Pékin au chevet de l'économie chinoise

Fabien Bulliard, Fidelity International

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En Chine, les responsables sont aux prises avec les répercussions indirectes de l’épidémie du coronavirus.

Les A shares chinoises ont dévissé de 8% le 3 février. Il faut remonter à août 2015 pour trouver une séance aussi éprouvante à la bourse de Shanghai. Cela était néanmoins prévisible pour cette séance de rentrée après la semaine de vacances du Nouvel An chinois. Le gouvernement central et les collectivités locales ont uni leurs forces ces derniers jours pour atténuer l'impact financier et économique de l'épidémie de coronavirus.

La question clé pour les investisseurs est de savoir comment quantifier ces mesures. Les mesures monétaires et budgétaires prises jusqu'ici ne sont pas aussi fortes que celles prises dans le sillage de la crise financière en 2008-2009, mais elles sont plus ambitieuses que celles prises pendant l'épidémie de SRAS en 2003.

La principale différence cette-fois ci réside dans le poids économique relatif de la Chine. En 2003, la Chine ne contribuait qu'à hauteur de 4% de la croissance du PIB mondial, contre 16% aujourd'hui. Par conséquent, l'impact des mesures de relance sur le PIB de la Chine et le PIB mondial sera bien plus important qu'en 2003. Et cette fois-ci, les mesures budgétaires et monétaires ont été prises plus rapidement et sont plus ciblées que lors des précédentes crises.

Un soutien financier ciblé

Lundi, la Banque populaire de Chine (PBOC) a injecté 1’200 milliards de renminbis (soit 170 milliards de dollars) par le biais d'opérations de mise en pension et a baissé le taux «repo» de 10 points de base. Néanmoins, si l'on tient compte des contrats arrivant à échéance, le montant net injecté est à peine supérieur à 21 milliards de dollars. Les responsables politiques ont promis toute une série de mesures de soutien complémentaires : des baisses d'impôts pour les entreprises, ainsi qu’une réduction du coût de l'endettement pour les petites et moyennes entreprises (PME) en difficulté. De son côté, l'autorité des marchés financiers dissuade la vente à découvert sur marge et a autorisé la prolongation des contrats de nantissement de titres.

Cette approche tranche avec les mesures tous azimuts prises par la Chine en novembre 2008 pendant la crise financière : le gouvernement avait alors annoncé un plan de relance colossal de 4’000 milliards de renminbis (570 milliards de dollars au taux de change actuel). Cet effort de relance représentait 14% du PIB en 2008.

En comparaison l'impact de ces dernières mesures est positif mais plus limité. Nous pensons que les responsables politiques se montreront encore plus proactifs à l'avenir. Les répercussions de l'épidémie de coronavirus sur l'économie chinoise, qui ralentissait déjà, et sur les marchés, ne se sont pas encore totalement manifestées et les responsables ne se contenteront probablement pas d'être réactifs : ils s'efforceront de prendre les devants pour limiter les dégâts et créer les conditions d'une reprise.

Que reste-t-il comme leviers à actionner?

Par la suite, il est possible que les autorités chinoises prennent des mesures plus générales, par exemple en abaissant encore le coefficient de réserves obligatoires ou les taux prêteurs de référence tels que le Medium-term Lending Facility (MLF) ou le Loan Prime Rate (LPR). Le gouvernement pourrait également actionner le levier budgétaire en prenant des mesures davantage axées sur la croissance ou en procédant à des baisses d'impôts ciblées ou encore à une réduction des cotisations sociales, notamment en faveur des PME.

Quid de la consommation des ménages? L'épidémie de coronavirus aura inévitablement un impact négatif à court terme. Néanmoins, la consommation des ménages devrait résister. La montée en gamme des consommateurs chinois, une tendance lourde à l'œuvre dans de nombreux secteurs, devrait se poursuivre.

S'agissant des marchés financiers, la correction intervenue lundi dernier était à sens unique: les investisseurs étaient baissiers à Shanghai/Shenzhen mais haussiers à Hong Kong. Les investisseurs nationaux ont réduit leur prise de risque tandis que les investisseurs étrangers étaient en réalité acheteurs nets de A shares: le montant net des flux de Hong Kong en direction de la Chine continentale via la passerelle du Stock Connect a été le deuxième le plus important de l'histoire sur une seule séance. Il faut remonter à 2018, au début de la guerre commerciale avec les États-Unis, pour retrouver une telle divergence dans les flux «onshore/offshore». Cette divergence s'est atténuée mardi mais les marchés devraient rester volatils.

Comparaisons avec le SRAS

L'épidémie de coronavirus continue de s'étendre rapidement et le nombre de cas est déjà supérieur à celui de l'épidémie de SRAS en 2003. Il est vrai que la réactivité et le degré de préparation des autorités dans l'ensemble du pays sont sans commune mesure avec la situation observée il y a 17 ans. Dans ces conditions, il est possible que l'épidémie soit maîtrisée plus rapidement. Cette meilleure réactivité est en partie le fruit des innovations dans le domaine de la génétique et de la médecine moléculaire, qui ont permis d'isoler et de suivre les mutations du virus. En 2003, il avait fallu beaucoup plus de temps pour séquencer le génome du SRAS. Par conséquent, il faudra peut-être moins de temps pour développer un vaccin permettant d'enrayer l'épidémie actuelle.

La réaction actuelle des pouvoirs publics suggère que ces derniers ont tiré d'autres enseignements plus subtils de l'épidémie de SRAS en 2003. Avec les nouvelles injections de liquidités, le dépassement toléré du coefficient de réserves obligatoires et les mesures de refinancement à taux préférentiel, la banque centrale chinoise semble avoir adopté une approche plus ciblée, censée améliorer la transmission de la politique monétaire au système bancaire qui, lors des précédents épisodes d'assouplissement, avait échoué à faciliter l’accès au crédit pour les entreprises privées (qui en avaient grandement besoin) en raison de l'aversion au risque et de la préférence pour les titres des entreprises publiques considérés comme des valeurs refuge. En Chine, la dette représente 260% du PIB, ce qui en fait l'un des pays émergents les plus endettés. La méthode consistant à cibler les secteurs et les entreprises les plus touchés est sans doute pertinente. Reste à savoir si toutes les entreprises en difficulté parviendront à attraper cette bouée de sauvetage.

Le timing de l'épidémie est un autre facteur important à prendre en compte: en 2003, l'épidémie de SRAS a atteint son apogée en avril/mai. Cette fois-ci, le coronavirus a frappé pendant le Nouvel An chinois, une période pendant laquelle les entreprises s'attendaient à maximiser leur chiffre d'affaires. Elles avaient donc gonflé leurs stocks en conséquence. Compte tenu des mesures de mise en quarantaine durable, les entreprises sont désormais confrontées à la perspective d'une longue période pendant laquelle elles devront verser des salaires, payer des impôts et régler leur loyer tout en voyant leur chiffre d'affaires baisser, voire s'effondrer. Cela est de nature à peser lourdement sur la consommation et la production manufacturière.

Les pessimistes estimeront que ces mesures draconiennes pourraient avoir un impact économique plus profond que lors de l’épidémie de SRAS en raison des répercussions ou des effets inattendus des mises en quarantaine et des perturbations subies par les entreprises. Toutefois, nous sommes plus optimistes, considérant que le train de mesures annoncé est bien plus complet que celui pris pour compenser l’impact économique du SRAS. Ce n’est pas seulement le degré de préparation et la volonté d’agir qui compte aujourd'hui mais l’ampleur de l’effort de relance au regard des défis à relever. D’autres mesures de relance sont probablement en préparation. 

 

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