Des avantages de l'incertitude géopolitique

Anna Rosenberg, Amundi Investment Institute

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Des sources d'opportunités d’investissement peuvent émerger, tant dans le «Sud Global» qu’en Occident.

En cette période d'incertitudes et de conflits croissants, succomber au pessimisme est tentant. Sources de perturbations, les nouvelles dynamiques géopolitiques à l’œuvre peuvent pourtant représenter des sources d'opportunités d’investissement, que ce soit dans le «Sud Global», à l’évidence, mais aussi en Occident.

L'Europe et la discorde sino-américaine

L'Europe, à la croisée des tensions entre la Chine et les Etats-Unis, offre un environnement moins hostile pour Pékin. Les données indiquent que la Chine se désengage manifestement des Etats-Unis depuis 2016. A contrario, ses investissements en Europe reprennent. Le mouvement s’observe en particulier dans des secteurs stratégiques comme la production de batteries et de véhicules électriques.

D'ordre économique, les motivations de Pékin sont n’en sont pas moins créatrices d’emplois et facilitent l'accélération de la transition écologique européenne, par exemple via l’accès à des batteries et véhicules bon marché. Les Européens pourraient également y gagner en termes de relocalisation de chaînes d'approvisionnement.

De même, la Chine pourrait être une destination «plus sûre» pour les investisseurs européens que pour leurs homologues américains. Sa dépendance économique interdit à l’Europe de rompre totalement avec la Chine, d’autant que l’adoption de l’Inflation Reduction Act a intensifié la concurrence commerciale avec les États-Unis.

Le Sud global

Une cohorte de gagnants émerge également dans le «Sud global». Ils sont de trois types: les pays qui bénéficient des relocalisations, ceux qui tirent parti des nouveaux enjeux en matière de défense et ceux qui gagnent en influence dans un monde plus multipolaire.

Dans le premier groupe, certains tirent avantage de la réorganisation des chaînes d’approvisionnement à l’écart de la Chine et à la Russie. C’est le cas de la Malaisie et du Viet Nam pour le réacheminement du transport maritime. D’autres, comme le Maroc ou le Mexique, bénéficient des efforts de diversification de la Chine pour mieux servir les marchés occidentaux. Parallèlement, la recherche d’une moindre dépendance vis-à-vis de la Chine réoriente des investissements dans les technologies de pointes vers le Japon et la Corée du Sud.

Les économies axées sur les matières premières, quant à elles, entendent diversifier leurs exportations, par exemple en progressant au sein des chaînes de valeur par la production de biens intermédiaires. L'Indonésie, par l’interdiction des exportations de nickel brut, veut inciter les investissements étrangers directs dans ses fonderies et développer ses exports de matériaux transformés. Le pays projette par ailleurs de créer sa propre industrie de batteries pour véhicules électriques.

Concernant les enjeux de sécurité, leurs répercussions dépassent le secteur de la défense. Si la guerre en Ukraine a stimulé les exportations agricoles et d’énergie des Etats-Unis, Washington garantit souvent aux pays signataires de nouveaux traités de sécurité des investissements dans d’autres secteurs que celui de la défense. Les engagements annexes vis-à-vis des Philippines en échange de l’accueil de bases militaires américaines, par exemple, sont significatifs.

Pour finir, de nouveaux pôles d’influence émergent à l’échelle mondiale. Citons simplement l'Inde et son abondante moisson d’accords dans les technologies et l'énergie verte. Nouveau partenaire prioritaire des Etats-Unis en Asie, le pays dispose désormais d’un réel levier de négociation.

Entre prudence et confiance

Investisseurs et entreprises se méfient à raison de l’ampleur et de la durée des désordres géopolitiques actuels. Ils bouleversent les partenariats et les flux établis, menacent de déboucher sur de nouveaux conflits. Les investisseurs avisés, cependant, identifieront les opportunités que dessine le réalignement géopolitique mondial. 

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