Les 3 principes du private equity appliqués aux actions

Salima Barragan

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Andrew Brenton de Turtle Creek explique comment il se sert de la philosophie du private equity pour la sélection de sociétés cotées.

Les détenteurs de portefeuilles investis en actions devraient-ils s’inspirer de l’approche du capital investissement lors de la sélection des titres listés? Certainement, affirme le CEO de la société canadienne Turtle Creek Andrew Brenton. Cet ancien manager du monde du private equity les applique depuis 24 ans à un portefeuille de grandes capitalisations nord-américaines. Une stratégie fructueuse qui a progressé en moyenne de 20% par an, dont 13% sur l’exercice 2022 tandis que le S&P 500 a corrigé d’environ 18% sur la même période. Entretien.

En tant qu’ancien manager d’un fonds de private equity, comment transposez-vous l’approche de cet univers à la gestion d’un fonds investi en action?

Nous sommes trois partenaires d’un fonds de capital investissement qui avons décidé, il y a 24 ans, de lancer un portefeuille en actions listées. Au début, nous travaillions uniquement avec des sociétés canadiennes, mais avons étendu notre univers à toute l’Amérique du Nord.

Notre approche consiste à identifier les sociétés les plus intelligemment gérées et non à nous assoir au sein de leur conseil d’administration. Nous nous considérons comme des actionnaires engagés et non des activistes.

Quels sont les 3 principes que vous avez transposés à la sélection d’actions?

Premièrement, nous effectuons sur un société publique le même travail que sur une entreprise privée: c’est-à-dire que nous réfléchissons comme si nous allions l’acheter entièrement. A la différence des investisseurs en actions qui anticipent la progression du cours du titre, nous nous intéressons plutôt à la direction dans laquelle la société va. Ce qui signifie que nos processus de sélection sont très différents, car nous nous demandons d’abord si la société se situe en dessus de la moyenne de ses pairs et si elle réfléchit à ses actionnaires sur le long terme, sans se focaliser sur le niveau du cours du titre. La plupart des sociétés cotées ne répondent pas à nos critères d’où le faible turnover des titres de notre portefeuille. Nous n’avons vendu que 4 sociétés durant l’exercice 2022.

«Nous réfléchissons véritablement en termes de construction du portefeuille en décidant quelle portion de la société nous voulons acheter.»

Ensuite, nous réfléchissons véritablement en termes de construction du portefeuille en décidant quelle portion de la société nous voulons acheter, car nous n’avions pas ce luxe dans le private equity: nous devions l’acheter entièrement ou pas du tout. Nous pouvons également jouer avec ce levier et modifier nos participations si le prix bouge, mais que rien d’autre n’a véritablement changé dans la société.

Enfin, nous regardons sur un horizon de temps très lointain sachant qu’à court terme les prix sont menés par des facteurs émotionnels. Si notre travail est bien fait et que nous misons sur les bonnes sociétés, les marchés bougeront en notre faveur.

Le cours de l’action est pourtant un risque à surveiller…

La survalorisation constitue le risque principal. Nous évitons du surpayer une société en raison du mécanisme de correction des marchés. Mieux vaut détenir une société au-dessus de la moyenne et correctement évaluée, qu’une société remarquable, mais surévaluée.

Quel genre de sociétés aimez-vous détenir dans votre portefeuille?

Nous sélectionnons des sociétés intelligentes et honnêtes. Ou mal comprises par le marché.
Nous aimons par exemple la société d’alimentation canadienne Premium Brands Holdings. Originellement, il s’agissait d’une entreprise productrice de viande dont le management a pris le contrôle. Ils ont vendu cette activité de matière première pour acquérir des petites sociétés alimentaires familiales, permettant ainsi aux entrepreneurs locaux de se concentrer sur ce qu’ils savent faire le mieux: produire des aliments de qualité. L’Amérique du Nord est un peu à la traine vis-à-vis de l’Europe qui favorise la nourriture de qualité et de proximité depuis quelques années déjà.

Pourquoi pensez-vous qu’il y a actuellement des bulles de marchés?

Contrairement à beaucoup d'autres investisseurs, nous estimons que les marchés actions se trouvent dans une situation de survalorisation en raison des taux d'intérêt extrêmement bas qu'ont pratiqués les banques centrales sur plusieurs années. Pour être précis, nous voyons plein de petites bulles, telles que celle des cryptodevises. Des taux d’intérêt trop bas mènent immanquablement à des bulles dans certains actifs. Je suis convaincu qu’un niveau à long terme à 4% est parfaitement raisonnable et sain.

Quid du secteur technologique?

Tout ce qui a trait à la technologie a aussi développé des valorisations importantes, mais nous restons confortables avec ces sociétés. La récente correction prendra un certain temps pour se normaliser. Nous ne reverrons cependant plus jamais le scénario de la bulle tech des années 2000, alors que tout le monde pensait que l’internet était l’unique futur pour toutes les sociétés du monde. Près de 25 ans plus tard, cette utopie n’a pas eu lieu. Hormis le e-commerce pur, les modèles d’affaires se déclinent en plusieurs canaux, comme CarMax qui vend des voitures de seconde main en ligne, mais aussi en magasin.

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