«Un contexte éminemment favorable à l’investissement»

Cyril Gomez

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Pour Stéphane Barbier de la Serre (Makor Capital) et S&P Dow Jones Indices, il est essentiel de garder un pied dans le marché en vue du futur rebond.

Stéphane Barbier de la Serre, Macro Strategist chez Makor Capital à Genève

Mardi, les grands indices tentaient timidement de récupérer une partie des pertes massives et record enregistrées la veille. Timidement en effet, dès lors que les traders se retrouvent face une question épineuse. Signal liminaire d’une panique qui ne semble pas prête de s’apaiser, le fournisseur d’indices S&P Dow Jones Indices, invoquant l’extrême volatilité, a annoncé en début de semaine le report à une date ultérieure du rebalancement trimestriel des composants de ces principaux indices de référence. Peut-on entrer, maintenant, dans un marché qui a effacé un ou deux ans de progression boursière ou est-il préférable de patienter, afin de ne pas être pris au piège de la valeur?

Pour Stephen Innes, Chief Market Strategist chez AxiCorp, société australienne de services de trading en ligne, cité mardi par Market Watch, non seulement la crise actuelle du coronavirus n’est pas comparable à la Grande Crise Financière de 2008 mais elle est pire. «Durant le krach de Lehman Brothers en 2008, la vie poursuivait son cours, en dehors du secteur financier», se souvient le stratégiste. «Les restaurants continuaient d’enregistrer des réservations, on appelait le taxi, les magasins étaient remplis. Cette fois-ci, le monde entier est sur le point de mettre la clef sous la porte», craint Stephen Innes. Pour qui le bear market actuel est là pour durer.

Les marchés développés profiteront des plans
de relance budgétaires planétaires qui se profilent à l’horizon.

Stéphane Barbier de la Serre, Macro Strategist chez Makor Capital, à Genève, se veut plus constructif. Lui qui avait pourtant prédit, dès janvier, lors des premiers signes de propagation du coronavirus, une «dévastation» majeure des marchés financiers. «A l’instant T, l’analyse au sens strict du terme est temporairement inopérante», prévient-il. «Mais l’expérience, soit le nom que les hommes donnent à leurs erreurs, selon Oscar Wilde, m’amène précisément à penser que ce genre de contexte est éminemment favorable à l’investissement, au sens noble du terme tout du moins, par opposition à l’agiotage à courte vue que pratiquent au fond la plupart des spéculateurs», estime Stéphane Barbier de la Serre, contacté par Allnews.

«En clair, ce à quoi nous assistons n’est pas tant un flight to safety qu’un flight to cash et il faut donc arbitrer un tel trou d’air», poursuit le stratégiste. «Concrètement, cela veut dire commencer à revenir progressivement vers les actifs à risque liquides, ce qui exclut le high yield et autres fanfreluches qui, au vent mauvais, ne valent que ce quelles votent…» Stéphane Barbier de la Serre recommande ainsi de «revenir sur les blue chips» des marchés développés, voire des marchés émergents également, «qui, par-delà le stress de l’heure, profiteront, dans la distance et la durée, du plan de relance budgétaire tectonique qui se profile à l’horizon planétaire».

En attendant, l’investisseur devra probablement faire face à des «flots agités, voire démontés», avertit l’expert de Makor Capital. «Les plus beaux et nobles poissons ne se pêchent-ils pas dans les brisants d’équinoxe?» lance-t-il. Stéphane Barbier de la Serre insiste toutefois sur le fait qu’il ne s’agit nullement de faire du market timing, ni sur la base de prétendus plus bas qu’auraient atteint les actifs risqués ni sur celle de pics éventuels auxquels auraient abouti les actifs refuges. «Le market timing est superflu durant les phases de liquidations». 

L’analyse de Chris Bennett, Directeur de l’Index Investment Strategy chez S&P Dow Jones Indices (S&P DJI), va dans ce sens. Selon lui, la tendance de marché historique demeure positive. Les périodes de cinq et dix ans durant lesquelles le S&P 500 a enregistré des performances négatives sont extrêmement rares, quelles que soient les dates auxquels l’on se positionne.

«Miser sur le fait qu’il y aura un rebond
est un pari relativement raisonnable.»

«Le sentiment de court terme peut varier d’un jour à l’autre, voire d’heure en heure, selon une panoplie de facteurs, mais le marché a historiquement monté beaucoup plus souvent qu’il n’a décliné», observe l’analyste de S&P DJI. «Ce que cela signifie est que les mauvais jours ou les périodes volatiles tendent à n’être que des dislocations temporaires plutôt que des changements radicaux», poursuit Chris Bennett. Qui précise que, mises à part les crises financières de 1987 et de 2008, le nombre de jours séparant les pires chutes enregistrées en un jour des reprises durables des grands indices boursiers va de 2 à 29 jours.

Après la chute de 20,47% du S&P 500 le 19 octobre 1987 et celle de 8,79% le 29 septembre 2008, le nombre de jours qu’il a fallu attendre avant de voir l’indice de référence durablement rebondir est de 255 et 394 jours, respectivement. «Il est clair que les performances passées ne sont pas un indicateur certain des résultats futurs», tempère Chris Bennett. 

«Notre objectif n’est pas de déclarer que le marché aurait atteint un creux ou de prédire des mouvements de court terme, mais de souligner ce que l’histoire nous dit.» Selon lui, le seul moyen de capturer ces rebonds futurs n’est pas de faire du timing en essayant de déterminer quand exactement le rebond devrait se matérialiser, mais simplement de garder un pied dans le marché. «Timer le rebond est une pure perte de temps, mais miser sur le fait qu’il y aura un rebond est un pari relativement raisonnable», conclut Chris Bennett.

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