MiFID II et préférences ESG: une révolution copernicienne pour l’Europe?

Pierre Moulin, BNP Paribas Asset Management

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La révision de la directive MiFID II, qui obligera les sociétés d'investissement à évaluer les préférences des clients en termes de durabilité, impactera les gérants d'actifs.

Dès le 2 août, les conseillers et distributeurs de produits financiers devront demander à leurs clients d’indiquer leurs préférences en matière de durabilité. Cela fait partie de l'agenda européen visant à diriger les capitaux vers les entreprises les plus actives dans la transition vers une économie inclusive et à faible émission de carbone. Nous pensons que cette réglementation est un puissant accélérateur qui donne du pouvoir aux investisseurs et améliore la transparence dans un environnement réglementaire particulièrement dense où la lutte contre le «greenwashing» est omniprésente.

Le questionnaire MiFID, qui sera utilisé pour recueillir les préférences et établir l’adéquation des produits à proposer, aura un rôle essentiel à jouer. Il porte sur les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, l'alignement des produits sur la taxonomie européenne et les «externalités négatives des investissements». L'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) a récemment livré les premiers éléments d'un cadre prescriptif. Nous y voyons une initiative à saluer, car elle devrait déboucher sur des questionnaires harmonisés.

Les réponses des investisseurs devront alors se traduire en une gamme concrète de produits. Ce modèle «à la carte» comporte toutefois un défi majeur: réussir à faire concorder les préférences avec les caractéristiques des divers fonds.

De nouveaux défis pour les gestionnaires d’actifs

Dans ce nouveau paradigme, le secteur de la gestion d'actifs a un rôle essentiel à jouer: celui de proposer une offre complète correspondant à l'ensemble des profils d'investisseurs, non seulement en termes de préférences ESG, mais aussi de disposition au risque, de diversification du portefeuille, de liquidités etc.
Selon les objectifs recherchés, les fonds devront:

  • soit limiter les principaux impacts négatifs tels que les émissions de gaz à effet de serre ou l’inégalité salariale femmes-hommes;
  • soit intégrer une proportion d’actifs définis comme «durables»;
  • soit être en accord avec les objectifs de la taxonomie européenne tels que l'atténuation du changement climatique et la protection des écosystèmes.

L'introduction des règles de MiFID 2 devrait rendre les fonds durables encore plus attrayants, mais il faudra veiller à maintenir une allocation équilibrée des capitaux afin d’éviter une concentration excessive des investissements.

Les données et la technologie seront déterminantes

Après l'introduction de MiFID II, les normes techniques réglementaires de niveau 2 s'appliqueront à partir du 1er janvier 2023. Celles-ci constitueront un cadre solide quant à la manière dont les gestionnaires d'actifs communiqueront sur les fonds dits ‘des articles 8 et 9’ en vertu du règlement SFDR. Ensuite, à partir de 2024, la directive sur les rapports de durabilité des entreprises (CSRD), encore en discussion, servira à renforcer les obligations des entreprises en matière de rapports financiers et de communication ESG.

Certes, nous saluons les progrès résultant de ce cadre réglementaire, mais sa mise en place pourrait suivre un ordre plus pertinent: si les entreprises commençaient par divulguer leurs données ESG de manière transparente et harmonisée, les gestionnaires d'actifs pourraient alors s’en servir pour élaborer leurs offres de fonds, et les distributeurs pourraient finalement évaluer les préférences des investisseurs quant aux investissements durables. Or, la séquence choisie par l’UE force les gestionnaires d'actifs à utiliser d'autres moyens pour parvenir à recueillir des données extra-financières auprès des entreprises, ce qui peut être difficile.

En outre, pour définir la composition optimale d'un portefeuille en fonction des préférences ESG d'un investisseur, la technologie sera essentielle pour collecter et traiter les données ESG, et pour s'assurer qu'elles seront bien prises en compte dans les stratégies d'investissement.

Perspectives

Dans les années à venir, mettre en œuvre la législation sur la finance durable sera une tâche importante pour le secteur des services financiers. Il reste encore du chemin à faire, notamment pour améliorer la qualité et l'accès aux données ESG des entreprises. Nous sommes toutefois persuadés qu’en fin de compte, MiFID II et d'autres réglementations permettront une plus grande normalisation, pour le bien des clients.

N’oublions pas que tout cela représente bien plus qu’un nouveau cadre juridique: c’est un pas important en direction d’une réallocation du capital à la transition écologique et aux domaines sociaux. La transition se fera avec le temps et avec l’aide de tous les acteurs concernés: distributeurs, gérants d’actifs, régulateurs – et bien sûr, les investisseurs eux-mêmes.