Vers une hausse des anticipations d’inflation en 2021

Alex Rohner, J. Safra Sarasin

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Les banques centrales maintiendront une position très accommodante et s’opposeront probablement à une hausse significative des rendements réels.

L’assouplissement des conditions financières et la poursuite des mesures de relance budgétaire devraient assurer une embellie de l’économie mondiale en 2021, en particulier si la perspective d’un vaccin efficace se concrétise à temps. La hausse des anticipations d’inflation entraînera probablement une augmentation modérée des rendements obligataires et une pentification des courbes de rendement.

Un redressement des anticipations d’inflation

Les répercussions économiques négatives de la pandémie de Covid-19 font que l’incertitude restera élevée à court terme. Cependant, la perspective d’un prochain vaccin de Pfizer/BioNTech avec près de 95% d’efficacité – outre d’autres candidats similaires en cours de développement - accroît la probabilité de nette embellie de l’économie mondiale en 2021.

Anticipations d’inflation en hausse

Sources: Bloomberg, J. Safra Sarasin, 16.11.2020

Les taux directeurs réels mondiaux ont été ramenés à des niveaux très négatifs et des mesures de relance budgétaire sans précédent ont été mises en œuvre afin de protéger les économies développées de l’impact de la pandémie. Par conséquent, il est probable que l’activité économique mondiale s’améliorera nettement en 2021, une fois que les effets défavorables liés à la pandémie de Covid-19 diminueront. Ce scénario se reflète dans les anticipations d’inflation du marché, qui se sont déjà nettement redressées à partir des plus bas.

Les banques centrales de la planète sont prêtes à laisser l’inflation dépasser leur objectif. Elles n’augmenteront pas les taux directeurs à titre préventif. Ces derniers resteront donc probablement aux niveaux bas actuels pendant longtemps, ce qui plaide en faveur d’une hausse des anticipations d’inflation en 2021.

Les taux directeurs resteront bas

Sources: Bloomberg, J. Safra Sarasin, 16.11.2020

Le résultat probable de l’élection américaine (Biden président, Congrès divisé) devrait réduire l’incertitude politique car le nouveau gouvernement aura probablement moins de latitude pour mettre en œuvre d’importantes réformes telles que des hausses d’impôts. L’approche de J. Biden dans le cadre du commerce mondial risque d’être moins déstabilisante que celle de D. Trump et davantage bénéfique à la croissance mondiale.

Les rendements réels devraient rester bas

Le ratio dette/PIB des pays développés a fortement augmenté, notamment sous l’effet des mesures budgétaires de grande envergure prises pour lutter contre les répercussions négatives de la pandémie. Par conséquent, il sera essentiel de maintenir les taux d’intérêt réels à un niveau plus faible que la normale (ou de préférence à un niveau négatif) pendant longtemps afin que les économies soient capables de faire face à des niveaux d’endettement élevés. C’est pourquoi, nous prévoyons que les banques centrales s’opposeront à une forte hausse des rendements réels. L’essentiel de la hausse attendue des rendements obligataires pour 2021 sera donc alimentée par l’augmentation des anticipations d’inflation.

États-Unis: rebond de l’économie

Après une contraction record au deuxième trimestre 2020, l’économie américaine a fortement rebondi, tirée par la vigueur du secteur manufacturier. S’il s’est aussi nettement redressé, le secteur des services reste confronté aux effets négatifs de la pandémie. Avec la perspective de voir un vaccin disponible au premier semestre 2021, nous prévoyons qu’il retrouvera une assise solide.

En mettant en place le ciblage de l’inflation moyenne (Average Inflation Targeting, AIT), la Fed a clairement indiqué qu’elle ne relèvera pas ses taux directeurs à titre préventif, mais qu’elle ne le fera qu’une fois que l’inflation aura commencé à augmenter de manière significative. L’objectif est de laisser l’inflation dépasser la cible. La Fed acceptera donc probablement que l’indice des prix à la consommation des ménages de base évolue au-dessus de 2% pendant plusieurs trimestres.

Nous prévoyons par conséquent que la courbe des rendements américains continuera de se pentifier à mesure que les anticipations d’inflation augmentent sous l’effet d’une croissance supérieure aux attentes et du renchérissement des matières premières. La courbe des rendements américains s’est déjà pentifiée en 2020, une tendance d’autant plus marquée sur la partie très longue de la courbe.

La courbe des rendements se pentifie déjà

Sources: Macrobond, J. Safra Sarasin, 16.11.2020

La Fed devrait faire preuve de prudence malgré la probabilité accrue de mise au point d’un vaccin. Elle tolérera une hausse des rendements et des anticipations d’inflation. Cela étant, une hausse prématurée des rendements réels entraînerait un durcissement malvenu des conditions financières et provoquerait une réaction rapide de sa part. La Fed continuera d’utiliser le guidage prévisionnel et pourrait repositionner ses achats d’actifs sur les échéances plus longues, en privilégiant l’achat de TIPS. Nous prévoyons donc une légère hausse des rendements des bons du Trésor sur les 6 à 12 prochains mois.

Zone euro: une politique expansionniste

La Banque Centrale Européenne (BCE) n’a pas réussi à s’approcher de son objectif d’inflation malgré la politique monétaire largement accommodante menée au cours des dernières années. La faiblesse des anticipations d’inflation est désormais fermement ancrée et la BCE aura du mal et mettra du temps à convaincre les intervenants du marché qu’elle peut générer une inflation durable. La politique monétaire devra donc rester extrêmement accommodante.

La BCE n’a pas atteint son objectif d’inflation

Sources: Bloomberg, J. Safra Sarasin, 16.11.2020

Les mesures énergiques de relance budgétaire visant à atténuer l’impact économique négatif ont entraîné un gonflement de la dette publique et donc une hausse des émissions d’obligations d’État de la zone euro. Toutefois, en 2020, les achats d’obligations de la BCE dépasseront l’offre nette totale d’obligations d’État en euro. Cette tendance devrait se répéter en 2021, ce qui jusqu'à présent a largement contribué à l’aplatissement persistant de la courbe des rendements des obligations d’État de la zone.

La croissance économique mondiale devant accélérer en 2021, nous prévoyons un redressement des anticipations d’inflation dans la zone euro. Nous anticipons une hausse modérée des rendements des obligations d’État au cours des 6 à 12 prochains mois, s’accompagnant d’une pentification des courbes de rendement. Les pays européens périphériques continueront de bénéficier des mesures de soutien monétaire de grande envergure de la BCE, qui voudra assurer une transmission harmonieuse de sa politique monétaire à toutes les régions, secteurs et juridictions. Nous prévoyons donc que les spreads des obligations des pays périphériques continueront de se resserrer en 2021.

Royaume-Uni: les futures relations commerciales seront moins intégrées

Quelle que soit l’issue des négociations commerciales entre l’UE et le Royaume-Uni - Brexit dur ou un accord négocié - les futures relations commerciales avec l’UE seront moins intégrées et pénaliseront probablement de façon significative la croissance économique britannique. Si les répercussions économiques négatives de la pandémie de Covid-19 seront difficiles à surmonter, la perspective de mise au point d’un vaccin efficace en temps voulu pourrait laisser présager une embellie de l’économie britannique, axée sur les services. Les rendements des Gilts vont vraisemblablement augmenter modérément, et la courbe se pentifier, au cours des 6 à 12 prochains mois, l’accélération de la croissance mondiale étant susceptible d’accroître les anticipations d’inflation. La Banque d’Angleterre aura besoin d’acheter d’importants montants des futures émissions de Gilts pour empêcher des hausses excessives des rendements réels des obligations d’État. Face au gonflement de la dette publique au Royaume-Uni, les rendements réels doivent demeurer faibles pour que l’endettement reste tenable.

Japon: pas de changement en vue

Nous prévoyons que la Banque du Japon (BoJ) n’apportera aucun changement significatif à ses mesures en 2021. Elle poursuivra ses achats de JGB, d’obligations d’entreprises et d’actions pour assurer une transmission harmonieuse de la politique monétaire. Le contrôle de la courbe des rendements avec une fourchette cible étroite autour de zéro pour le segment à 10 ans et une certaine pentification voulue sur les échéances ultra longues restera en place. Nous continuons de prévoir le maintien des rendements aux niveaux actuels.