Gonet: l'actualité des marchés au 6 mai

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow +1,18%, S&P 500 +1,26%, Nasdaq +1,99%, Russell +0,97%, SOX +2,41%, Eurostoxx +0,63%, SMI +0,56%.

Qui sait? On se souviendra peut-être de la semaine passée comme d’un moment charnière de l’année boursière 2024. Les opérateurs arrivent au bureau déprimés lundi matin, le moteur de la hausse semble en panne, avril se termine dans une forme de déprime lancinante, la Fed a apparemment abandonné ses copains taureaux, la faute à cette satanée inflation qui refuse d’aller voir au pays des merveilles si Alice s’y trouve. Lundi et mardi sont du même tonneau, la pression vendeuse prend les commandes. Et puis mercredi c’est jour de Fed, Jerome Powell murmure des mots plutôt doux aux oreilles du marché qui n’en attendait pas tant, le sentiment s’améliore progressivement et permet un retour de l’appétit au risque, conforté vendredi par le rapport sur l’emploi aux Etats-Unis.

Le patron de la Fed ne prononce pas un discours carrément colombe, en revanche ses mots sont moins faucons que craint, il ne brandit pas la menace d’une politique monétaire plus restrictive en précisant que la barrière pour relever encore les taux de la Fed est plus élevée que celle pour les baisser. On en parle peu, mais la Fed annonce aussi qu’elle réduit le rythme de son programme QT (Quantitative Tightening), le marché ne s’y attendait guère. Le QT consiste à réduire la taille du bilan de la Fed, qui était devenu aussi gros que l’ego de Christian Constantin, c’est dire… Or la Fed divise le montant du programme par presque deux, elle ralentit donc l’allégement de la taille de son bilan et laisse de facto plus de liquidités dans le système que prévu, c’est de la politique monétaire expansionniste à peine déguisée. Que peut-on conclure de ce discours et de l’annonce sur le QT? Well… la Fed est peut-être en train de remettre en place son fameux put, qui consiste en gros à dire au marché: «tout bon les amis, on est là, investissez tranquilles, on baissera les taux si les choses se gâtent». La décision sur le QT est tout sauf anecdotique, la Fed va occuper davantage de place sur le marché de la dette, elle libère de ce fait les investisseurs institutionnels qui pourront acheter des actifs dit risqués à la place, suivez mon regard en direction des actions.

On sent clairement le vent du sentiment tourner à la brise printanière à partir de mercredi soir passé. Le clou est enfoncé vendredi par le rapport sur l’emploi aux Etats-Unis qui montre un chômage en hausse, moins de créations d’emplois que prévu en avril et une hausse des salaires horaires plus faible qu’anticipé. On apprend aussi que les PME recrutent nettement moins et que les secteurs cycliques ont bien moins de postes ouverts. La situation du marché de l’emploi semble donc se dégrader aux Etats-Unis, le sentiment gonfle le torse, les ours se font tout petits à nouveau.

Ajoutez à cela des résultats de sociétés globalement de bonne facture, accompagnés de peu d’avertissements sur bénéfices à venir, mettez-y une pomme qui publie des trimestriels plutôt moyens mais annonce un programme de rachat d’actions propres pantagruélique de 110 milliards de dollars et décolle de 6% vendredi et vous obtenez un retour du FOMO (Fear Of Missing Out) ainsi qu’une carte postale du TINA (There Is No Alternative).

Dès mercredi on observe un repli des rendements obligataires, le 10 ans US revient à 4,51%, le 25 avril il évoluait à 4,73%, il regarde désormais 4,38%, c’est là qu’évolue sa moyenne mobile à 50 jours actuellement. Le dollar se replie également en fin de semaine, le Dollar Index (DXY) traite à 105,18, il vient brièvement tester 104,52 vendredi après le rapport sur l’emploi, sa 50 jours se situe à 104,58. La paire EUR/USD remonte à 1,0760. Le pétrole ne profite pas du tout de l’affaiblissement du billet vert, il souffre notamment des inventaires américains qui ressortent nettement supérieurs aux attentes la semaine passée, le baril de WTI Light Crude traite ce matin à 78,84 dollars. L’or retrouve des couleurs, la relique barbare adore que les rendements obligataires reculent, cela réduit son coût d’opportunité, l’once revient à 2322 dollars.

Sur le front des actions, la semaine se termine en fanfare pour les principaux indices américains. Vendredi les mastodontes de la tech font une fois de plus la majeure partie du boulot, menés par Apple qui envoie aux oubliettes Isaac Newton et sa théorie. Le podium du jour du SPX se compose de la tech, des services de communication et des materials. La tech qui décolle de 3%, c’est assez impressionnant. On notera aussi la forte hausse d’Amgen (AMGN +11,82%) après que le fabricant de médicaments a effectué une mise à jour encourageante sur le développement de son médicament injectable amaigrissant MariTide. Du côté obscur de la cote, mentionnons Expedia, une firme BSF (je traduis en privé pour les intéressés), qui perd 15% après ses résultats.

La configuration technique des indices est particulièrement intéressante en ce lundi matin. On constate que, à la cloche de vendredi, le Nasdaq100 (NDX), le SPX et le Russell2000 (RTY) se situent tous un chouia en-dessous de leur moyenne mobile à 50 jours. Au vu du comportement des futures ce matin, on peut envisager une tentative de cassure à la hausse aujourd’hui, à suivre de près. En parallèle, la volatilité se casse un peu plus la figure vendredi, le VIX perd 8% à 13,49, il regarde à nouveau son bas de décembre comme principal support, à 11,81. L’indice MOVE, le «VIX obligataire», fait de même, il chute depuis le 15 avril et revient à 95,96, ce qui indique une détente généralisée du sentiment des acteurs du marché obligataire, réputés nettement plus raisonnables et matures que leurs alter ego des actions. On regarde aussi du côté des indicateurs internes de marché ce lundi matin en focalisant sur le PCR, qui n’a rien à voir avec de fort mauvais souvenirs nasaux. Le Put Call Ratio des actions chute à 0,60, contre 0,84 le 1er mai. En bref, lorsque le PCR passe en-dessous de 1, il indique que les volumes d’échanges deviennent plus importants sur les calls que sur les puts. En français, cela signifie que les acteurs du marché des options se détendent aussi et pas qu’un peu.

Conséquence de tout cela, les Fed Funds prévoient désormais (timidement) à nouveau deux baisses de taux par le Fed cette année, la première le 18 septembre, la seconde le 18 décembre.

Israël annonce avoir fermé le point de passage humanitaire vers Gaza dimanche après que le Hamas a tiré un barrage de roquettes depuis Rafah. Les pourparlers en vue d'un cessez-le-feu ont pris fin au Caire, rapporte l'AP, citant le Hamas. Le ministre israélien de la défense déclare que le Hamas n’est pas sérieux au sujet d'un accord et a mis en garde contre «une opération puissante dans un avenir très proche à Rafah». Les responsables du Hamas et le directeur de la CIA, William Burns, sont partis en consultation au Qatar.

Warren Buffett a déclaré qu'Apple est «encore meilleure que AmEx et Coca-Cola», ajoutant que l'action restera le plus gros investissement de Berkshire malgré la vente d'une grande partie. Cette vente a permis à Berkshire de porter sa trésorerie à un niveau record de 189 milliards de dollars.

Janet Yellen prend acte des mouvements brusques du yen la semaine dernière, mais qualifie de «rumeur» les interventions de la Banque du Japon. Si les autorités peuvent atténuer la volatilité, les États-Unis «s'attendent à ce que ces interventions soient rares et à ce que des consultations aient lieu».

Xi Jinping a atterri en France hier dimanche pour entamer sa tournée européenne. Emmanuel Macron appelle à plus de réciprocité dans les relations économiques avec la Chine, mais déclare que l'UE ne doit pas prendre ses distances avec Pékin, rapporte La Tribune Dimanche.

Au menu macro-économique du jour, Les indicateurs PMI des services dans leurs versions finales sont au programme pour les principales économies.

ISS invite les actionnaires de Boeing à voter contre la rémunération de son CEO David Calhoun. Les actionnaires de Berkshire Hathaway rejettent les propositions relatives au climat, à la diversité et à la Chine. Warren Buffett déclare que Berkshire Hathaway a vendu à perte la totalité de ses actions Paramount.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en hausse. Tokyo et Séoul sont fermées, Hong Kong ne s’arrête plus et avance de 0,46% supplémentaires, Shanghai gagne 1,16% et le Nifty50 traite à l’équilibre. Le future SPX gagne 8 points et l’Europe ouvre en progression de 0,2%.

Résumons, la Fed semble à nouveau plus préoccupée par un éventuel ralentissement économique que par la persistance de l’inflation, le marché l’a bien compris et réagit en fonction, on assiste peut-être à un changement de scénario sur le moyen terme. Ceci étant dit, notre calme probablement garder il faut, un rapport sur l’emploi ne peut faire le printemps à lui seul, à suivre la tête froide donc…

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