Abondance de biens... peut nuire

Yvan Roduit, Raiffeisen Suisse

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Les marchés se trouvent dans une phase de privation sévère et il faudra avoir de la patience et des nerfs d’acier.

Le problème avec l’abondance – notamment monétaire – c’est qu’elle finit toujours par prendre fin un jour. En l’espace de quelques mois, les banques centrales ont resserré le robinet à argent et augmenté leurs taux directeurs, faisant par la même occasion des victimes au sein du secteur financier. Et ce n’est probablement pas fini.

Il était prévisible et pourtant: le revirement abrupt des taux ne s’est pas fait sans conséquences sur les marchés financiers. La banque californienne Silicon Valley Bank (SVB) et la Singular Bank ont dû se déclarer en insolvabilité et ont été placées sous la surveillance des autorités. Et plus récemment, c’est la chute de Credit Suisse qui a constitué une mauvaise surprise pour le monde bancaire. C’est ainsi que, en quelques jours, l’histoire vieille de 167 ans de la banque d’Alfred Escher a pris fin de manière subite le 19 mars en raison des sorties massives de fonds de la clientèle. Malgré les interventions publiques qui se veulent rassurantes, l’environnement d’investissement reste incertain et imprévisible.

«Don’t fight the central banks»

Les investisseuses et investisseurs devraient tirer trois conclusions de la situation actuelle. Premièrement, «Don’t fight the central banks». Rien ne sert en effet d’essayer d’être plus malin que les banquiers centraux: il faut faire avec la nouvelle donne. Une approche défensive doit donc succéder à l’avidité alimentée par les liquidités abondantes.

Les répercussions du revirement des taux d’intérêt sur l’économie ne se sont probablement pas encore entièrement fait sentir. Les turbulences bancaires ne constituent qu’un premier avertissement.

Deuxièmement, investir et spéculer à long terme sont deux choses complètement différentes. Certains investisseurs ont acheté les actions de Credit Suisse peu avant sa chute malgré le fait que la banque était dans une mauvaise passe. C’était un pari spéculatif sur une éventuelle inversion de la situation. L’avenir leur a finalement donné tort. Il n’y a plus qu’à se montrer patient et regarder sur le long terme. Troisièmement: l’importance d’une large diversification. Depuis l’annonce de la reprise de Credit Suisse par UBS, l’action Credit Suisse a perdu près de 60% tandis que le Swiss Performance Index (SPI) a augmenté de 1%, et ce, bien que l’action de la banque fasse également partie de l’indice.

Quelle place pour l’or dans le portefeuille des investisseurs?

Le revirement des taux d’intérêt est donc à double tranchant pour les investisseuses et investisseurs. La fin des taux d’intérêt négatifs est salutaire et génère de nouvelles opportunités de rendement, notamment pour les obligations. De plus, les taux d’intérêt élevés entraînent des corrections de valeur. Une grande partie de cette correction s’est déjà amorcée en 2022. Il est toutefois probable que les répercussions du revirement des taux d’intérêt sur l’économie ne se soient pas encore entièrement fait sentir. Les turbulences dans le secteur bancaire ne constituent qu’un premier avertissement. Les incertitudes restent élevées et la volatilité élevée devrait continuée à régner sur les marchés financiers.

Il faudra donc s’habituer à la nouvelle situation sur les marchés. Depuis la fin de la crise financière de 2008-2009, les marchés ont constamment été sous la coupe des banques centrales en raison de l’abondance de liquidités. A présent, ils se trouvent dans une phase de privation sévère et il faudra avoir de la patience et des nerfs d’acier. Le sevrage risque d’être douloureux.

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