Pour Adam Wheeler, expert chez Barings, le marché de la dette privée va continuer de croître car celle-ci se substitue toujours plus à l’activité de prêts des banques.
Comment les marchés privés réagissent-ils dans un environnement caractérisé par une forte augmentation des taux d’intérêt depuis plus d’un an? Le point avec Adam Wheeler, co-directeur de la finance privée globale chez Barings.
Le contexte inflationniste influence le secteur de la dette privée de différentes façons. Cela peut être via la hausse des salaires, qui influence les coûts des entreprises. La capacité des entreprises à répercuter les augmentations des prix des intrants est aussi un facteur déterminant sur l’évolution de leur profitabilité. Dans l’ensemble, je dirais que l’augmentation des taux d’intérêt n’a pas encore déployé l’entier de ses effets sur les entreprises, que ce soit en matière des coûts de l’emprunt ou des charges résultant du service de la dette. A mon avis, ces effets vont commencer à se faire vraiment ressentir seulement à partir du premier ou deuxième trimestre 2023. En tant qu’investisseurs dans la dette privée, nous sommes toutefois bien positionnés chez Barings pour y faire face, notamment parce que nous investissons avec un levier modéré.
Oui, je dirais qu’il faut compter avec un certain délai. La hausse des taux d’intérêt ne produit véritablement ses effets qu’au cours des 3 à 6 mois qui suivent l’augmentation des taux.
Dans la dette privée, les prix évoluent de façon plus lente que sur les marchés publics. Et il faut s’attendre aussi à ce que l’on assiste à une détérioration pour une partie des actifs non cotés en bourse. Pour autant, cette correction ne devrait pas être aussi importante que celle qui a été observée pour les marchés publics, notamment en ce qui concerne certaines catégories d’actifs comme la dette à haut rendement («high yield»).
Notre approche d’investissement ne se base pas sur des branches ou des industries spécifiques. Elle consiste avant tout à prêter de l’argent à des entreprises qui soient suffisamment résilientes pour pouvoir traverser l’entier d’un cycle économique. Nous mettons l’accent sur des entreprises qui sont à même de générer des revenus prévisibles et stables. C’est le cas par exemple pour des sociétés issues de secteurs tels que la santé, la sécurité informatique ou des entreprises qui fournissent des services indispensables à d’autres entreprises.
Actuellement, nous évitons des sociétés qui sont présentes dans des activités trop cycliques ou qui dépendent trop de l’évolution des dépenses des consommateurs. Nous recherchons des entreprises qui disposent d’une base de coûts suffisamment flexible pour s’adapter à l’évolution de la conjoncture. Nous évitons ainsi les entreprises industrielles qui ont une base de coûts élevée.
Je pense que le marché de la dette privée va continuer de croître. Cela notamment en raison du fait que la dette privée est une source de financement qui remplace en partie l’activité de prêts par les banques. Aux Etats-Unis, on observe déjà cet effet de substitution. En Europe, je pense que l’on assistera à une évolution similaire.
Il s’agit toujours en premier lieu d’investisseurs institutionnels tels que des caisses de pension, des family offices ou de certaines banques privées.
En investissant dans la dette privée, il faut être conscient qu’il s’agit d’une classe d’actifs en partie illiquide – il faut être capable d’anticiper correctement les délais de remboursement. On voit désormais aussi des offres qui s’adressent à la clientèle de détail mais il s’agit dans ce cas avant tout de plateformes qui agrègent d’abord des fonds de la part d’investisseurs individuels, qui les investissent, puis qui les redistribuent ensuite à ces clients individuels en fonction de l’argent que ces derniers ont investi. Je ne pense que pas que la dette privée va devenir largement accessible la clientèle de la banque de détail.