L’OMC met la pression sur les ministres pour réformer le système commercial

AWP

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Sur fond de tensions géopolitiques omniprésentes, la directrice générale Ngozi Okonjo-Iweala a rappelé qu’il fallait s’attendre à un abaissement des prévisions pour le commerce mondial de marchandises.

«Il faut réformer le système commercial multilatéral», tel est le message lancé lundi par l’OMC au premier jour de sa grande réunion ministérielle à Abou Dhabi, même si aucune avancée majeure n’est attendue en raison des divergences.

«L’incertitude et l’instabilité sont omniprésentes», a déclaré la directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce, la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala, à l’ouverture de la 13e Conférence ministérielle dans la capitale des Emirats arabes unis.

Réitérant sa mise en garde contre une «fragmentation» du commerce international menacé par les tensions géopolitiques, elle a redit aux journalistes - comme elle l’avait fait en janvier - s’attendre à un abaissement des prévisions de l’OMC pour le commerce mondial de marchandises, sans donner de chiffre. Initialement, l’OMC s’attendait à un rebond à 3,3%.

Face à un multilatéralisme «attaqué de toutes parts», Mme Okonjo-Iweala a appelé la communauté internationale à une plus grande «coopération» et à «réformer le système commercial international».

Ouvrant la conférence, le ministre d’Etat émirati au Commerce extérieur, Thani al-Zeyoudi, a aussi fait le voeu que la réunion soit «une rampe de lancement (...) pour la réforme de l’OMC».

Les négociations se tiennent à huis clos mais l’OMC a publié des déclarations filmées. «Le monde a changé, et les institutions telles que l’OMC doivent évoluer elles aussi. Mais cela ne signifie pas que l’OMC soit obsolète. Au contraire, c’est précisément la raison pour laquelle nous devons faire avancer l’indispensable réforme de l’Organisation», y déclare le commissaire européen au Commerce, Valdis Dombrovskis.

En 2022, les 164 membres de l’OMC avaient décidé d’entamer des discussions pour réformer l’organisation, afin d’améliorer son efficacité mais aussi surtout pour remettre en état de marche, avant la fin 2024, son système de règlement des conflits commerciaux.

L’organe d’appel de ce mécanisme est dysfonctionnel depuis fin 2019 suite au blocage par les Etats-Unis du renouvellement des juges, une pratique initiée sous l’administration de Barack Obama et que Donald Trump et Joe Biden ont poursuivie.

Mais Mme Okonjo-Iweala a souligné que l’engagement de l’administration Biden auprès de l’OMC était «constructif». «Est-ce qu’il y a un manque de leadership (des Américains)? Je ne le pense pas», a-t-elle dit.

Après la ministérielle

Sur la réforme, un projet de texte est sur la table mais pour l’instant la question de la phase d’appel n’y figure pas. Elle devra être traitée après la ministérielle, créant une certaine impatience chez certains pays.

L’OMC «doit rétablir un système de règlement des différends pleinement opérationnel et qui fonctionne bien afin de préserver le droit des membres à défendre leurs propres intérêts», a lancé le ministre du Commerce chinois, Wang Wentao, dans son message vidéo.

Les pays espèrent qu’Abou Dhabi puisse au moins jeter une feuille de route pour la réforme.

Cette ministérielle est vue comme la dernière possibilité de faire avancer les discussions sur la réforme avant une possible nouvelle élection de Donald Trump, qui durant son premier mandat avait lancé une guerre commerciale avec la Chine, bloqué la capacité de l’organisation à trancher les litiges commerciaux et menacé de la quitter.

«Nul besoin de vous rappeler à quel point il a été important pour nous tous de prendre l’engagement, à la dernière Conférence ministérielle, d’oeuvrer à la réforme nécessaire», a déclaré la représentante américaine au Commerce (USTR), Katherine Tai, à la conférence.

«Je sais que nos équipes ont travaillé sans relâche depuis lors, je tiens également à souligner le fait que la réforme figure clairement à l’ordre du jour cette semaine - ce qui en dit long», a-t-elle assuré.

Mais selon Marcelo Olarreaga, professeur à la Faculté d’économie de l’Université de Genève, avec les élections américaines cette année, «on ne peut pas s’attendre à des énormes concessions des Etats-Unis dans quoi que ce soit à l’OMC. L’administration Biden ne peut pas se permettre de faire des concessions énormes».

Il y a deux ans, l’OMC avait vu naître la volonté de réformer l’OMC et des accords sur la pêche et les brevets des vaccins anti-Covid, et Mme Okonjo-Iweala a appelé les pays à reproduire ce «miracle» malgré les nombreux «vents contraires» économiques et politiques.

Si les négociations sur les sujets majeurs comme la pêche, le commerce électronique et l’agriculture restent vives, des petites avancées sont attendues, notamment sur l’aide aux pays les plus pauvres, tandis que deux pays, classés parmi les plus pauvres, ont signé leur adhésion à l’OMC: les Comores et le Timor-Oriental.

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