Cryptos: 2022 et après

Nicolette de Joncaire

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Flux nets positifs, pas d’IPO pour le moment mais des acquisitions en vue. 21.co sort de l’hiver crypto. Entretien avec Hany Rashwan.

© Keystone

2022 fut une année difficile pour l’univers des cryptomonnaies. Les cours ont fortement chuté, entraînant des pertes considérables pour les investisseurs. Quelques beaux espoirs se sont écroulés en quelques jours à peine. On pense en particulier à l’affaire Terra et au fiasco FTX. Mais si l’année a été animée, elle fut loin d’être catastrophique et aura peut-être sonné le début d’un renouveau avec une intégration toujours croissante des cryptos au sein des économies au sens large. Les institutionnels et les grandes entreprises semblent bien avoir franchi le pas et les régulateurs ont cessé de traiter les cryptos «à la marge».  L’Union européenne a ainsi adopté la réglementation MiCA et a révisé sa législation sur le blanchiment d’argent pour y intégrer les transferts en cryptos (TFR, Transfer of Funds Regulation). «Nous avons été très occupés», déclare Hany Rashwan, cofondateur et CEO de 21.co, société mère de 21Shares. Entretien.

Quelle morale tirer de l’année 2022 qui fut plutôt mouvementée et qu’attendre du secteur en 2023?

Je suis très optimiste sur l’avenir mais l’enseignement à tirer des événements de l’année dernière est que coexistent deux types d’entreprises: celles qui consolident et celles qui vendent. De très grands noms de l’industrie seront amenés à vendre. Il y a bien plus de sociétés «zombies» qu’on ne l’imagine, et certaines d’entre elles disparaîtront au cours de l’année qui vient pour une fraction de la valeur estimée.

L’hiver crypto vous a-t-il nui? A-t-il affecté votre rentabilité?

L’entreprise a été rentable sur la plus grande partie de son existence. À partir du dernier trimestre 2022, cette rentabilité a diminué, suite au marché baissier, comme beaucoup d'autres sociétés du secteur. Nous avons ressenti l'impact des marchés comme les autres, car les prix ont baissé. Cela dit, nous n'avons pas ressenti les effets autant que d'autres. Même si cette année n'a pas été aussi positive que 2021 - où les flux nets se sont élevés à 1,2 milliard de dollars - nous avons tout de même enregistré environ 200 millions de flux nets en 2022, ce qui nous place parmi les cinq premiers acteurs du secteur. Nous venons également d'enregistrer le deuxième meilleur mois de janvier de l'histoire de notre entreprise.

Un investissement dans un actif crypto est semblable à un investissement dans une start-up, la valeur varie énormément entre la première levée de fonds (la série A) et la phase pré-IPO.
Votre seconde levée de fonds a eu lieu en juillet dernier et la valeur de votre société est estimée à plus de 2 milliards. Songez-vous à une IPO? A céder 21.co?

Notre objectif est de construire un champion suisse de la tech et, sur le long terme, l’entrée en bourse est ce que tout investisseur recherche mais ce n’est pas le bon moment. Le marché ne s’y prête pas. Quant à céder notre entreprise, ce n’est pas sur notre liste de priorités pour le moment.

Y-a-t-il de la place pour une croissance par acquisition?

Sans aucun doute. Nous sommes constamment à la recherche d'opportunités sur le marché et nous évaluons les entreprises existantes pour voir si elles correspondent bien à nos attentes.

Pourquoi avoir changé de nom: Amun puis 21Shares et désormais 21.co?

Nous avons introduit 21.co comme société mère afin de réunir nos marques sous un seul nom. Alors que notre approche initiale lors de la création de la société était d'avoir une marque pour chaque type de produit (une pour les jetons, une pour les ETP, etc.), ce n'était plus le bon choix car cela dispersait trop la perception de notre activité et de son importance sur le marché. Aujourd'hui, nous avons unifié nos marques sous l'égide de 21.co.

A qui correspond un si grand nombre de produits?

L’écosystème crypto est estimé à plus de 1000 milliards de dollars et on y dénombre de l’ordre de 22.000 actifs. Il n’y a donc rien d’extraordinaire à offrir une cinquantaine de produits. En fait, nous pouvons nous attendre à en lancer beaucoup d'autres dans les années à venir. Que ce soient des paniers de crypto (Top 5, Top 10, Top 100) ou des produits thématiques: DEFI (finance décentralisée), smart contracts, ou staking comme nous venons de le faire. Sans compter tous les instruments de couverture que ce soit sur le bitcoin ou su l’Ethereum.

Vous venez de faire paraître un rapport sur les normes de classification des cryptoactifs avec CoinGecko. Pourquoi faire cet exercice?

Notre rapport établit un standard pour la classification globale des cryptomonnaies avec CoinGecko afin de servir d’outil aux clients, aux régulateurs et au reste du marché pour classer les crypto-actifs. Notre objectif est qu'il soit adopté comme cadre à l’échelle mondiale car la création d'un outil standard est essentielle pour apporter de la clarté sur le marché à plusieurs égards. En premier lieu, l'un de nos objectifs est d'amener les fonds de pension à investir dans les crypto-monnaies et donc nous voulons contribuer à rendre l'écosystème crypto plus normalisé, plus institutionnalisé. Deuxièmement, cette normalisation est indispensable pour les régulateurs et nous dialoguons avec une douzaine d'entre eux pour apporter de la transparence.

Comment faire face à la volatilité du marché des actifs crypto?

Un investissement dans un actif crypto est semblable à un investissement dans une start-up, la valeur varie énormément entre la première levée de fonds (la série A) et la phase pré-IPO. Il faut y avoir une vision à long terme et investir à un horizon où la volatilité ne compte plus. En réalité, les cryptos sont des actifs pour les investisseurs à long terme. A l’inverse de ce que l’on a longtemps observé.

Que faut-il attendre des régulateurs?

Ils n’évoluent pas de manière coordonnée car chacun perçoit des besoins et des risques très différents et a des priorités distinctes. Ils ont toutefois en commun une volonté de protéger les consommateurs et des exigences en ce qui concerne l’audit et les processus opérationnels. Certaines juridictions seront plus sévères que d'autres. En ce qui nous concerne, nous sommes très heureux d’opérer en Suisse qui possède une excellente réglementation. L'Europe est en train de suivre avec MiCA. Ce qui se passe à Dubaï (et à Abu Dhabi) me paraît également très positif.

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