Petites capitalisations: un potentiel à saisir pour la gestion active

Harry Nimmo, Aberdeen Standard Investments

4 minutes de lecture

Il existe de nombreuses opportunités pour les gérants d’actifs qui investissent dans les petites entreprises.

Où les gérants actifs peuvent-ils trouver un potentiel de création de valeur à partir d’investissement dans les petites entreprises? En quoi cette approche diffère-t-elle de la manière dont leurs homologues investissent dans les grandes capitalisations? Et dans quelle mesure la montée en puissance de la gestion passive et quantitative change-t-elle la donne?

Un univers plus vaste + moins d’analystes = davantage d’opportunités pour les gérants actifs

Les analystes des banques d’investissement sont moins nombreux pour chaque petite valeur que pour couvrir les grandes entreprises, à la fois parce que les premières sont plus nombreuses et que leur capitalisation boursière est plus modeste. En effet, une capitalisation boursière plus faible est synonyme d’un volume d’échanges plus réduit, et donc de revenus moins élevés pour les banques d’investissement. Le marché américain concentre presque la moitié des noms de l’indice MSCI AC World Smaller Companies. Sur celui-ci, en moyenne 23 analystes couvraient les grandes capitalisations en 2016, contre sept pour les petites capitalisations1.

Les dispositions réglementaires de la MIFID II ont une influence très nette sur le secteur de l’intermédiation financière. Un an après l’entrée en vigueur de la nouvelle directive, une étude Numis du marché des petites capitalisations britanniques s’est intéressée à ses conséquences sur la couverture des valeurs par les analystes financiers2, pour constater que la couverture totale par les services de recherche avait diminué d’environ 8%.

Les analyses disponibles sur les petites capitalisations
sont souvent beaucoup plus superficielles.

Une étude Numis antérieure avait montré que les recommandations des banques d’investissement sur les petites capitalisations étaient créatrices de valeur4 (à l’unique exception des titres qui n’avaient qu’une seule recommandation), ce qui n’était pas le cas pour les grandes entreprises.

Les actions des sociétés de plus petite taille affichent également un éventail de performances boursières plus varié, du meilleur au pire. Ainsi, 26% des valeurs de l’indice MSCI AC World Smaller Companies ont dégagé des rendements supérieurs à 50% en 2017, contre 17% des titres de l’indice MSCI AC World3. À l’autre extrémité, 0,5% des valeurs de l’indice Smaller Companies (70 noms) accusaient des pertes de plus de 50%, contre 0,02% (cinq titres seulement) des grandes et moyennes capitalisations.

Cette situation reflète des perspectives de développement plus diversifiées. Les petites sociétés ont un potentiel de croissance plus important, mais elles comportent également une plus grande proportion de valeurs perdantes, avec 16% pour l’indice MSCI AC World Smaller Companies (contre 7% pour le MSCI AC World) en 2017.

Les analyses disponibles sur les petites capitalisations sont souvent beaucoup plus superficielles. En exploitant ce défaut d’information, il est souvent possible d’identifier des placements intéressants que les autres n’auraient même pas encore remarqués.

Rôle croissant des investisseurs passifs

Si le passage de la gestion active à la gestion passive constitue un thème omniprésent pour les portefeuilles de grandes capitalisations, c’est de plus en plus le cas aussi pour les petites valeurs. Les produits de gestion factorielle, gérés à partir de modèles quantitatifs, sont en plein développement, tout comme les gérants « macro », qui achètent et vendent des produits indiciels pour concrétiser leurs visions du marché. Il s’ensuit que les gestionnaires d’actifs qui ne procèdent à aucune analyse individuelle des sociétés détiennent une proportion croissante du marché, ce qui augmente le potentiel de création de valeur des gérants adeptes de la sélection de titres.

Rares sont les investisseurs à traiter les petites entreprises
comme des opportunités de placement distinctes.

Le coût de la collecte et du traitement des données a diminué tandis qu’augmentait le nombre de professionnels de l’investissement possédant des compétences quantitatives. Ces analystes quantitatifs peuvent traduire rapidement la recherche fondamentale en pratique au niveau du portefeuille. Pourtant, il persiste des anomalies – dont l’analyse fondamentale peut tirer parti – parmi les sociétés de plus petite taille, en raison de l’augmentation des coûts du négoce de titres et des faibles possibilités de constituer des positions à découvert.

Rares sont les investisseurs à traiter les petites entreprises comme des opportunités de placement distinctes. Les fonds de petites sociétés ne représentent que 2,5% de l’univers global des fonds d’actions internationaux de Morningstar4. Pourtant, les petites capitalisations représentent 14% de l’indice MSCI All Country World (MSCI ACWI IMI Index). Ajoutons que 33% de ces fonds de petites sociétés étaient à gestion passive, contre 17% pour les fonds de grandes capitalisations.

L’écart des commissions entre fonds d’actions à gestion active et passive est moins prononcé dans le cas des petites capitalisations. Fidelity a récemment fait parler de lui en proposant aux investisseurs américains deux fonds sans commission de gestion. Un investisseur américain dans le FTSE 100 Index Unit Trust de Vanguard ne paiera ainsi que 0,06% de frais courants5, tandis que le fonds Vanguard Global Small-Cap Index Fund facture des frais courants de 0,38% aux investisseurs britanniques.

Les investisseurs institutionnels négligent souvent les entreprises plus petites

Peu d’investisseurs institutionnels font ressortir les petites capitalisations au sein de la catégorie globale des actions.

L’auteur (Harry Nimmo) investit avec succès depuis longtemps (plus de vingt ans) dans des petites capitalisations, et pourtant les appels d’offres (RFP) sont restés extrêmement rares. De nombreux investisseurs institutionnels suivent les recommandations des conseillers financiers, lesquels aident leurs clients à élaborer et à valider une stratégie de placement à long terme. Ces professionnels très nombreux, qui exercent une large influence, négligent systématiquement les occasions que représentent les petites entreprises au sein de l’univers de placement.

L’univers des petites capitalisations est très étendu, ce qui suppose
une prime aux gestionnaires qui possèdent le plus de moyens.

L’analyse des styles d’un portefeuille d’actions à gestion active typique montrerait que les petites capitalisations y sont sur-représentées. Un fonds typique affiche une sous-pondération des plus grandes sociétés d’un indice. Et, lorsque c’est possible, ces fonds possèdent quelques rares participations dans (les plus grandes) des sociétés de petite taille. Ce facteur décourage toute augmentation de l’exposition spécifique aux petites capitalisations.

Les investisseurs qui ignorent les petites entreprises sur la base de l’analyse des styles de gestion passent à côté d’opportunités de sélection de titres dans une très vaste proportion du marché d’actions global.

Un large éventail de risques suppose un large éventail de possibilités

L’univers des petites capitalisations est très étendu, ce qui suppose une prime aux gestionnaires qui possèdent le plus de moyens. Créer de la valeur à partir d’un large univers d’actions internationales exige un processus d’investissement rigoureux. Une certaine dose de filtrage quantitatif constitue une première étape nécessaire pour évaluer plus de 6 000 sociétés et ce, que les investisseurs se décident par la suite en fonction de critères de jugement, d’analyse quantitative ou d’une combinaison des deux.

La prime des petites capitalisations n’est pas la seule «prime de style» offerte aux investisseurs dans les petites valeurs. Les stratégies orientées «quality», «momentum», «value» et «low volatility». Affichent également des primes à long terme – mais aussi des périodes significatives de sous-performance. Par exemple, la gestion orientée value est à la traîne, même sur dix ans.

Les investisseurs doivent mobiliser leur jugement pour comprendre
les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).

Les investisseurs doivent également prendre conscience des risques géographiques, sectoriels et de change, qu’ils ciblent activement ces risques ou que ceux-ci découlent indirectement de leur processus de sélection de titres.

Le risque propre à chaque société

Le risque – et le potentiel – majeurs d’un portefeuille de petites sociétés résident dans le risque propre à chaque valeur. Une analyse quantitative peut mettre en lumière les zones susceptibles de receler des occasions de placement, mais les investisseurs disposeront d’une meilleure compréhension avec l’analyse fondamentale.

Les gérants de portefeuilles qui rencontrent les équipes dirigeantes peuvent apprécier ces aspects de l’investissement difficilement quantifiables, tels que la stratégie d’entreprise. Les investisseurs doivent mobiliser leur jugement pour comprendre les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). L’analyse ESG constitue non seulement une étape nécessaire pour bien appréhender les risques, mais elle permet également aux investisseurs d’encourager les entreprises à changer de comportement…. avec la perspective pour les actionnaires de profiter d’une révision des notes ESG.

 

1 Bloomberg, 2016.
2 Scott Evans, Paul Marsh, Elroy Dimson (2019), Numis Smaller Companies Index 2019 Annual Review.
3 Factset.
4 Morningstar Direct, données au 31/12/2017. Univers de fonds dans les secteurs EAA.