Par-delà les chiffres

Stuart Dunbar, Baillie Gifford

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L’analyse quantitative ne pourra jamais amener les transformations sociales positives dont notre monde a besoin.

Cartographier les critères ESG est devenu un exercice ennuyeux, se résumant à un cochage de cases et à une conversion en scores. Mais les problèmes les plus complexes de notre monde ne peuvent pas être résolus par de simples chiffres. Pour de nombreux investisseurs, investir de manière durable signifie simplement acheter un fonds passif répliquant un indice ESG. L’approche est erronée. Une décision d’investissement qui se base uniquement sur une vision partielle constituée par quelques indicateurs ne permet pas la formation d’actifs durables. En effet, les indicateurs ESG se focalisent davantage sur les risques systémiques présentés par un portefeuille que sur les opportunités que présentent, grâce à leur comportement positif, des entreprises individuelles.

La subjectivité des notations ESG

La faiblesse de l’approche quantitative en matière d’ESG est clairement illustrée par le fait qu’une même entreprise peut être notée de manière différente par les différentes agences de notation. Si ces notations sont aussi variées, c’est parce qu’elles sont subjectives. Un fait dont les gestionnaires d’actifs et les investisseurs doivent être conscients. Les notations ESG auxquelles ils se fient peuvent ne pas correspondre à leur propre interprétation de l’investissement responsable à un moment donné ou pour un secteur particulier.

L’investissement durable requiert donc une approche très spécifique. Les investisseurs devraient notamment s’engager de manière ciblée auprès de chaque entreprise pour déterminer si, et dans quelle mesure, ces dernières font face aux défis du monde réel. Cela implique un dialogue actif avec les entreprises afin d’encourager le changement.

L'ESG comme opportunité plutôt que comme objectif

Notre société est structurée de telle manière qu’elle nécessite de nombreux produits issus d’industries ayant un impact négatif sur l’environnement. Les chaines d’approvisionnement internationales reposent sur trafic aérien; les aliments doivent être emballés; les routes, les ponts et les bâtiments doivent être construits – en particulier dans les pays en développement.

Au lieu de prétendre que nous pourrions nous passer de ces activités, il faut se concentrer sur la réduction de leur impact. C’est précisément là que la vision quantitative limitée des notations ESG ne suffit plus. Une approche réfléchie de la croissance durable, en revanche, permet non seulement de relever les défis ESG de notre époque, mais ouvre également des opportunités d’investissement.

Les entreprises qui répondent aux besoins et aux défis de la société en bénéficieront également, à long terme, du point de vue financier. Une vision à long terme est indispensable pour un progrès durable. Il faut également partir du principe que les entreprises qui créent des externalités négatives en seront tenues pour responsables dans un horizon d’investissement pertinent.

Tant que les investisseurs intègrent les facteurs et principes ESG de manière holistique dans leur analyse, qu’ils considèrent la durabilité comme une opportunité et qu’ils expliquent clairement les raisons appuyant leurs décisions d’investissement, ils pourront répondre aux exigences réelles que leur imposent les trois dimensions – environnementale, sociale et de gouvernance - de la durabilité.

Le cas Tesla

Tesla est un exemple flagrant des incompréhensions suscitées par certaines approches ESG. Les indicateurs standards utilisés pour évaluer la crédibilité ESG d’une entreprise conduiraient probablement à un résultat négatif pour la société, car Tesla ne répond pas à bon nombre de critères. Que ce soit son conseil d’administration, le système de rémunération de ses dirigeants, ses affrontements avec le régulateur américain (la SEC) ou son radicalisme sur Twitter, Tesla n’est pas une entreprise qui fait battre les cœurs ESG. Pour autant, il ne fait aucun doute qu’Elon Musk a guidé l’ensemble de l’industrie automobile dans une direction de plus en plus durable. Pas seulement parce qu’il a remplacé les moteurs à combustion dans ses modèles, mais parce qu’il a également forcé une industrie très réticente à changer.