Les 10 points chauds de l’été

Wilfrid Galand, Montpensier Finance

5 minutes de lecture

Entre virus, macro-économie, géopolitique et banques centrales, l’été 2021 sera dense!

 
1. Le match Vaccins/Variants, le pic macro, les résultats

Alors que l’économie mondiale est en pleine dynamique de réouverture, la progression du variant delta, très contagieux, inquiète un peu partout, au point que certains pays renouent avec les restrictions d’activité. A ce stade, les vaccins semblent efficaces pour alléger la pression sur les systèmes de santé et limiter le retour des confinements, et la clé demeure d’accélérer les campagnes de vaccination partout dans le monde pour atteindre au plus vite l’immunité collective.

Le «pic macro» est probablement derrière nous aux Etats-Unis et en Chine. Cela a le mérite de faire baisser la pression sur les matières premières et donc d’alléger les tensions inflationnistes à moyen terme. La vie des entreprises sera facilitée si leurs marges ne sont pas contrariées par le poids des intrants. La saison des résultats battra son plein de mi-juillet à mi-août. Les perspectives annoncées par les sociétés seront à suivre de près.  

2. La BCE (22 juillet) et la Fed (28 juillet) craignent le coup de chaud

Traditionnellement, les réunions de juillet des banques centrales n’apportent rien de franchement décisif. Cette année pourrait être différente.

D’abord parce que suite à la dernière réunion de la Fed qui a repoussé une fois de plus l’horizon de la normalisation de sa politique monétaire, de nombreux gouverneurs de l’institution se sont exprimés, et ont clairement manifesté des opinions divergentes quant à l’évolution possible des outils utilisés par la Fed. Une clarification est nécessaire et le marché l’attend.

Ensuite parce que, de ce côté-ci de l’Atlantique, la pression monte sur la BCE qui a donné les premiers résultats de sa revue stratégique : cible d’inflation, mode de calcul, intégration des objectifs climatiques. Ces nombreux sujets sur la table ne font pas l’objet d’un consensus entre le Nord et le Sud de l’Europe.

Enfin parce que les situations financières des membres de l’Euro-zone divergent de plus en plus nettement. A l’approche des processus budgétaires pour 2022, avoir de la visibilité sur les conditions de financement est un élément clé de la stabilité de l’Union. 

3. Jackson Hole, les banques centrales face à l’inflation 

Tous les mois d’août, les grands argentiers de la planète se réunissent dans le Wyoming pour réfléchir aux grandes orientations de leurs politiques. Ce séminaire sera particulièrement attendu cette année surtout si aucune indication précise n’a été donnée par la BCE et la Fed fin juillet. 

Le soutien des banques centrales a en effet été déterminant pour permettre aux Etats de mettre en place des plans de soutien massifs à l’économie, et pour aider les marchés à se projeter très vite dans l’après pandémie. 
Mais face à la reprise, les interrogations se multiplient: les taux à zéro, voire négatifs, sont-ils toujours nécessaires alors que la hausse des prix dépasse les 2%? Et quid des interventions toujours massives sur les marchés, plus de 120 milliards de dollars par mois pour la Fed et 80 milliards pour la BCE? 

Pour l’instant, les banques centrales considèrent que la reprise de l’inflation est un phénomène transitoire mais le marché attend le verdict des augures de Jackson Hole!

4. Les Etats entre relance et rééquilibrage des comptes

La période estivale est traditionnellement peu propice aux grandes manœuvres budgétaires, les parlements nationaux suspendant leur session pendant cette période. Néanmoins, en Europe, comme aux Etats-Unis, les problématiques budgétaires ne partiront pas en vacances cet été.

Sur le Vieux Continent, le retour de l’orthodoxie budgétaire n’est pas pour demain mais la petite musique de la nécessité de revenir dès l’année prochaine à des pratiques fiscales plus équilibrées se fait entendre, de l’Allemagne aux Pays-Bas, en passant par la Finlande et l’Estonie. La campagne électorale allemande pour les élections générales du 26 septembre prochain est l’occasion de remettre le sujet au centre du débat. 

Aux Etats-Unis, ce sont, à l’inverse, les problématiques de poursuite de la relance budgétaire qui sont au cœur des débats cet été. Après avoir beaucoup promis, Joe Biden doit désormais délivrer. Pas facile avec une majorité quasi inexistante au Sénat. La désillusion guette. A contrario, un véritable accord bi-partisan sur les infrastructures, même avec une ambition restreinte par rapport aux annonces initiales, serait très bien perçu par les marchés. 

5. Chine – US: la sieste de Thucydide?

Lorsqu’une puissance dominante établie voit monter un rival, le conflit, souvent armé, est inévitable. Ce «piège de Thucydide», illustré par l’historien athénien avec le conflit entre Athènes et Sparte, a retrouvé toute son actualité au travers de la rivalité entre les Etats-Unis et la Chine, en particulier depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, qui assume ses ambitions de promouvoir et réaliser le «rêve chinois».

L’été peut-il voir un renouveau de ces tensions ou au contraire une trêve bienvenue? La volonté de l’administration Biden de rester sur une ligne ferme vis-à-vis de la Chine ne fait aucun doute. Les prochaines semaines devraient être cependant plutôt dominées Outre-Atlantique par les négociations budgétaires. 

Deux points majeurs sont à surveiller:

  • Les grandes entreprises chinoises de Technologie font face à une double menace; d’une part les Etats-Unis remettent en question leur cotation à Wall Street et d’autre part les autorités chinoises leur imposent des contraintes réglementaires accrues. 
  • Le détroit de Taiwan reste un point très chaud de la planète, à surveiller de près en permanence. 
6. L'Iran et le pétrole de retour au centre du jeu

L’élection du conservateur Ebrahim Raissi à la présidence de l’Iran le 18 juin dernier rebat les cartes. L’arrivée au pouvoir de Joe Biden aux Etats-Unis avait en effet permis la reprise du dialogue entre les deux pays en vue d’aboutir à la levée des sanctions américaines et au renouveau du traité de désarmement de juillet 2015.

L’enjeu est double: la stabilité de la région, alors que le Liban est aux prises avec une crise économique sans précédent et qu’Israël vient de changer de premier ministre, et le retour du pétrole iranien dans le circuit international. Si tel était le cas, le brut pourrait se détendre nettement, au bénéfice de la croissance mondiale. L’idéal serait un prix du baril à 65 dollars, la zone de risque se situe au seuil de 80 dollars. Reste à connaitre l’attitude de la Russie, qui profite souvent de l’été pour avancer ses «pions stratégiques» 

7. La Régulation aura-t-elle la peau des GAFA?

Depuis plusieurs mois, la pression monte sur les géants du numérique. Attaqués de toutes parts en Chine, aux Etats-Unis, en Europe, ils sont accusés de miner les ressources financières des États, d’étouffer toute concurrence, voire de manipuler les consommateurs. Les grands méchants du XXIe siècle! Les initiatives se multiplient et la nomination de Lina Khan à la tête de la Federal Trade Commission présage d’un renforcement de la pression.

La réalité est plus complexe: leur efficacité et leur agilité ont permis de développer des services très prisés des consommateurs et d’apporter de la fluidité dans les chaines de valeur mondiales. En outre, leur puissance financière est un atout incomparable pour investir dans des domaines dont la rentabilité ne peut s’obtenir qu’à long terme, à l’exemple du secteur spatial, en pleine révolution. Les mettre à bas pourrait avoir des conséquences néfastes tant pour les marchés – pour lesquels ils sont d’inépuisables locomotives – que pour la croissance. 

Jeff Bezos et Elon Musk ont changé le monde comme Steve Jobs et Bill Gates en leur temps! Il faudra donc rechercher un équilibre entre la nécessaire régulation et l’indispensable partenariat avec ces géants qui transforment la planète économique.

8. Le Bitcoin, un enjeu pour la stabilité financière?

Depuis que la finance s’est emparée des cryptos actifs en proposant des instruments financiers de type contrats à terme, ETF et options, ceux-ci – et en premier lieu le plus emblématique, le bitcoin – constituent un des paramètres à surveiller pour évaluer les risques quant à la stabilité du système financier.

Or les autorités monétaires des grands pays, en particulier la Chine, semblent de plus en plus nerveuses à l’idée de laisser prospérer ce qui est vu comme une concurrence voire une menace pour les monnaies nationales et leur souveraineté. Les mesures de restriction se sont donc multipliées ces dernières semaines, générant une forte baisse de la valeur du bitcoin passé de 65’000 à 30’000 dollars.

Pour la suite, tout dépendra des Etats-Unis. En cas de pression réglementaire trop forte, voire d’interdiction des transactions sur le territoire américain, la poursuite de ce mouvement pourrait amener de lourdes pertes pour les grands acteurs financiers impliqués sur ces marchés. 

9. Le G20 Finances et la tentation fiscale mondiale

La pandémie a signé le retour en force des Etats sur la planète économique mondiale. Ceux-ci exigent désormais des ressources supplémentaires pour être à la hauteur de leurs nouvelles ambitions.

Après le dernier G7 mi-juin qui a jeté les bases d’une fiscalité minimale des sociétés à 15%, le sommet G20 Finances des 8 et 9 juillet à Venise a été l’occasion d’avancer sur ces sujets : niveaux, base taxable, modalités de répartition des sommes récoltées. Ensuite, c’est à l’OMC et à l’OCDE que tout se jouera, avec les fermes oppositions à prévoir de l’Irlande et d’autres pays à fiscalité modérée.

La vision des marchés sur ces sujets dépendra des équilibres proposés: faire avancer l’équité fiscale en renouvelant des approches dépassées et en donnant de la visibilité aux entreprises mondiales sera bien reçu. 

Mais la limite est parfois ténue entre solidarité et sentiment de confiscation. Les investisseurs seront attentifs à ce qu’elle ne soit pas franchie.

10. Le cygne noir: climatique ou cyber? 

Parmi toutes les inconnues qui pourraient venir chambouler le déroulement de cet été, deux points à surveiller.

Le premier est le risque climatique. Depuis plusieurs années, les événements de forte ampleur se multiplient – sécheresse, inondations, cyclones - et les conséquences économiques et financières sont réelles. A ce jour, heureusement, aucun n’a pris une ampleur systémique. A terme, la solution viendra des entreprises mais il faut accélérer les investissements car le temps presse.  

Le second est le risque cyber. L’attaque sur le pipeline Colonial qui approvisionne en pétrole une grande partie de la côte Est des Etats-Unis est venue rappeler la vulnérabilité de certaines infrastructures devant l’audace de pirates de plus en plus sophistiqués. 

Les infrastructures financières sont très bien protégées mais le risque zéro n’existe pas. Là aussi, la vigilance doit être constante et l’effort permanent.

En dépit de ces points chauds, rappelons tout de même l’essentiel: grâce au soutien des Etats, des banques centrales et surtout à l’ingéniosité et au savoir-faire déployés par l’alliance entre l’industrie pharmaceutique et les chercheurs en biotechnologies, la planète s’est donnée les moyens de sortir d’une crise pandémique majeure. Nous croyons en la capacité d’innovation de l’esprit humain et de l’entreprenariat à tracer un avenir meilleur. Bon été à tous!