Privilégier le crédit à l’ère de l'inflation disparue et de la 5G

Mondher Bettaieb-Loriot, Vontobel Asset Management

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2020 marque non seulement l’entrée dans une nouvelle décennie, mais aussi le début d’une «nouvelle norme».

© Keystone

Caractérisée par des taux d'intérêt bas, une inflation atone et une croissance plus faible, la nouvelle «norme» qui accompagne ce début d’année va conduire les investisseurs obligataires à se montrer plus créatifs. Confrontés à de faibles rendements qui les obligent à se montrer plus invetnifs, ils devront dénicher les meilleures opportunités et protéger leurs portefeuilles des risques nouveaux.

Avec la quatrième Révolution industrielle, nous sommes entrés dans une ère nouvelle où la prochaine génération d’Internet sans fil permettra de connecter les êtres humains aux machines et aux objets, facilitant ainsi l'automatisation des processus de production. Cette nouvelle technologie aura un double impact, à savoir une inflation atone et une érosion du pouvoir d'achat. La 5G permettra aux entreprises de réduire leurs coûts et leurs effectifs, ce qui exercera une pression baissière sur les prix et les salaires. Par conséquent, la seule façon de freiner l'inflation salariale et l'augmentation des dépenses sera de réduire encore les taux d'intérêt.

Le «nouveau» rôle des banques centrales

La pérennité de l'expansion économique mondiale au cours de la décennie 2020 passe nécessairement par des taux d'intérêt bas. Nous sommes entrés dans une ère où l'inflation est «portée disparue» en raison de la révolution numérique à l'œuvre à l'échelle mondiale, et notamment l'adoption de la technologie 5G. Cette technologie aura des conséquences négatives pour les travailleurs affectés à des tâches routinières, qui verront leur pouvoir d'achat collectif diminuer. Pour répondre à ce bouleversement et continuer à stimuler l’économie, le loyer de l’argent doit rester bas.

Depuis cinq ans, nous entendons dire que les taux d'intérêt vont augmenter et que le cycle économique est sur le point de s'achever. Toutefois, le statu quo perdure. Aujourd'hui comme demain, les banques centrales auront pour mission de prolonger le cycle économique, et partant, de maintenir la prospérité.

Selon Eurostat, la part de la population de la zone euro en risque de pauvreté est passée de 11% en 2008 à 14% en 2018 et elle continue d'augmenter. En l’absence de nouveau mode de redistribution de la richesse, les inégalités sociales s’accentueront étant donné l'impact que la 5G aura sur l’emploi et la croissance économique. De nouvelles formes d’intervention des banques centrales seront par conséquent nécessaires pour mieux partager les richesses à l’avenir. Il ne suffira plus d'abaisser les taux d’intérêt. Elles pourront, par exemple, élargir le périmètre de l’assouplissement quantitatif, mieux contrôler la courbe des taux, imposer davantage de limites aux émetteurs, prendre certaines libertés par rapport à la clé de répartition du capital de la BCE et recourir à «l'hélicoptère monétaire». Cette dernière mesure consiste à donner de l’argent directement aux citoyens et aux entreprises, à faire tourner la planche à billets et/ou à baisser les impôts dans le but d'injecter des liquidités dans l’économie.

Quel impact pour les investisseurs?

La sélection des émetteurs est primordiale et il convient de privilégier une gestion active. En dépit de la faiblesse des rendements et des spreads, des opportunités persistent dès lors que des soubresauts ne sont pas à exclure. Pour les dénicher, rien de tel qu'une sélection judicieuse des émetteurs, ce que les fonds passifs ne sont pas à même de faire.

Nous préférons toujours la dette d'assureurs, les obligations AT1, les anciennes obligations Tier 1 et 2, ainsi que les titres hybrides d’entreprises. Outre la valorisation, l’offre nette négative d’obligations Tier 2 devrait offrir un soutien technique à ce segment à l’avenir, tout comme la perspective d’une offre nette nulle pour les obligations AT1.

L’assouplissement de la politique monétaire fera sentir ses effets jusqu’à la fin du premier trimestre 2020 et les liquidités excédentaires dans le système l’emporteront sur les tensions commerciales. Si les échéances comprises entre cinq et huit ans nous semblent les plus pertinentes à l’heure actuelle, la sélection des émetteurs est encore plus importante. Nous maintenons le cap et restons optimistes à l’égard du segment «mid yield». En effet, nous considérons que la conjoncture économique poussive, la posture accommodante des banques centrales qui devraient garder les rendements souverains sous contrôle (notre scénario de base vaut pour les bons du Trésor américain à 10 ans jusqu'à la fin 2020, dont le rendement était de 1,75% en début d’année) et le redressement des bénéfices des entreprises sont autant de facteurs bénéfiques à ce segment. En 2020, nous tablons sur des performances sans commune mesure avec celles de l'année dernière mais néanmoins positives et encourageantes. Pour remédier à la faiblesse des taux d'intérêt, il convient de privilégier les produits de spread.