Les marchés vont se rééquilibrer

Salima Barragan

3 minutes de lecture

Les actions en retard de performance reviendront sur le devant de la scène, estime Charles-Henry Monchau de la banque Syz.

Covid en 2020, invasion de l’Ukraine en 2022, guerre au Moyen-Orient en 2023, que nous réservera cette nouvelle année? À l’heure des prévisions macroéconomiques, une pléthore de préoccupations géopolitiques persiste. Se pose aussi la question de savoir si certaines régions tomberont en récession. Durant cette semaine, 5 experts chevronnés partageront leur stratégie d’investissement pour 2024. L’équipe d’Allnews vous adresse ses meilleurs vœux autour de 5 points clés.

Les actualités relatives aux conflits armés ou aux déficits fiscaux ne sont guère réjouissantes. Mais d’un autre côté, le rythme des innovations technologiques n’a jamais été aussi dynamique: robotique, intelligence artificielle, transition énergétique, génome humain, stockage des déchets énergétiques. «Ces percées amélioreront la productivité et stimuleront la croissance», souligne Charles-Henry Monchau. Le CIO de la banque Syz s’attend à un rééquilibrage des performances boursières suite à 2023, où seuls quelques géants technologiques ont mené les indices. Les valeurs défensives seront privilégiées lors des premiers mois de 2024, avant le retour de l’appétence au risque plus tard dans l’année, profitant aux petites et moyennes capitalisations, y compris dans le secteur de la technologie.

Quelles sont vos principales préoccupations pour cette nouvelle année?

Nous l’entamons dans un environnement Goldilock; à savoir une inflation modérée accompagnée d’un atterrissage en douceur de l’économie, avec la perspective de baisses des taux directeurs de la Réserve fédérale. Cependant, nous ne pouvons écarter de mauvaises surprises vis-à-vis de nos attentes: un atterrissage brutal pourrait créer des stress de marché. Le renchérissement pourrait également ressurgir, empêchant les banques centrales de couper les taux d’intérêt aussi agressivement qu’anticipé par les marchés.

Les cycles de hausse de taux d’intérêt exempts d’accident financier sont très rares. Les taux élevés constituent une épée de Damoclès et il est possible que les effets retardés de la montée des taux aient des effets négatifs sur un hedge fund, une banque ou encore du côté du consommateur. Autre préoccupation: l’endettement des États. Le marché pourrait exiger une prime de risque plus élevée en raison de l’augmentation de la dette souveraine qui atteint des niveaux records.

«A posteriori, l’allocation idéale en 2023 consistait à être investi 50% en liquidité et 50% sur le Nasdaq 100. 2024 devrait être différente.»

Le Royaume-Uni est un précurseur de ce qui pourrait arriver ailleurs; souvenez-vous de la crise des fonds de pension lors de l’été 2022. Un stress souverain pourrait se reproduire aux États-Unis, en Europe ou au Japon.

Il ne faut pas éluder les élections présidentielles américaines à haut risque. Les années électorales sont en général favorables aux marchés. Mais dans le cas présent, aucun des deux candidats ne convainc; ce qui ne manquera pas de créer de la volatilité. Nous pouvons imaginer que les républicains profitent de leur mainmise sur le Congrès pour freiner les mesures de relance fiscale, et ce afin de ralentir l’économie dans le but d’empêcher la réélection du Parti démocrate. Enfin, l’Administration Biden avait sursollicité les programmes fiscaux durant son mandat. Ce qui signifie que l’économie devra, cette année, davantage compter sur la politique monétaire tributaire de l’inflation.

L’intérêt retrouvé pour les obligations pénalisera les actions?

Des flux records se sont dirigés dans les marchés monétaires, car les rendements en dollar US atteignent 2% en termes réels, décourageant la prise de risques sur les actions…et les obligations. Lorsque les taux redescendront, nous verrons une rotation des investissements sur les obligations d’entreprise et les actions.

La corrélation entre les actions et les obligations, qui avait causé des dégâts sur les portefeuilles balancés en 2022, persiste. Les investisseurs équilibrés en ont ensuite profité en 2023. Seul un atterrissage brutal de l’économie serait susceptible de rétablir une corrélation négative entre ces deux classes d’actifs.

Nous anticipons des performances positives sur les actions grâce au soutien qu’offriront les baisses de taux et la croissance mesurée des bénéfices. Les gains seront modérés, car nous entamons l’année avec un niveau d’évaluation relativement élevé. Cependant, nous prévoyons une participation à la hausse plus équilibrée qu’en 2023 où les 7 magnifiques ont volé la vedette à l’ensemble du marché. Quels pourraient être les secteurs en vogue? À la suite des efforts d’investissement consentis dans la réindustrialisation aux États-Unis via les Bidenomics, les actions industrielles redeviennent intéressantes. Les fabricants de semi-conducteurs ont aussi bénéficié de subsides afin de soutenir la production sur le sol américain. Une dégradation des conditions macroéconomiques pourrait avantager les titres défensifs, tels que la consommation courante. Les valeurs technologiques restées jusqu’à présent non profitables, reflétées dans les ETF d’ARK, pourraient revenir sur le devant de la scène en deuxième partie d’année.

Les actions européennes feront-elles mieux que les américaines?

Ce n’est pas impossible, à condition de voir des surprises positives en Chine; une situation favorable aux valeurs européennes sensibles à l’activité en Asie. Nous restons cependant positionnés sur les États-Unis, non seulement du fait d’une forte représentation des valeurs technologiques, mais aussi parce que nous pensons que la réindustrialisation de l’économie va créer un avantage compétitif pour ses fleurons industriels et énergétiques.

Vous attendez-vous à une récession dans une des régions du monde?

Nous anticipons un rééquilibrage des forces. L’Europe, déjà en croissance négative, devrait en sortir tandis que les États-Unis rentreront dans un atterrissage en douceur, voire une récession cyclique. La croissance chinoise se maintiendra à des niveaux en dessous de ses performances historiques, mais elle sera plus qualitative. Le dollar US perdra de sa superbe, ce qui est positif pour les liquidités et les marchés internationaux.

Quelle est votre stratégie d’investissement pour 2024?

A posteriori, l’allocation idéale en 2023 consistait à être investi 50% en liquidité et 50% sur le Nasdaq 100. 2024 devrait être différente. Comme mentionné avant, le rallye sera plus équilibré, mais aussi plus volatil. Nous utiliserons les liquidités pour des achats opportunistes sur l’obligataire en rallongeant la duration afin de tirer parti des baisses des taux aux États-Unis et en Europe. Côté crédit, le mur des échéances des refinancements devrait mener à un grand ménage parmi les sociétés, mais aussi à de très belles opportunités.

Nous continuons d’aimer les 7 magnifiques, bien que la technologie recèle également de pépites qui profiteront du boom de l’IA.

Enfin, nous protégeons et diversifions les portefeuilles. Indispensables pour neutraliser les baisses des marchés, les options de vente n’ont jamais été aussi bon marché au cours de 5 dernières années. L’or conserve son rôle de couverture et de diversifiant dans le cas d’une baisse des taux réels et d’une dépression, avec la possibilité d’atteindre les 2500 dollars US l’once. Nous aimons aussi les valeurs pétrolières en cas de choc géopolitique. Enfin, nous avons une exposition aux hedge funds de type macro ou multistratégies. Les actifs privés restent également appropriés aux clients sans contraintes de liquidité.

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