Les vaches, sont-elles une menace pour le climat?

Velislava Dimitrova, Fidelity

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Le méthane émis par les vaches peut être plus polluant que le CO2. Des procédés permettraient d’y remédier.

© Gettyimages

L’une des pistes les plus intéressantes pour lutter contre le réchauffement de la planète ne concerne pas les gaz émis par les cheminées d’usine ou les pots d’échappement des voitures, mais plutôt les gaz émis par les vaches.  Réduire ou éviter les quantités énormes et nocives de méthane que les vaches libèrent dans l’atmosphère par leurs rots ou leurs flatulences est un moyen efficace de lutter contre le changement climatique.

Une menace (pas si) silencieuse

Si parmi les gaz à effet de serre le dioxyde de carbone retient davantage l’attention, le méthane est, à certains égards, un polluant bien plus menaçant. C’est l’un des principaux composants du smog au niveau du sol et il est responsable d’environ 30% du réchauffement de la planète depuis l’ère préindustrielle. Les deux principales sources d’émissions de méthane dues à l’activité humaine sont l’élevage du bétail et l’extraction du pétrole et du gaz.

Parallèlement à la décarbonation, la réduction du méthane représente elle aussi un moyen privilégié de lutter contre le changement climatique. Alors que les émissions de CO2 restent dans l’atmosphère pendant des siècles, le méthane commence à se décomposer rapidement et disparaît en grande partie en une décennie. Autrement dit, réduire les émissions de méthane aujourd’hui peut permettre de réduire plus rapidement le réchauffement de la planète que de s’attaquer aux émissions de CO2.

Selon un rapport des Nations unies sur la question du méthane au niveau mondial, publié en mai dernier, une réduction de 45% des émissions permettrait d’éviter environ 260'000 décès prématurés par an, ainsi que 775'000 passages à l’hôpital liés à l’asthme, 73 milliards d’heures de travail perdues en raison d’une chaleur extrême et 25 millions de tonnes de pertes de récoltes. Toujours selon ce rapport, cela permettrait également d’éviter une augmentation du réchauffement climatique de près de 0,3 degré Celsius d’ici 2045.

L’élevage en ligne de mire

Le problème des émissions de méthane produites par le bétail n’est pas nouveau. Il est particulier aux ruminants, notamment aux bovins, aux moutons et aux chèvres. Après avoir été ingérées dans le rumen, ou premier estomac, les herbes et les céréales sont digérées par un processus appelé fermentation entérique. Cela crée des quantités substantielles de méthane en guise de sous-produit, qui sont ensuite libérées dans l’atmosphère lorsque les animaux éructent (ce qui représente jusqu’à 95% de leurs émissions de méthane) ou évacuent des gaz par l’autre extrémité de leur corps.

L’élevage est la plus grande source de méthane due à l’activité humaine et représente un tiers des émissions mondiales de méthane, contre un cinquième pour l’extraction, le traitement et la distribution du pétrole et du gaz.

Mais la réduction des émissions de méthane est un défi complexe. La plupart des émissions du bétail proviennent des élevages de vaches destinées aux industries de la viande et des produits laitiers. De manière encourageante au regard de la réduction du méthane, le monde développé montre déjà des signes indiquant que la consommation de viande est sur le point d’atteindre un pic, puisque la croissance de la consommation par habitant est en train de ralentir ou de reculer sur de nombreux marchés. La consommation de viande continue toutefois de s’accélérer dans les pays en développement, à mesure que les revenus augmentent et que les consommateurs adoptent des régimes alimentaires plus riches en protéines (bien que partant d’une base nettement inférieure). Selon les données de l’OCDE, la consommation annuelle de viande dans les pays en développement ne devrait encore atteindre que 27,4 kg par personne en 2029, contre 70,9 kg dans les pays développés.

Pas de réponses simples

Pour les investisseurs qui privilégient le développement durable, il existe plusieurs façons de s’exposer à la réduction des émissions de méthane issues de l’élevage.

Tout d’abord, les substituts de viande ou de produits laitiers à base de plantes, tels que ceux produits par des entreprises comme Beyond Meat, Oatly ou Impossible Foods, constituent un segment de produits en pleine expansion et sont désormais largement répandus auprès des consommateurs. Par ailleurs, un certain nombre de viandes cultivées en laboratoire sont sur le point d’être commercialisées. Elles sont fabriquées à partir de cellules animales cultivées in vitro et ne nécessitent ni l’élevage ni l’abattage d’animaux. Toutefois, malgré leur empreinte environnementale considérablement plus faible, les substituts de viande de ce type resteront probablement des solutions de niche comparées à la taille phénoménale des industries de la viande et des produits laitiers et des prévisions de consommation de protéines animales pour les années à venir.

Les grands producteurs de viande et de produits laitiers sont conscients de l’impact environnemental de leurs activités et s’efforcent, à des degrés divers, de l’atténuer. Mais là aussi, les avis divergent quant à la meilleure approche à adopter, notamment en ce qui concerne l’impact sur les émissions des différents types d’aliments pour animaux, des pratiques de pâturage et des additifs alimentaires, entre autres considérations. Par exemple, la plupart des producteurs de viande bovine de l’Union européenne et du Brésil ont tendance à privilégier une alimentation à base d’herbe, alors que les céréales sont plus largement utilisées dans l’alimentation du bétail aux États-Unis. La fermentation entérique de l’herbe produit moins de méthane que les céréales, d’une manière générale (bien que certaines études aient montré que, dans l’ensemble, les bovins nourris aux céréales produisent moins de méthane). D’un autre côté, au Brésil par exemple, les pâturages destinés à l’élevage du bétail ont souvent été créés en défrichant des forêts tropicales. Il n’existe pas de réponse simple et, bien souvent, il faudra arbitrer entre biodiversité et utilisation de l’eau, par exemple.

Des solutions innovantes

Un certain nombre d’entreprises sont à l’avant-garde de solutions plus innovantes pour capturer ou réduire le méthane provenant du bétail, bien que jusqu’à présent, aucune n’ait été adoptée à grande échelle par l’industrie.

Certaines se concentrent sur les technologies de capture du méthane. Zelp, une start-up agrotechnique basée au Royaume-Uni, teste actuellement un masque facial pour les vaches qui fonctionne comme un convertisseur catalytique portable, capable d’oxyder environ la moitié du méthane rejeté en dioxyde de carbone et en vapeur d’eau, en temps réel. Mootral, une entreprise suisse, a mis au point un additif alimentaire naturel pour les vaches, qui contient des extraits d’ail et d’agrumes et qui, selon elle, peut réduire les émissions de méthane de près de 38% dans des applications agricoles réelles. Une étude récente a montré que l’ajout de petites quantités d’algues au régime alimentaire des vaches pendant plusieurs mois pouvait réduire leurs émissions de méthane de 82%.

L’un des produits les plus avancés sur la voie de la commercialisation est le Bovaer, un additif alimentaire développé par la multinationale néerlandaise DSM. Un quart de cuillère à café par vache et par jour peut réduire les émissions de méthane entérique d’environ 30%, selon la société dont les actions sont cotées sur Euronext à Amsterdam.

Plus évocateur encore, Restaurant Brands International, propriétaire de Burger King, a introduit l’année dernière dans certains de ses restaurants aux États-Unis une version de son célèbre Whopper fabriquée avec ce que la société a appelé du «bœuf à émissions de méthane réduites». La chaîne de restaurants a déclaré que l’ajout de feuilles de citronnelle séchées à l’alimentation quotidienne des vaches pouvait réduire d’un tiers les émissions moyennes de méthane au cours des 3 à 4 derniers mois de leur vie (phase d’engraissement avant l’abattage).

Ces affirmations ont été accueillies avec un certain scepticisme par les critiques. Néanmoins, la promotion très médiatisée de Burger King, avec notamment un clip extraordinaire montrant le jeune musicien de country américain Mason Ramsey sortant de l’arrière-train d’une vache pour chanter sur la menace climatique que représente le méthane, a incontestablement attiré l’attention sur ce sujet d’une manière inédite.

De nombreuses pistes prometteuses n’en sont qu’à leurs débuts, mais des mesures supplémentaires doivent être prises pour que les initiatives de réduction du méthane gagnent en importance. Cela suppose notamment de sensibiliser les consommateurs au problème du méthane afin qu’ils fassent des choix plus éclairés en matière d’alimentation. Cela nécessite également de multiplier les avancées scientifiques et technologiques dans le domaine des additifs alimentaires et des méthodes de capture du méthane, afin de réduire leurs coûts et d’améliorer leurs perspectives de commercialisation et d’adoption par l’industrie de la viande et du lait. Dans la lutte contre le changement climatique, le méthane émis par les vaches est un polluant que l’on ne peut tout simplement pas se permettre de négliger.

 

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