Ralentissement de la dette mondiale et assouplissement monétaire global

Hemant Baijal, Invesco

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La faiblesse de l’activité manufacturière et des échanges a freiné l’élan de l’économie mondiale, mais l’équipe Global Debt juge toujours faibles les perspectives d’une récession mondiale.

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Le troisième trimestre s’est poursuivi sur une croissance mondiale plus faible due avant tout au reste du monde, les États-Unis ayant agréablement surpris après des attentes sérieusement revues à la baisse. Comme escompté, la croissance mondiale s’est ralentie et les décideurs politiques de pratiquement toutes les grandes économies du monde ont réagi par une évolution en direction d’un assouplissement des conditions monétaires. La Federal Reserve (Fed) des États-Unis a introduit la première de ses deux réductions de taux de l’année 2019 à ce jour, tandis que la plupart des banques centrales des marchés émergents (ME) poursuivaient leurs baisses de taux.  

Que s’est-il passé au troisième trimestre?

L’économie mondiale a perdu de son élan sous l’effet de la faiblesse de l’activité manufacturière et des échanges mondiaux. Les secteurs économiques plus orientés sur le marché national se sont montrés plus résilients, mais des signes de contagion à ces secteurs commencent à se manifester. Tant que dureront les tensions commerciales et l’incertitude qu’elles entraînent, il sera difficile d’espérer une reprise de l’activité. Un accord commercial partiel entre les États-Unis et la Chine et la perspective de geler le conflit commercial pendant un certain temps apporteraient un soutien aux marchés et à la croissance mondiale. 

Un changement majeur de politique est intervenu depuis le dernier trimestre: les banques centrales de toute la planète sont désormais bien plus proactives et apportent un stimulus monétaire. Typiquement, les cycles d’assouplissement durent plus longtemps que prévu. Nous nous attendons à ce que l’assouplissement émanant des banques centrales se poursuive jusqu’à l’apparition de signes manifestes de stabilisation de l’activité économique mondiale et de la preuve d’une reprise. 

Marchés développés

Aux États-Unis, l’économie se ralentit vers son taux de croissance potentiel tout juste inférieur à 2%, avec des risques de rester en-deçà. Les investissements et les exportations nettes ont déjà subi des turbulences. La croissance de la consommation pourrait également se ralentir dans un environnement où le rythme de création d’emplois est ralenti et où l’inflation découlant des tarifs douaniers augmente. Les récents sondages auprès des entreprises donnent à penser que la dégradation de la confiance est en train de s’étendre au secteur des services. Nous nous attendions à ce que la croissance de la consommation perde un peu de son élan, mais nous ne voyons là qu’un ralentissement modéré, et non majeur. Le marché de l’emploi toujours solide, les gains de salaires, le faible levier des ménages et la stabilité de la confiance des consommateurs sont des indicateurs de résilience. L’inflation est proche du taux cible de la Fed et nous ne nous attendons pas à ce qu’elle change la donne pour la Fed, ni dans un sens ni dans l’autre. Mais le ralentissement vers la croissance tendancielle et la poursuite des risques mondiaux nécessiteront que la Fed fournisse l’assurance d’un soutien à la reprise. Nous escomptons de nouvelles réductions de 50 points de base (bps) en 2019 et de 25 bps supplémentaires dans le premier trimestre de 2020.

La faiblesse économique de la zone euro se poursuit en raison de l’exposition de celle-ci aux échanges mondiaux. Elle a principalement débuté dans le secteur manufacturier et dans les échanges, alors que les secteurs économiques de la zone euro plus axés sur les marchés nationaux s’avéraient résilients. Du côté intérieur, la confiance des consommateurs a quitté ses niveaux records pour le cycle, tout en restant forte. Le crédit est disponible. Les marchés de l’emploi continuent à s’améliorer. Comme aux États-Unis, on observe une résilience intérieure, mais un plus grand besoin de soutien politique, vu la fragilité accrue de la reprise de la zone euro et son exposition plus forte à l’économie mondiale. Consciente de ces risques, la Banque centrale européenne (BCE) est intervenue en septembre avec une réduction de 10 bps du taux de dépôt et un assouplissement quantitatif de taille modeste, mais de durée indéterminée. La BCE a beaucoup agi pour l’instant et tente de passer le flambeau à la politique budgétaire. Nous escomptons une modeste impulsion budgétaire en 2020, mais rien de déterminant. Sur le plan budgétaire, les décideurs politiques sont plus réactifs que proactifs et n’entreprendront rien tant que la zone ne sera pas confrontée à des risques de récession plus significatifs. 

Au Japon, nous escomptons un ralentissement temporaire de l’activité économique en raison de la hausse de la taxe à la consommation et des turbulences touchant les activités à l’échelle mondiale. Le Japon est un important fournisseur de biens d’équipement intermédiaires qui sont exposés au ralentissement du secteur manufacturier mondial et des investissements. Mais les activités sur le plan intérieur semblent prometteuses. Le marché de l’emploi japonais est extrêmement tendu. Les emplois sont disponibles en grand nombre, mais les pénuries de main d’œuvre sont très répandues. Les petites entreprises, surtout, ont beaucoup de mal à recruter de nouveaux travailleurs et investissent dans les machines et dans les logiciels pour pallier cette pénurie de main d’œuvre. Le marché de l’emploi tendu et la demande en investissements sur des secteurs orientés vers l’intérieur assurent une protection contre les risques de dégradation.

Chine & ME d’Asie

La stabilisation que nous avions projetée pour le second semestre de 2019 reposait sur la perspective d’un accord commercial entre la Chine et les États-Unis. L’espoir d’un accord limité demeure, mais nous pensons que l’incertitude accrue autour de la relation sino-américaine continuera à saper le désir d’investir, surtout dans le contexte d’un ralentissement de la demande mondiale. Outre les questions commerciales et le ralentissement aux États-Unis et en Europe, les marchés émergents, eux aussi, sont confrontés au ralentissement structurel en Chine. En se rééquilibrant de la croissance induite par les investissements à la croissance induite par la consommation, la Chine n’apportera pas aux exportations des ME le même stimulus que dans le passé. 

Du côté positif, nous nous attendons à un nouvel assouplissement monétaire et budgétaire de la part de la Chine pour atténuer, non pas en totalité, mais au moins en partie l’impact des tarifs douaniers et le ralentissement mondial sur les marchés émergents. En outre, des conditions financières mondiales plus souples et un espoir de nouvel assouplissement de la part de la Fed continueront à soutenir les actifs des ME. Dans ce contexte mondial, nous pensons que des pressions inflationnistes bénignes et dues à la demande ainsi que le creusement des écarts de production donneront une marge de manœuvre pour de nouvelles baisses des taux d’intérêt dans plusieurs pays tels que l’Inde, l’Indonésie, la Corée, la Malaisie, les Philippines et la Russie. Nous avons également observé des politiques budgétaires plus favorables en Inde, en Corée et en Chine et nous escomptons que d’autres pays prendront leur suite, tels que les Philippines, l’Indonésie et la Thaïlande. Ces politiques devraient commencer à stabiliser la croissance en 2020. 

Amérique latine 

Les économies émergentes d’Amérique latine ont emboîté le pas à l’économie mondiale en enregistrant toutes un recul de leurs projections de croissance. Nous nous attendons désormais à une baisse à la fois de la croissance et de l’inflation dans la région. Le ralentissement décevant s’est intensifié au Mexique et au Brésil, où nous continuons à envisager une reprise par la suite, ainsi que dans les économies plus petites et ouvertes de la région. Nous n’avons pas sensiblement modifié nos perspectives quant à l’inflation, car les écarts de production se sont encore creusés et les risques d’inflation se sont atténués, et les pressions de change ont été contrebalancées par un tassement du prix des matières premières. Comme nous l’escomptions, les banques centrales de toute la région, imitant le Chili, sont désormais pleinement attachées à stimuler davantage le marché, et poursuivent sur la voie de l’assouplissement après avoir révisé à la baisse leur budget de baisses des taux directeurs. Nous pensons que tant les autorités monétaires du Brésil que celles du Mexique sont en train de rompre avec leur comportement passé. 

L’Argentine a été la grande exception de la région, car elle connaît une croissance négative et une inflation à deux chiffres. Totalement éloignée de sa reprise économique, elle est désormais confrontée à une perspective dégradée due à une débâcle du prix des actifs suite à la défaite du Président Mauricio Macri aux élections primaires en août. L’Argentine a besoin d’une rapide stabilisation macroéconomique, car le nouveau Président qui entrera en fonctions en décembre devra prendre des décisions critiques sur la fiscalité du pays, le processus de la dette et les négociations avec le Fonds monétaire international (FMI). Les conditions du marché resteront volatiles dans ce contexte, car nous nous rapprochons sans doute d’une restructuration de la dette avec des décotes accompagnant un nouveau programme du FMI.

Pour les principales économies, le Mexique est un bénéficiaire du litige commercial entre les États-Unis et la Chine parce qu’il a aidé au secteur manufacturier, surtout dans l’automobile, dont la part de marché a progressé. Néanmoins, l’économie a été frappée par le ralentissement aux États-Unis et les incertitudes sur la politique intérieure, prévoyant une austérité budgétaire qui bride fortement la croissance. Nous croyons que le Président proposera une cible budgétaire soutenue par le budget de 2020, et nous continuerons à surveiller les politiques correspondantes en espérant une réforme budgétaire d’ici le milieu de son mandat. À notre avis, la nouvelle administration du Président Andrés Manuel López Obrador apporte un changement historique au paysage politique du pays, et l’économie est bien placée car elle bénéficie d’un faible niveau de dette. Au Brésil, nous sommes optimistes sur le programme de réformes et nous escomptons que la banque centrale va continuer à stimuler les conditions expansionnistes, en mettant à l’essai un taux directeur d’un niveau historiquement faible. L’activité économique a chancelé sous l’effet des chocs mondiaux et locaux, et les incertitudes intérieures ont affaibli un environnement plus favorable caractérisé par la libération vis-à-vis des contraintes de crédit et de budget. Nous pensons que la reprise arrivera plus tard, lorsque le modèle brésilien se sera adapté à une voie plus durable au détriment du taux de croissance actuel dans une lente transition.

Perspectives

Nos discussions les plus récentes sur l’économie mondiale continuent à souligner la possibilité que la croissance mondiale poursuive sa chute. Néanmoins, celle-ci sera compensée par l’assouplissement des conditions financières à l’échelle mondiale et, ce qui compte davantage, aux États-Unis.

En reprenant notre appréciation pour le troisième trimestre, nous continuons à prévoir un ralentissement de l’élan de la croissance mondiale au quatrième trimestre, mais à un rythme moins élevé. Nos attentes en matière de stabilité de la croissance hors États-Unis se sont encore éloignées sous la crainte qu’une entente commerciale exhaustive entre les États-Unis et la Chine ne soit hors de portée, et qu’une entente, même plus étroite et focalisée, ne s’avère difficile. Nous sommes convaincus que la Chine sera à l’origine de l’impulsion, mais qui visera l’économie intérieure par le biais de mesures politiques telles que des réductions d’impôts, dont l’impact mondial sera limité. 

La croissance mondiale qui, selon nos estimations, devrait être de 2,6% à l’heure actuelle, régressera sans doute encore au premier trimestre de 2020. Nous continuons à anticiper une récession mondiale, mais qui devrait rester faible. Dans un tel environnement, nous pensons que les conditions financières et les valorisations seront les moteurs principaux des rendements du marché. Nous estimons que la Fed étendra son assouplissement au fur et à mesure que la croissance se ralentira. Nous pensons également que d’autres banques centrales, notamment celles du Brésil, du Mexique, du Chili, de l’Inde, de l’Indonésie et de la Russie, seront accommodantes. Nous continuons à escompter que le mélange de croissance modérée et de baisse de l’inflation aura un impact positif sur le prix des actifs.

Incidences sur le portefeuille 

Le virage de l’économie et du contexte politique nous permet de conserver des perspectives stables en ce qui concerne le positionnement de notre portefeuille. Nous pensons toujours que le dollar américain continuera à baisser lentement du fait que l’assouplissement des conditions financières réduira le coût de la position nette acheteur par rapport aux monnaies d’autres marchés développés tels que l’euro et le yen. Les conditions financières affectant la performance des marchés, nous escomptons que les monnaies des ME profiteront du portage («carry»)1, alors que celles des marchés développés pourraient profiter des valorisations. Dans nos portefeuilles, nous avons favorie le portage de monnaies telles que le réal brésilien, la roupie indienne et le rand sud-africain. Nous avons favorie également la couronne norvégienne et le zloty polonais par rapport à l’euro.

Nous avons aussi favoriser les taux d’intérêt des marchés émergents par rapport à ceux des marchés développés. Les rendements réels sur les marchés émergents sont restée proches de leur sommet par comparaison avec les rendements des marchés développés. Nous avons favorie les taux d’intérêt à long terme au Brésil, en Inde, en Afrique du Sud, en Indonésie et en Russie et les taux d’entrée au Mexique et en Colombie.  

1 Le portage («carry») est défini comme le bénéfice que les investisseurs retirent de la vente d’une monnaie donnée à un taux d’intérêt relativement faible et de l’emploi des fonds pour acheter une monnaie différente porteuse d’un taux d’intérêt plus élevé.
 
Risques
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EMEA8562/2019