Les trois enjeux clés pour l’Allemagne post-Merkel

Wilfrid Galand, Montpensier Finance

3 minutes de lecture

Le futur contrat de coalition est compliqué. Rééquilibrage économique, transition énergétique, vision européenne, seront scrutés par les marchés.

La première économie de la zone euro va bien. Du moins en apparence. Excédent extérieur toujours impressionnant, dette publique maitrisée – moins de 75% du PIB, à faire pâlir d’envie Bercy – et activité manufacturière toujours dynamique. Notre indicateur Montpensier MMS de Momentum économique allemand, quoiqu’en légère baisse depuis trois semaines, reste d’ailleurs très bien orienté, au-dessus de 70. 
 

Le momentum économique allemand résiste au-dessus de 70

 
Rien d’étonnant donc dans ce pays prospère que de voir le piètre score des partis extrémistes lors des élections générales du 26 septembre dernier: autant l’AfD, à la droite de l’échiquier politique, que Die Linke, à sa gauche, ont enregistré une nette perte d’influence. Et qui plus est avec une participation de plus de 75% du corps électoral! 

Ce sont donc les quatre partis centristes – CDU-CSU, FDP, Verts et bien sûr le SPD d’Olaf Scholz, arrivé de peu en tête - qui vont désormais jouer des coudes pour constituer une coalition de gouvernement. A ce stade, l’opinion publique allemande souhaite une coalition SPD / FDP / Verts dirigée par Olaf Scholz, actuel ministre des Finances SPD d’Angela Merkel. Le contrat de coalition devrait s’articuler autour de 3 enjeux clés.  

Résultat des élections allemandes

 
Le premier enjeu est le rééquilibrage de la croissance du pays. D’abord entre investissements publics et investissements privés. Autant les investissements au sens large restent dynamiques puisqu’ils comptent pour plus de 22% de la croissance du pays, autant les investissements publics sont à la traine: moins de 2% du PIB pour la part fédérale et tout juste 4% si l’on rajoute les régions et les municipalités.

Infrastructures numériques, énergétiques, routières, les besoins sont là, partout dans le pays. Dans cette optique, le contrat de coalition pourrait s’appuyer sur l’objectif des Verts de mettre en place un fonds d’investissement public de 500 milliards d’euros sur dix ans, faisant l’objet d’un cantonnement par rapport au budget fédéral afin de respecter le seuil maximal de déficit fixé dans la Loi Constitutionnelle. Le FDP, dans ses premières déclarations post-élections, ne parait pas fondamentalement hostile à un tel mécanisme, même si les négociations sur le montant s’annoncent complexes. 
L’équilibre consommation – investissement doit également être revu Outre-Rhin. Il s’agit ni plus ni moins de mettre en place une «économie à double flux» sur le modèle avancé par le Président Xi Jinping pour la Chine : moins dépendre des exportations et relancer la consommation en relevant l’ensemble des grilles salariales. Le SPD est ainsi favorable à l’augmentation du salaire minimum de 9,60 euros à 12 euros de l’heure.

Le deuxième enjeu est celui des investissements dans le réseau énergétique allemand, qui doit devenir à la fois plus vert et plus résilient. L’électricité y reste en effet produite par le charbon pour 30% contre moins de 2% en France, et l’abandon du nucléaire rend nécessaire un investissement massif dans les énergies renouvelables.

La loi a en effet fixé un objectif ambitieux de réduction des émissions de carbone de 65% en 2030 par rapport à 1990. D’après le think tank Agora Energiewende, cela suppose d’installer annuellement 5GW de capacité éolienne d’ici à 2030. Or en 2020, seuls 1,4GW ont été mis en service. En attendant, l’Allemagne se reporte sur les exportations électriques françaises… et sur ses centrales à gaz, voire au fioul, pour équilibrer son réseau.

Le troisième enjeu est directement lié à l’évolution de la doctrine budgétaire européenne. La pandémie a suspendu les règles de bonne gestion financière, longtemps consubstantielles à la zone euro, et Ursula Van der Leyen l’a encore rappelé dans son «discours sur l’état de l’Union»: pas question d’opérer un virage radical vers l’orthodoxie budgétaire et de réitérer les erreurs de 2011! Le symbole de cette nouvelle approche reste le plan de relance européen de 750 milliards d’euros, assis pour la première fois sur des dettes communes, émises en juin 2021 par l’Union elle-même.

Néanmoins, à mesure que le virus se fait moins virulent, la pression, insensiblement, commence à monter chez les «frugaux» du Nord de l’Europe pour revenir à des pratiques plus soutenables. Le 10 septembre dernier, huit d’entre eux, emmenés par l’Autriche, ont écrit une lettre à la Commission pour lui demander le retour d’un cadre budgétaire plus strict.

Sans l’Allemagne, leur appel a peu de chance d’être entendu. En revanche, l’arrivée au ministère des finances de la République Fédérale d’un Christian Lindner, le président des libéraux allemands du FDP, pourrait bien rappeler aux pays du Sud le temps où Wolfgang Schaüble faisait régner l’ordre budgétaire en Europe. Et signer dès lors la fin de l’ambition d’étendre à d’autres programmes la logique «mutualisée» de la relance post-pandémie. 

Dans tous ces domaines, le contrat de coalition sera au cœur de l’attention des investisseurs. L’Allemagne reste plus que jamais le point d’équilibre en Europe et la force motrice indispensable à ses ambitions et à la poursuite de la «re-rating» de son marché d’actions. 
 
 

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