines de Citi a chuté ce mois-ci, ce qui suggère que de plus en plus de données économiques américaines déçoivent les attentes des économistes. Le déflateur PCE (indicateur d’inflation) a augmenté de manière inattendue à 2,7% en mars (prévu 2,5%), et le PCE de base est resté à 2,8% (prévu 2,7%), marquant une augmentation pour deux mois consécutifs. Le président de la Fed, M. Powell, a déclaré qu'il n'y avait pas eu de progrès significatif en matière d'inflation cette année. Il faudra probablement plus de temps pour «regagner confiance» en matière d'inflation.

La croissance du PIB américain au premier trimestre a été décevante (1,6%), avec une croissance plutôt molle des dépenses personnelles (2,5%), ce qui alimente les craintes de stagflation, où l'inflation augmente mais la croissance s'essouffle. En outre, les conditions financières se sont légèrement resserrées et les liquidités ont diminué.

L'Europe a connu un environnement moins inflationniste que les Etats-Unis, l'inflation de la zone euro étant restée stable en mars à 2,4% en glissement annuel, bien que l'importante composante des services se soit contractée de 30 points de base à 3,7%.


Source: ZeroHedge, Bloomberg

 


Graphique #2: Le marché repousse à nouveau la date attendue pour la première baisse de taux d'intérêt

Au cours du mois d'avril, les attentes du marché concernant le nombre de baisses de taux par la Fed cette année n'a cessé de diminuer, ne prévoyant qu’entre 1 et 2 baisses de taux pour 2024 et retardant la date de la première baisse. Il y a quatre mois, le marché octroyait une probabilité de 3% qu'il n'y ait pas de baisse des taux cette année. Aujourd'hui les marchés ont porté cette probabilité à 36%.

En Europe, les attentes en matière de réduction des taux sont plus favorables en raison de la baisse de l'inflation et d'une croissance économique stable mais qui reste atone. Les marchés s'attendent toujours à ce que la Banque centrale européenne (BCE) réduise ses taux cet été.


Source: CME Group

 


Graphique #3: Les rendements obligataires en hausse

Dans un contexte où une seule baisse des taux est prévue cette année et où les discussions tournent autour d'éventuelles hausses de taux, le rendement des obligations américaines à 10 ans a atteint 4,73%, son plus haut niveau depuis novembre 2023, soit environ 100 points de base au-dessus de son plus bas niveau de décembre. Le rendement des obligations du Trésor à 2 ans a augmenté de 40 points de base pour atteindre 5,0%. L’indice obligataire mondiale Global Aggregate Index a baissé de 2,5% sur le mois.  


Source: Rendements du marché des obligations, J.P. Morgan

 


Graphique #4 : Un mois compliqué pour les marchés d’actions  

Le changement de sentiment du marché a fait d'avril le premier mois de baisse des marchés d’actions depuis le «pivot» de la Réserve fédérale en octobre 2023. Les actions des marchés développés ont reculé de 3,7%, le S&P 500 de 4,1% (sa plus forte perte mensuelle depuis septembre - voir le graphique ci-dessous), le Nasdaq et le Dow de 3% et 4,4% respectivement. Les 7 Magnifiques ont subi leur première perte mensuelle depuis octobre et leur plus mauvaise performance depuis septembre.

Les actions européennes ont surperformé les actions américaines, soutenues par des indicateurs économiques meilleurs que prévu. L'indice PMI composite flash de la zone euro (indice des directeurs d'achat) a atteint 51,4.

Au pays du soleil levant, les actions japonaises ont reculé, perdant une partie de leurs gains des cinq derniers mois, l'élargissement des écarts de taux d'intérêt entre le Japon et les autres pays développés ayant accru les inquiétudes des investisseurs quant à l'inflation importée et à son impact sur la demande intérieure.


Source: Barchart

 


Graphique #5: Un début mitigé pour les résultats des entreprises au premier trimestre

En avril, les grandes entreprises ont publié leurs chiffres du premier trimestre. Dans l'ensemble, les résultats des entreprises ont dépassé les attentes des analystes ce trimestre, favorisés par le fait que le niveau des attentes fixées par le consensus était plutôt faible alors même que l’économie mondiale se porte plutôt bien. Tesla (TSLA), Alphabet (GOOGL), Amazon (AMZN) et Microsoft (MSFT) ont publié des résultats au-dessus des attentes, tandis que Meta Platforms (META) a déçu.

On note toutefois que le marché a puni de manière plus sévère que d’habitude les entreprises qui ont publiés des résultats inférieurs aux prévisions.


Source: BofA

 


Graphique #6: Le yen japonais s'effondre

Le yen japonais a atteint son plus bas niveau depuis les années 90, chutant à 160 par rapport au dollar américain. Malgré les pressions inflationnistes croissantes et une dépréciation continue de leur devise, la Banque du Japon (BoJ) a choisi de maintenir son taux directeur inchangé à 0%-0,1% lors de sa dernière réunion, ce qui est en ligne avec les attentes des économistes. La BoJ est confrontée à un dilemme économique complexe: gérer  un endettement excessif (plus de 250% du PIB) via des politiques monétaires accommodantes alors même que le pays fait face à des pressions inflationnistes.


Source: Bloomberg

 


Graphique #7: Les marchés émergents se redressent

Les actions des marchés émergents ont connu un afflux de fonds record en avril, avec 20,8 milliards de dollars en une semaine, soit le montant le plus élevé de l'histoire. Cet afflux de capitaux a contribué aux performances globalement positives des actions des marchés émergents, qui ont clôturé le mois avec un gain de 0,5% (soit une hausse de 2,8% depuis le début de l’année). La performance des marchés émergents s’explique également par le fort rebond des actions chinoises.


Source: Rendements des marchés boursiers mondiaux, J.P. Morgan

 


Graphique #8: L'impact des tensions géopolitiques sur les matières premières mondiales

Le risque d'escalade au Moyen-Orient a entraîné une flambée des prix des matières premières. L'indice Bloomberg Commodities a augmenté de 2,7% en avril, ce qui en fait la classe d'actifs la plus performante du mois. Les contrats à terme sur le pétrole américain ont dépassé les 85 dollars le baril après l'aggravation des tensions au Moyen-Orient, la révision à la hausse des prévisions de la demande et l'augmentation des risques de perturbation de l'offre. Le cuivre a grimpé d'environ 14% pour atteindre son plus haut niveau en deux ans, soit 10’000 dollars la tonne. Cette flambée s'explique par la crainte que les mines de cuivre mondiales aient du mal à répondre à la prochaine vague de demande émanant des industries vertes. Des acteurs majeurs du secteur, tels que BlackRock et Trafigura, ont prévu des pénuries d'approvisionnement à moins que les prix du cuivre n'augmentent.

En outre, le géant minier BHP Billiton a proposé d'acheter Anglo American pour 39 milliards de dollars. Si la fusion aboutit, BHP-Anglo pourrait contrôler 11% de l'offre mondiale de cuivre extrait, selon Bloomberg.


Source: Bloomberg

 


Graphique #9: L'or comme valeur refuge

Dans un contexte d'incertitudes géopolitiques, l'or a joué son rôle de valeur refuge et de couverture contre l'inflation. Il a atteint des niveaux record, dépassant les 2’400 dollars l'once, avant de se replier. Il semblerait que la banque centrale chinoise continue d’accumuler activement de l'or, dans le but de diversifier ses réserves hors du dollar américain.


Source: FT

 


Graphique #10: Le bitcoin met fin à sa tendance haussière avec la baisse du mois d'avril  

En avril, le bitcoin a clairement inversé sa récente tendance positive, chutant de 15% après sept mois consécutifs de hausse. La baisse de la valeur du bitcoin a coïncidé avec une diminution des flux vers les ETF bitcoin; les flux nets ont été négatifs en avril, à -183 millions de dollars, après des entrées positives substantielles au cours des mois précédents: +4,62 milliards de dollars en mars, +6,03 milliards de dollars en février et +1,47 milliard de dollars en janvier.

Le quatrième Halving du bitcoin a eu lieu le 19 avril 2024. Etant donné que seuls trois Halving ont eu lieu dans l'histoire du bitcoin, les performances passées ne peuvent pas être considérées comme statistiquement significatives. Cependant, historiquement, le Halving a généralement eu un effet très positif sur le prix du bitcoin, en particulier dans les 6 à 9 mois suivant le jour du Halving.


Source: Bloomberg 

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