Finance pour le climat: des ambitions affichées, mais des progrès à petits pas

AWP

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Le nouveau président de la Banque mondiale, Ajay Banga, a porté la nécessité d’une institution plus efficace et plus grosse pour une nouvelle feuille de route plus ambitieuse: «éradiquer la pauvreté sur une planète vivable».

La réforme des institutions financières internationales pour mieux faire face aux défis mondiaux comme le changement climatique est au coeur des discours cette semaine à Marrakech, mais elle avance à pas comptés, suscitant l’impatience des défenseurs de l’environnement.

La réunion annuelle de la Banque mondiale (BM) et du Fonds monétaire internationale (FMI) au Maroc est l’occasion de réaffirmer la nécessité de réformer ces institutions nées dans les cendres de la Seconde Guerre mondiale.

Le nouveau président de la BM Ajay Banga a porté la nécessité d’une institution plus efficace et plus grosse pour une nouvelle feuille de route plus ambitieuse: «éradiquer la pauvreté sur une planète vivable».

Il espère «quelque 150 milliards de capacité de financement supplémentaire au cours de cette décennie» et veut ensuite se tourner vers ses actionnaires - les États - pour faire encore grossir la banque.

Des réformes techniques doivent déjà permettre de dégager plus d’argent en optimisant ses ressources existantes, mais la suite prendra du temps.

Le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire a défendu «une approche étape par étape», avec d’abord une évaluation des besoins de la BM, puis «une augmentation de capital hybride», combinaison de dette et de capitaux propres. «La troisième étape, mais qui n’interviendra pas avant au plus tôt 2025, c’est une augmentation globale du capital de la BM», estime-t-il.

Un calendrier trop lent au regard de l’urgence climatique, estiment certains. «On en est toujours au round d’observation», déplore à Marrakech Oscar Soria, directeur de campagne de l’ONG Avaaz.

«Les choses n’avancent pas assez vite. On voit des progrès concrets et c’est bien, mais il faut beaucoup plus d’ambition», plaide Friederike Röder, de Global Citizen.

En revanche, les observateurs espéraient des avancées sur des questions de gouvernance, comme une possible admission formelle dans les institutions du FMI du groupe du V20, groupement de plus de 68 pays vulnérables au changement climatique.

«Vraie dichotomie»

Une admissions qui représenterait «plus que juste avoir un siège à la table et de donner une voix aux vulnérables», pour le ministre des Finances ghanéen et président du V20, Ken Ofori-Atta.

Il vante l’expérience du groupe «sur l’interconnexion des questions de climat, dette et développement».

Autre sujet sensible, le financement de la Banque mondiale en faveur des énergies fossiles, dont les militants de la cause climatique à Marrakech demandent la fin en manifestant régulièrement devant le centre de conférence.

«Il y a une vraie dichotomie entre ce que la Banque prétend faire et fait vraiment sur le terrain», regrette Rebecca Thissen, de Climate Action Network.

Interpellé à plusieurs reprises sur ce soutien paradoxal, Ajay Banga a assuré que les investissements directs s’étaient limités l’an dernier à 170 millions de dollars en faveur du gaz, sur 120 milliards d’engagements.

Il a défendu au passage le rôle - «un tout petit rôle» - du gaz dans la transition énergétique. Ce dernier émet en effet moins de gaz à effet de serre que le charbon et le pétrole, même si les défenseurs de l’environnement estiment que son bilan climatique réel est plombé par les fuites de méthane.

«Il faut évidement investir en priorité dans les énergies renouvelables et penser aussi à comment garantir l’accès à l’électricité et à l’énergie aux populations», plaide Rebecca Thissen, critique au sujet de cette défense du gaz par Ajay Banga.

Les investissements directs seraient aussi l’arbre qui cache la forêt: selon l’ONG allemande Urgewald, l’institution de Washington a permis en réalité de fournir 3,7 milliards de dollars à destination du secteur pétrolier et gazier l’an dernier.

 

FMI et Banque mondiale réclament des fonds contre la pauvreté et pour le climat

Les dirigeants du FMI et de la Banque mondiale (BM) ont réclamé vendredi des financements supplémentaires auprès de leurs Etats actionnaires afin de mieux aider certains pays à combattre la pauvreté et le changement climatique.

«Nous sommes confrontés à un recul des progrès dans notre combat contre la pauvreté», a déploré le président de la BM, Ajay Banga, à l’occasion des assemblées annuelles des institutions de Washington, qui se tiennent à Marrakech (Maroc), une première sur le sol africain depuis 1973.

«Nous sommes confrontés à une crise climatique existentielle, à l’insécurité alimentaire, à des fragilités, à une reprise post-pandémie qui en est à ses débuts et nous ressentons tous les effets des conflits, bien au-delà des lignes de front», a-t-il dit dans un discours prononcé à l’occasion de la séance plénière de la BM.

Il estime certes pouvoir débloquer quelque 150 milliards de capacité de financement supplémentaire au cours de cette décennie. Mais il a réclamé plus, en particulier pour abonder l’Association internationale de développement (IDA), la structure de la Banque mondiale qui aide les pays les plus pauvres.

«Aucune ingénierie financière créative ne compensera le fait que nous avons tout simplement besoin de plus de financements», a-t-il plaidé.

Il a demandé que le prochain renflouement de l’IDA - dont les pays donateurs se retrouvent tous les trois ans - soit «le plus important de tous les temps».

La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva, a de son côté réclamé «de toute urgence» un renforcement du Fonds via une augmentation des quotes-parts - l’argent que les pays membres apportent en fonction de la taille de leur économie.

La capacité du FMI à prêter à taux zéro à ses membres les plus pauvres doit aussi être renforcée, a-t-elle demandé.

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