Longue et douloureuse route vers la COP27

Mike Appleby, Liontrust

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Le dernier rapport accablant publié par le GIEC met en garde contre les effets « irréversibles » du réchauffement de la planète.

Selon les dernières études du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) publiées fin février, près de la moitié de la population mondiale est «très vulnérable au changement climatique» et chaque nouvelle augmentation du réchauffement de la planète au-delà des 1,5 degrés fixés dans l’Accord de Paris risque d’entraîner des dommages climatiques nouveaux et encore plus catastrophiques.

Ces nouveaux rapports font suite à la COP 26, organisée en novembre dernier à Glasgow, et dont l'un des principaux objectifs était de limiter l’augmentation des températures à 1,5 degré. Notre bilan de cette Conférence des parties est le suivant: du bon, du mauvais mais aussi des pistes de développement intermédiaires susceptibles de contribuer à l'objectif «1,5 degré».

D’une COP à l’autre

Faisons un bref rappel historique: la COP 15 de 2009 à Copenhague a été largement considérée comme un échec, à l'exception de l'introduction d'un objectif général consistant à limiter l'augmentation maximale des températures à moins de 2 degrés par rapport aux niveaux pré-industriels. À cette époque, alors que les preuves scientifiques du changement climatique étaient encore loin d’être reconnues, la température moyenne de la planète avait augmenté d'environ 0,8°C par rapport au niveau de référence de 1880, et était en passe d'atteindre une hausse de 3,5°C d'ici la fin du siècle. Si, à première vue, ces chiffres peuvent sembler modestes, un degré de plus peut tout à fait entraîner une nouvelle ère glaciaire.

Avançons jusqu'en 2015. La COP21 à Paris a été considérée comme la plus grande réussite à ce jour, la grande majorité des pays ayant finalement accepté un objectif officiel global de limiter les augmentations moyennes à moins de 2 degrés, et idéalement moins de 1,5 degré, d'ici 2100. Les pays ont également été invités à soumettre des engagements de réduction des émissions d'ici 2030, appelés «contributions déterminées au niveau national» (CDN), qui seront réexaminés d’ici cinq ans lors de la COP26.

Le réchauffement de la planète a désormais atteint 1,2°C et si nous prenons en compte le scénario le plus optimiste, qui présuppose la mise en œuvre complète de l’ensemble des objectifs annoncés (les stratégies à long terme et les CDN), nous devrions rester en dessous de l’objectif de 2 degrés promu par l’Accord de Paris, à 1,8°C d’ici 2100. En étant plus terre-à-terre, les mesures réelles fondées sur les politiques actuelles nous placeraient bien au-delà de l’objectif de l’Accord de Paris à cette date, à 2,7°C. Cela sous-entend que l’urgence grandit pour les dernières COP sur le changement climatique d’ici 2030 (à commencer par celle de Charm el‑Cheikh en 2027) et suggère un renforcement des réglementations pour réduire les émissions à l’échelle mondiale au cours des prochaines décennies.

La transition climatique non linéaire porte déjà ses fruits

À l’image de bons nombres de chiffres qui sous-tendent nos thèmes d’investissement durable, en particulier l’augmentation de 1,2°C des températures mondiales moyennes, les données relatives au changement climatique sont inquiétantes et la trajectoire des émissions des gaz à effet de serre (GES) ne semble pas s’inverser, les émissions de dioxyde de carbone continuant à augmenter dans l'atmosphère. Le monde continuera de dépendre d’une énergie abondante et bon marché pour soutenir notre mode de vie moderne et ce sont actuellement les combustibles fossiles qui nous fournissent 80% d'énergie primaire qui, fait révélateur, est toujours mesurée en termes de tonnes d’équivalent pétrole.

En grattant la surface, les traces de la transition énergétique en cours sont toutefois visibles et nous insistons constamment sur le fait que le changement est à la fois non linéaire et a tendance à se produire rapidement: lorsqu’une meilleure alternative, moins chère, est découverte, elle remplace rapidement le système en place. L’intensité des émissions de GES décroît dans l’ensemble des plus grandes économies depuis 30 ans, la Chine ayant fait les progrès les plus notables où les émissions par unité de PIB ont diminué de plus de la moitié.

Parallèlement, les innovations en matière de technologies renouvelables, du solaire en passant par l’éolien jusqu’aux batteries lithium-ion, et leur mise en œuvre à grande échelle ont réduit leur coût, ce qui s’est traduit par une fantastique croissance de la demande. Alors qu’elle était prohibitive il y a dix ans, l'énergie solaire est aujourd'hui l'option la moins onéreuse aux États-Unis, moins chère même que le gaz naturel issu de la technique de fracturation. Cette croissance de la demande d'énergies renouvelables s'est accompagnée d'une destruction de la demande dans les secteurs générant d’importantes émissions de CO2: aux États-Unis, la production d'électricité à partir du charbon a chuté de 61% depuis 2008, par exemple, et sa part dans le mix énergétique est inférieure à celle du nucléaire depuis 2020.

Dans le cadre du processus de gestion des stratégies Liontrust Sustainable Future, nous évoquons une pyramide interconnectée entraînant des changements structurels. Cette pyramide se compose - à la base - de données scientifiques améliorant la compréhension des problématiques, du comportement de la société, qui appelle au changement, des États, qui définissent les politiques et, enfin, des entreprises qui développent des solutions adaptées. Selon nous, ces entreprises disposent de deux avantages que le marché comprend mal: une croissance soutenue et une concurrence réduite.

Nous pensons que tous les agents économiques – États, entreprises et particuliers – revoient leurs ambitions à la hausse dans le cadre d'un processus itératif et interdépendant. Puisque la société dans son ensemble exige des mesures plus radicales et que les entreprises proposent des solutions adaptées, les États peuvent accroître leurs objectifs de décarbonation. Fait encourageant, la trajectoire vers la neutralité carbone ne nécessite pas d’inventions extraordinaires: nous nous dirigeons, par exemple, vers une augmentation de 25% de l’énergie solaire, vers 60% de véhicules électriques dans les ventes automobiles mondiales et vers la neutralité carbone de tous les nouveaux bâtiments construits d’ici 2030. Comme l'a déclaré l'auteur américain de science-fiction William Gibson, «l'avenir est déjà là, mais il est inégalement partagé». Nous pensons que les entreprises qui sont du bon côté de la transition énergétique et qui fournissent des solutions bas-carbone devraient bénéficier de l'amélioration de ce partage.

Comme nous le soulignons depuis le lancement des fonds Sustainable Future en 2001, la réduction nécessaire des émissions de CO2 aura une incidence sur l’ensemble de l’économie, notamment sur notre système énergétique et sur la manière dont nous chauffons ou refroidissons les bâtiments, tout en provoquant également des transformations dans les transports, les processus industriels, l’agriculture et l’utilisation des terres. Bon nombre de nos thèmes durables sont liés à l’abandon des combustibles fossiles, notamment l’efficacité énergétique et industrielle, les énergies renouvelables et les économies circulaires, mais aussi la manière dont nous construisons les villes, dont nous nous nourrissons et dont nous finançons les investissements nécessaires pour permettre une transition rapide.

Cette transition vers une économie très bas-carbone aura également un impact sur les performances des investissements: les entreprises participant à cette transformation devraient être florissantes, tandis que celles qui se trouvent du mauvais côté de la transition énergétique (ou qui ne s’attaquent pas à ses conséquences) courent le risque de subir un déclin durable. Nous continuons d’investir aux côtés des gagnants, d'éviter les perdants et de dialoguer avec les entreprises afin de promouvoir des objectifs de décarbonation plus ambitieux.