Révolution à venir: la possibilité d’effectuer des rachats

Edric Speckert, PensExpert SA

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La possibilité d’effectuer des rachats dans le 3e piler permettrait de renforcer le système de prévoyance suisse.

Une récente étude de la Haute école spécialisée de Lucerne publiée en août 2021 a mis en lumière que les connaissances des Suisses en matière de prévoyance sont plutôt restreintes. Le système des 3 piliers demeure encore opaque et difficilement compréhensible pour nombre d’entre eux. Par ailleurs, d’après les conclusions de cette étude, cette faible maîtrise du domaine de la prévoyance est encore plus marquée en Suisse romande qu’en Suisse alémanique.

Au-delà de ce constat, il est établi que les rentes de vieillesse vont drastiquement diminuer au cours de la décennie actuelle en raison de la baisse du taux de conversion. Cette diminution prochaine du taux de conversion, qui impactera négativement le montant des rentes versées aux futurs retraités, résulte d’une part de l’augmentation de l’espérance de vie et, d’autre part, de la persistance dans la durée de taux d’intérêts proches de 0%. Dans ce contexte défavorable pour les futurs retraités, il existe cependant une piste de solution intéressante.

Une des solutions pour refinancer les lacunes à venir en matière de prévoyance serait de rendre possible les rachats dans le 3e pilier, un peu comme cela se fait actuellement dans le 2e pilier. Avec ce nouveau mécanisme, l’assuré pourrait ainsi refinancer ses lacunes de prévoyance individuelle sur une période de plusieurs années et rattraper de la sorte les années durant lesquelles il n’aurait pas cotisé. Concrètement, l’assuré pourrait combler tous les cinq ans une lacune correspondant à un montant maximum de 34'416 francs (soit le montant annuel maximal du grand 3e pilier pour les indépendants) qu’il n’aurait pas réussi à financer durant sur cette période tout en continuant à payer chaque année ses versements annuels en parallèle.

Historiquement, la prévoyance individuelle est inscrite dans la Constitution fédérale depuis 1972. Contrairement au 1er et au 2e pilier qui sont obligatoires pour tous les employés, le 3e pilier demeure facultatif. Malgré son caractère non contraignant, il représente toutefois un élément essentiel du système de prévoyance. En effet, le 3e pilier a pour objectif principal de compléter les prestations du 1er et 2e pilier qui ont pour mission de garantir 60% du salaire touché avant la retraite. Le supplément de capital retraite généré à travers le 3e pilier doit ainsi permettre de garantir le niveau de vie antérieur une fois arrivé à la retraite.

Actuellement, l’Etat encourage la prévoyance individuelle en octroyant des avantages fiscaux à travers les versements effectués dans le 3e pilier. Ainsi, chacun peut déduire un montant maximal de 6'883 francs de son revenu imposable chaque année. Toutefois, la limite maximum donnant droit à ces avantages demeure relativement basse. Dès lors, un relèvement substantiel des montants maximums donnant droit à des bénéfices fiscaux rendrait la prévoyance individuelle beaucoup plus attractive. C’est le but de la motion du Conseiller aux Etats du parti Le Centre Erich Ettlin qui a été acceptée en juin 2020 par les deux chambres fédérales. L’administration devra donc plancher pour mettre en œuvre cette motion et rédiger prochainement un projet de loi. Si tout se passe comme prévu, la nouvelle disposition légale relative au 3e pilier (OPP3) devrait en principe voir le jour au début 2024.

Ce grand chantier en vue de renforcer le système de prévoyance suisse est très important. A travers cette modification du 3e pilier, la classe moyenne pourra épargner des capitaux de retraite plus conséquents. Grâce au rachat, les lacunes de cotisations dans la prévoyance individuelle pourraient ainsi être plus facilement corrigées. Pour les femmes en particulier, ce système offrira l’opportunité de combler avantageusement les lacunes de prévoyance individuelle résultant d’une interruption de carrière suite à la naissance des enfants. Un père de famille de 55 ans pourra lui aussi par exemple rattraper ses retards de cotisation à travers des rachats dans le 3e pilier une fois que les enfants auront définitivement quitté le foyer.

La grande majorité de la classe moyenne tirera des avantages importants de ce nouveau système de rachat dans le 3e pilier. Aujourd’hui, seul 14% de la population suisse arrive à verser la cotisation maximale de 6'883 francs. A l’avenir, cette proportion devrait augmenter considérablement grâce à ce nouveau mécanisme, qui rendra le système de retraite suisse plus flexible et mieux adapté pour faire face aux transformations actuelles de la société.