Le vin entre luxe et patrimoine

Nicolas Marmagne, XO Investments

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Le prix des grands vins suit l’inflation sur les produits agricoles, faisant de ce marché un mélange entre biens de luxe et protection de patrimoine.

Un marché concentré

L’inflation s’installe pas à pas dans tous les secteurs. Presque toutes les matières premières sont touchées et voient leur prix augmenter massivement. C’est le cas du secteur énergétique, des métaux mais également du marché agricole. Le prix du blé est en hausse de 30% en 2021, le café progresse de 75%, le coton de 50%, le sucre de 28%. 

En Europe, la météo capricieuse de cette année, soit trop chaude, soit trop froide, soit trop humide, renforce cette tendance. Les conditions climatiques ont entraîné une baisse de la production de certains secteurs ce qui réduira l’offre alors même que la demande augmente. La conjonction de deux phénomènes qui accélèrent l’inflation.

Le vin ne fait pas exception. Les récoltes en Europe sont beaucoup plus faibles qu’à l’accoutumée. Le gel tardif sur certains territoires, le manque d’eau en fin de saison pour d’autres, ou encore le mildiou ont tour à tour donné du travail et des soucis aux viticulteurs européens. 

La production 2021 devrait donc s’inscrire à un niveau inférieur à 260 millions d’hectolitres, correspondant à la production de 2020. La production, même si elle évolue depuis 20 ans entre 250 et 290 millions d’hectolitres, reste relativement stable. Le nombre d’hectares cultivés l’est également.

La consommation évolue quant à elle quelque peu différemment. Entre 2000 et 2008, la progression était constante pour atteindre un pic en 2008-2009 à 250 millions d’hectolitres. Depuis cette date on constate une réduction de la consommation. Conjuguant cette donnée à la hausse de la population mondiale, la consommation par tête diminue largement depuis une dizaine d’années. Les facteurs sociaux sont essentiels pour expliquer ce phénomène (certains pays ne consomment que peu d’alcool en raison de cultures ou religions différentes) tout en considérant que la limitation de l’alcool pour des raisons de santé a un impact dans les pays traditionnels de consommation.

Production et consommation mondiale de vin, millions d’hectolitres (2000-2020)

Source: OIV, XO Investments

L’Italie, la France et l’Espagne représentent le trio de tête des producteurs et exportateurs de vin dans le monde. L’Espagne se distingue de ses deux voisins par une plus faible consommation.

Les Etats-Unis sont le premier consommateur de vin au monde devant la France, l’Italie et l’Allemagne. La Chine, l’Angleterre ou la Russie s’ajoutent à ces pays malgré des productions presque nulles. Le Chili quant à lui produit presque exclusivement pour l’exportation.

Production, exportation et consommation mondiale de vin par pays, millions d’hectolitres

Source: OIV, XO Investments
Prix en hausse

Malgré une production qui stagne, les revenus du marché mondial du vin sont en hausse sur la dernière décennie. Avec un chiffre d’affaires de l’ordre 400 milliards par an, et un objectif à 500 milliards d’ici à 2025, cette culture n’est pas sans impact sur les finances italiennes, françaises ou espagnoles. 

Les revenus d’exportation sont néanmoins dépendants des pratiques commerciales et un froid diplomatique peu avoir de douloureuses conséquences. A titre d’exemple, le 18 octobre 2019, le président Trump mettait en place une taxe sur le vin étranger aux Etats-Unis à hauteur de 25%. Cette taxe, depuis suspendue et en cours de renégociation, est une épée de Damoclès pour la France, l’Italie l’Espagne, principaux fournisseurs du plus gros client mondial, les Etats-Unis. 

Revenus du marché mondial du vin (millions USD)

Source: Statista, XO Investments

Les produits sont hétérogènes entre ces différents pays exportateurs. Certains producteurs ont un objectif de volume alors que d’autres produisent des biens de luxe, à l’image des grands vins français. Tout comme l’horlogerie, le secteur agricole offre une palette assez large de qualités allant de l’artisanat à l’industrie. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de constater que certains grands châteaux français soient détenus par les grands empires du luxe. 

Pour mesurer les prix des plus grands vins, des indices de prix ont été créés par la société Liv-ex (The London International Vintners Exchange). Outre des indices régionaux (bordeaux, bourgogne, champagne, …), la société publie des indices globaux des plus grands vins. 

L’indice Liv-ex Fine Wine 50 représente ainsi le prix des vins les plus traités. Il inclut uniquement les 10 millésimes les plus récents et pas de primeurs. Aucun critère de qualité n’est utilisé. Pour le Liv-ex Fine Wine 100, c’est le benchmark des leaders de l’industrie en incluant 100 vins exceptionnels.  

Constituant de Liv-ex 100 Index

Source: Liv-ex, XO Investments

L’évolution des prix de ces deux indices majeurs est présentée dans le graphique suivant. 

Après une hausse vertigineuse entre 2005 et 2010, les cours sont revenus à un niveau inférieur entre 2010 et 2015. On peut constater que ce sont les vins les plus échangés, sans considérer de critères de qualité, qui ont le plus progressé dans cette période. Cela coïncide avec la période de hausse mondiale de la consommation. 

Depuis 2015, les prix réaugmentent. Ils ont été multipliés par 3 en 15 ans. L’évolution entre les deux indices est relativement similaire depuis 10 ans. Néanmoins, la période récente semble montrer une évolution plus rapide des vins des plus grandes maisons. 

En effet, alors que les prix ont progressé sur un an (à fin octobre 2021) de 12,58% sur le Live-ex Fine Wine 50, le Live-ex Fine Wine 100 progresse de plus de 18%. En détail, ce sont les grands bourgognes et les champagnes qui progressent le plus avec des hausses respectives de 25 et 26%.

Evolution des principaux indices de prix du vin

Source: Liv-ex, Bloomberg, XO Investments

Les prix globaux restent inférieurs à ce qu’ils étaient en 2010 mais l’indice des vins de grande qualité arrive désormais à son plus haut niveau historique. 

Le vin est un luxe périssable

Chaque période inflationniste de l’histoire a conduit les acteurs économiques à chercher par tous les moyens une manière de conserver leur pouvoir d’achat. La création de monnaies alternatives ou le troc se sont à maintes reprises développés pour palier à ces difficultés pour les échanges quotidiens.

Les investisseurs ont quant à eux privilégié la recherche d’actifs de protection de capital. L’immobilier ou les métaux précieux sont deux exemples communément cités. Néanmoins d’autres actifs réels sont parfois utilisés: les terres agricoles ou les biens de luxe. Les grands vins, à l’instar des voitures de collection ou des montres d’exception, appartiennent à cette catégorie. Mais c’est un des seuls produits de conservation de valeur périssable. Il y a fort à parier que, comme dans la période 2008 de crise financière, l’inflation et la crise COVID actuelle conduiront le prix des vins haut de gamme vers des prix plus élevés. Les grands vins allient donc les caractéristiques de biens de luxe et de protection de patrimoine.

Mais les fêtes de fin d’année pourraient également donner l’occasion d’apprécier au travers de ces vins millésimés, le plaisir d’appréhender le temps qui passe, en compagnie d’être chers. C’est peut-être finalement cela le luxe.

«Celui qui sait déguster ne boit plus jamais de vin, mais il goûte ses suaves secrets.»
Salvador Dali

L’équipe de XO Investments vous souhaite à toutes et tous une belle période de l’Avent et de très belles fêtes de fin d’année.