2024, l’année «Voldemort»

Emmanuel Garessus

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Au sein des 10 plus grands risques de 2024 du groupe de conseil Eurasia, les Etats-Unis représentent le plus grand risque macro, devant le Moyen-Orient et l’Ukraine.

©Keystone

 

Les crises s’accumulent dans le monde. 2024 promet d’être «une année sans nom», une année «Voldemort» ou une «annus horribilis». Elle sera marquée par des guerres, une multitude d’élections importantes et des progrès de l’intelligence artificielle qui risquent d’être plus rapides que son accompagnement réglementaire, selon l’analyse des 10 plus grands risques 2024 d’Eurasia Group, présentée lundi soir.

Cette situation est le résultat d’un monde sans leadership global, selon cette société américaine de conseil macroéconomique fondée par le politologue Ian Bremmer, auteur du bestseller Us vs Them: The Failure of Globalism , et présidée par l’ancien haut fonctionnaire Cliff Kupchan.

Les états-Unis face à eux-mêmes

En 2024, le risque numéro 1 est étrangement appelé: «Les Etats-Unis face à eux-mêmes». Le système politique américaine est celui qui fonctionne le plus mal de toutes les grandes démocraties occidentales, selon les auteurs. La situation va empirer cette année. L’élection présidentielle devrait accroître les divisions internes. Elle devrait tester les fondements démocratiques des Etats-Unis comme jamais. La confiance dans les institutions est au plus bas et continue d’ailleurs son déclin. La perspective d’une élection de Donald Trump devrait affaiblir la position des Etats-Unis sur la scène internationale autant que l’état de droit et l’équilibre des pouvoirs. Pour l’étranger, le pays deviendrait imprévisible, y compris sur le plan de la politique étrangère, et la décentralisation politique du pays n’arrange rien. La question fondamentale se posera de la stabilité des Etats-Unis en tant que pays d’accueil des investissements internationaux et en tant que partenaire fiable.

«Cette situation est le résultat d’un monde sans leadership global.»

Le Moyen-Orient est au bord de l’explosion. C’est le 2e plus grand risque, selon Eurasia. Même si personne n’a intérêt à un élargissement du conflit entre Israël et le Hamas, il suffit d’une étincelle pour que la région ne s’embrase et ne s’élargisse à d’autres parties.

La partition de l’Ukraine figure au 3e rang. Même si l’invasion de l’Ukraine par la Russie se révèle un échec majeur pour Vladimir Poutine, puisqu’il s’est traduit par une multitude de sanctions contre la Russie, à l’élargissement de l’OTAN et à l’ouverture du processus d’adhésion de l’Ukraine à l’UE, on risque une partition de l’Ukraine. En 2024, le conflit atteint un point d’inflexion. Si Kiev ne parvient pas à résoudre ses défis militaires et logistiques, la partition du pays pourrait devenir permanente. Pour cette raison, l’Ukraine pourrait accepter davantage de risques militaires et prendre pour cible des territoires russes. Une contre-réponse pourrait amener l’OTAN à s’immiscer directement dans le conflit.

Le risque de l’intelligence artificielle

Une intelligence artificielle (IA) hors de contrôle. Tel est le 4e plus grand risque, selon Eurasia Group. Les innovations vont plus vite que les efforts de gouvernance de cette technologie. La politique du plus petit dénominateur commun en matière réglementaire n’est pas la bonne solution. Les auteurs proposent la création de l’équivalent du GIECC et adaptée cette fois à l’IA. Le risque pour les instances politiques internationales de délaisser l’idée d’une solide réglementation de l’IA est évident dans un contexte de conflits militaires et de risques économiques.

L’«axe d’Etats voyous» se place au 5e rang du Top 10 des risques. La Russie, la Corée du Nord et l’Iran coopèrent de plus en plus. Ce sont, selon Eurasia, les agents du chaos dans l’ordre mondial actuel.

La perspective d’une élection de Donald Trump devrait affaiblir la position des Etats-Unis sur la scène internationale autant que l’état de droit et l’équilibre des pouvoirs.

L’absence de reprise économique en Chine est un risque majeur. Il était placé au 2e rang du Top 10 des risques de 2023 et glisse au 6e rang pour 2024. L’incapacité de Pékin de réformer son modèle de croissance accroît les craintes d’instabilité sociale dans l’Empire du Milieu. L’économie chinoise devrait sous-performer en 2024. Mais à plus long terme, la lenteur du gouvernement à réagir aux défis actuels crée des risques majeurs.

Les risques suivants sont davantage d’ordre économique. Le 7e plus grand risque est celui de la lutte pour les matières premières critiques, c’est-à-dire celles qui s’avèrent essentielles pour la transition énergétique. Plusieurs d’entre elles sont fortement concentrées dans un petit nombre de pays producteurs, comme le cobalt au Congo, le lithium en Australie, le nickel en Indonésie et les terres rares en Chine.

Avec une inflation qui continue de déployer ses effets, l’absence de droit à l’erreur est le 8e plus grand risque, aux yeux d’Eurasia Group. Avec des taux d’intérêt plus élevés et une marge de manoeuvre budgétaire très réduite pour soutenir la croissance, le risque de stress financier, de troubles sociaux et d’instabilité politique s’est nettement accru.

Au premier semestre 2024, le retour du phénomène climatique El Nino, qui se caractérise par des températures plus élevées, pourrait causer des événements extrêmes. C’est le 9e plus grand risque.

Les décideurs économiques se trouveront de plus en plus dans une situation de perdant/perdant face au risque réglementaire et à l’incertitude politique. C’est le 10e plus grand risque. Les questions de diversité se sont introduites dans les débats au sein des directions des entreprises. Mais les réponses politiques diffèrent d’un Etat à l’autre. Il devint très difficile pour une entreprise de présenter une stratégie globale cohérente. Ce sera clairement le cas aux Etats-Unis entre les Etats dominés par les Démocrates et ceux gérés par des Républicains.

En 2023, les plus grands risques, selon Eurasia étaient: la Russie, la Chine, les armes «de disruption» massive (technologiques), et l’inflation.